Budget Solidarité : les femmes et les mineurs non accompagnés au centre des débats

Budget Solidarité : les femmes et les mineurs non accompagnés au centre des débats

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, le Sénat a adopté avec modifications les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
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Par Elise Le Berre

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Publié le

Alors que la crise sanitaire et ses conséquences économiques soulèvent déjà des enjeux majeurs en termes d’inégalités sociales, le confinement a rendu plus criantes encore certaines inégalités existantes, telles que les conditions de logement, les inégalités de genre, ou encore la fragilité des personnes isolées.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, les sénateurs se sont attaqués à ces problématiques, et ont adopté des amendements visant à :

- maintenir à leur niveau de 2020 les crédits dédiés à la participation de l’État à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) ;

- permettre d’étendre l’expérimentation de la libre distribution de protections périodiques dans les lieux accueillant des femmes précaires ;

- revaloriser le montant de l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle (AFIS), versée aux personnes s’engageant dans le parcours de sortie de la prostitution et ne pouvant prétendre au bénéfice des minima sociaux, au niveau du RSA ;

- garantir aux femmes écrouées le libre accès à des protections périodiques.

 

« Nous ne pouvons que déplorer l’attrition d’année en année du soutien de l’État aux conseils départementaux pour l’accueil des mineurs non accompagnés ».

 

Les débats se sont surtout focalisés sur le cas des MNA, dont la baisse de la participation de l’État à hauteur de 42 millions d’euros a suscité l’ire d’une majorité de sénateurs, qui rappelle la « mission régalienne de l’État » en la matière. Pour Adrien Taquet, le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, cette baisse s’explique pourtant par la baisse du nombre de jeunes reconnus mineurs : « Il y a quelques jours, nous en étions à 8 437 jeunes reconnus effectivement mineurs », contre 17 000 reconnaissances de minorité en 2018. « Oui c’est une réalité, liée au contexte, soit, mais c’est une réalité : les flux d’arrivée sont bien plus faibles que les années précédentes ». « Il s’agit d’ajuster nos flux budgétaires à une réalité nouvelle ».

« Les départements sont fatigués », rappelle Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances, qui précise les chiffres : « Pour les MNA, aujourd’hui c’est dix fois plus que d’habitude » ; « dans mon département en 2011 trois millions de crédits pour les mineurs étrangers isolés à l’époque, cette année plus de 40 millions ». Cathy Apourceau-Poly, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, abonde dans ce sens : « Les départements sont aujourd’hui dépassés ». Avec « près de 7 000 enfants placés dans le Pas-de-Calais », « il faut des mesures d’État très fortes pour aider les départements ».

Jean Sol, du groupe Les Républicains (LR), a encore déploré que « les crédits demandés pour 2021 au titre des MNA s’élèvent à 120 millions d’euros ce qui représente un recul de 26 % par rapport à 2020 ». Or, estime-t-il, « la responsabilité de l’État dans un phénomène migratoire, dont l’incidence sera durable sur la protection de l’enfance justifie de maintenir sinon d’accroître le montant de sa participation ».

« C’est donc 42 malheureux millions qui sont demandés », insiste Arnaud Bazin, pour « faire un effort vis-à-vis des départements, un petit signal, je crois qu’il faut le faire ».

 

La lutte contre la précarité des femmes fait consensus

 

Les femmes en situation de pauvreté et de précarité ont fait l’objet d’un consensus aussi bien du côté des sénateurs que du gouvernement : le cas des étudiantes, par exemple, qui sont 270 000 « à vivre déjà sous le seuil de pauvreté », et qui n’ont pas accès aux produits de première nécessité, comme les protections périodiques, a été évoqué par la sénatrice Raymonde Poncet-Monge, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, qui a présenté un amendement visant à créer un fonds de soutien à l’expérimentation de distribution de protections périodiques dans les universités.

Elle a également évoqué la situation des femmes dans les centres pénitentiaires, et la privation d’accès aux soins hygiéniques. À l’appui d’un rapport de la Cour des comptes sur le service public pénitentiaire, elle a dénoncé l’écart de prix injustifiable appliqué aux protections périodiques dans les cantines pénitentiaires : « Deux à quatre fois plus élevé qu’en grandes surfaces pour le public ». « Ne pas fournir aux femmes détenues ces produits peut s’apparenter en soi à un traitement dégradant », a relevé le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’amendement proposé doit mettre fin à cette atteinte à la dignité humaine que représente ce non-accès aux protections périodiques par les femmes en milieu pénitentiaire, et garantit le libre accès à ces soins.

 

Les violences faites aux femmes, « la grande cause du quinquennat »

 

Élisabeth Moreno, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, a tenu à rappeler, tout au long des débats, « la mobilisation sans précédent » du gouvernement sur le sujet des violences faites aux femmes. Ce dernier se mobilise aussi dans la précarité menstruelle des femmes, et à cet effet, une expérimentation a d’ailleurs été lancée dans les établissements pénitentiaires – même si, avec la crise, la poursuite de ces actions a été reportée à 2021.

Cette expérimentation sera également lancée dans les établissements scolaires, et, rappelle la ministre, les associations actives sur ce sujet continent de bénéficier du soutien de l’État. En 2021, 50 millions d’euros seront consacrés notamment à la précarité menstruelle. Concernant les bénéficiaires de l’AFIS, elles percevront l’aide exceptionnelle de solidarité à hauteur de 150 euros.

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