« C’est la faute de tout le monde sauf de Christophe Castaner »

« C’est la faute de tout le monde sauf de Christophe Castaner »

Au Sénat, les annonces du Premier ministre en réponse aux violences de samedi sur les Champs-Élysées peinent à convaincre. Les parlementaires estiment que les mesures présentées arrivent trop tard. Ils ont également pris la défense du préfet de police, poussé vers la sortie.
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Édouard Philippe a voulu afficher la fermeté du gouvernement, après les scènes de pillage et de dégradation sur les Champs-Élysées, le 16 mars, au cours de la 18e manifestation parisienne des Gilets jaunes. « Dysfonctionnement », « échec », dès lundi matin, le ministère de l’Intérieur a reconnu des accrocs dans le maintien de l’ordre. Ce qui n’a pas empêché le Premier ministre de prendre de nouvelles mesures, d’ordre réglementaire, pour éviter qu’un nouveau samedi de violences ne se reproduise une nouvelle fois (relire notre article).

Au Sénat, beaucoup d’élus, notamment de la capitale, doutent de la sincérité de l’exercice. « On a peu l’impression qu’il fallait dans l’esprit du gouvernement marquer le coup […] Je n’ai pas entendu de choses très nouvelles ou en tout cas qui justifiaient une conférence de presse », réagit la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie. « Ce que je crains c’est que ce soit plus de la mise en scène de la fermeté, que de la fermeté réelle », ajoute-t-elle.

Parmi les décisions annoncées, le renvoi du préfet de police, Michel Delpuech, n’est pas loin d’écœurer les sénateurs. « Je ne suis pas convaincu que le changement du préfet de police réglera grand-chose », se lamente Bernard Jomier, sénateur de Paris, apparenté au groupe socialiste. Sa collègue Marie-Pierre de la Gontrie juge comme lui que la responsabilité se situe en réalité place Beauvau. « La ligne du gouvernement d’affirmer que le préfet de police aurait désobéi et n’aurait pas respecté les consignes. C’est une accusation grave ».

« Une forme d’incompétence qui éclate aux yeux de tous »

« Comment peut-on se satisfaire simplement de la destitution du préfet de police de Paris alors que manifestement les policiers sur le terrain ne savaient pas ce qu’ils devaient faire ? » s’exclamait ce matin sur notre antenne, le sénateur de Moselle François Grosdidier (LR).

« Il n’y en avait une seule à prendre [de mesure], c’était de changer le ministre de l’Intérieur, ce n’est pas le préfet Delpuech qui est responsable de tout ça », considère le sénateur LR, Pierre Charon, proche de Nicolas Sarkozy.

« Il n'y avait qu'une mesure à prendre : changer le ministre de l’Intérieur » (Pierre Charon)
00:37

Les socialistes ne retiennent absolument pas leurs coups envers Christophe Castaner, l’un de leur ancien camarade. « Pour camoufler une forme d’incompétence qui éclate aux yeux de tous, on va chercher la faute partout. La faute, ce sont les lanceurs de balle de défense, qui n’ont pas été assez utilisés. Ce sont les consignes obscures qui ont été passées dans le dos du ministre. Le préfet de police qui n’était pas au niveau. C’est la faute de tout le monde sauf de Christophe Castaner et du gouvernement, c’est quand même un peu étrange », raille Jérôme Durain (vidéo de tête), qui entend « poser des questions directes » cet après-midi au ministre, lors de son audition. Marie-Pierre de la Gontrie constate que Christophe Castaner « n’annonce jamais rien », et « qu’il n’était pas préparé à occuper ce poste » :

Ministère de l'Intérieur : « Une forme d’incompétence qui éclate aux yeux de tous » (de la Gontrie)
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La confidence de Christophe Castaner avec un policier

Interviewé ce matin sur France Inter, le ministre de l’Intérieur a tenu à faire la distinction entre ses décisions. Et celles des autres. « J’assume totalement mes responsabilités sur mes décisions », a-t-il insisté, imputant les erreurs à l’état-major de la préfecture de police. S’en suit, toujours sur France Inter, une confidence sur un échange qu’il l’a opposé avec un policier le lendemain de la manifestation. « Il m'a dit : 'vous savez Monsieur le ministre, c'est dommage qu'on n'ait pas pu utiliser les LBD'. Je l'ai regardé je lui ai dit : 'Mais d'où ça vient ?' Je pensais même que c'était une rumeur. Lundi matin, j'ai su que ce n'était pas une rumeur. »

Il a assuré qu’un changement de stratégie avait été opéré depuis le 1er décembre. « Je pense qu’être chef c’est de diriger une équipe, c’est de changer une doctrine opérationnelle en profondeur, c’est d’avoir le courage de le faire alors que ça n’a pas été fait depuis 30 ans. » Le locataire de la place Beauvau a reconnu que cette nouvelle doctrine « n’avait pas été appliquée » samedi.

« Si la situation sociale du pays était plus apaisée, il n’y aurait pas ces débordements »

Quant aux autres réponses, les sénateurs ne cachent pas leur scepticisme, au moment des traditionnelles réunions de groupe du mardi matin. L’interdiction de manifestation en cas de risque avéré d’ « éléments ultras » dans des lieux emblématiques comme les Champs-Élysées à Paris ou la place du Capitole à Toulouse ? « Il faut prendre garde à ce qu’elles ne s’exercent pas sur un périmètre restreint qui ne ferait que reporter l’interdiction de manifestation », craint Bernard Jomier.

L’élu parisien se lamente que l’exécutif ne tire des leçons que de façon « décalée ». Il ajoute que ce nouvel arsenal sécuritaire tombera à côté des véritables problèmes. « Si la situation sociale du pays était plus apaisée, il n’y aurait pas ces débordements violents, c’est aussi à cette réponse-là qu’il faut s’attaquer », estime-t-il.

« Si la situation sociale du pays était plus apaisée, il n’y aurait pas ces débordements » (Bernard Jomier)
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« Le serpent qui se mord la queue »

Pour François Grosdidier, l’augmentation du montant de l’amende en cas de participation à une manifestation non déclarée ne dissuadera personne. Il file la métaphore de l’automobiliste. « On passera du dépassement d’horaire au stationnement gênant. Il s’agit d’en faire un véritable délit », demande-t-il. « On n’est pas encore à l’échelle et cela risque de s’éterniser éternellement, le gouvernement reste dans la demi-mesure. Il est trop lent et pas assez ferme, il progresse mais en étant toujours en retard par rapport aux événements ! »

Les sénateurs ne sont pas moins dubitatifs sur le sort de la loi dite « anticasseurs », votée la semaine dernière au Parlement. Elle « va manquer son objectif », pronostique Bernard Jomier. « C’est le président de la République qui retard l’application de la loi [il a demandé son examen par le Conseil constitutionnel, NDLR]. C’est le serpent qui se mord la queue ! »

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