« C’est la victoire de notre projet de réforme des retraites ! » : au Sénat, la satisfaction des élus LR

« C’est la victoire de notre projet de réforme des retraites ! » : au Sénat, la satisfaction des élus LR

Présentée ce mardi 10 janvier, la réforme des retraites du gouvernement s'appuie sur les orientations défendues par la droite sénatoriale depuis plusieurs années. Les élus LR devraient largement soutenir ce texte, mais ils entendent aussi conserver une position critique vis-à-vis de la majorité, ce qui pourrait être difficile à faire entendre face à l’opposition franche des partis de gauche.
Public Sénat

Par Romain David avec Quentin Calmet et Matias Arraez

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Ambiance joviale et souriante, ce mardi matin, dans les couloirs du Sénat. Dans le foyer de la salle Médicis, où les Républicains tiennent leur réunion de groupe hebdomadaire, la première de l’année, les accolades et les vœux de bonne santé fusent sous la grande tapisserie surréaliste de Robert Wogensky, vestige de l’ère Pompidou. « Bonne année… et bonne retraite ! », lance, tout sourire, un élu des Hauts-de-France. La bonne humeur des LR tient autant au plaisir de se retrouver, après le marathon budgétaire de l’automne et la trêve des confiseurs, qu’à l’agenda politique du jour qui les place sous les feux des projecteurs. Dans quelques heures, la première ministre Élisabeth Borne détaillera, après plusieurs semaines de consultations, son projet de réforme des retraites, dont les grandes lignes ont déjà été largement éventées : un report de l’âge légal à 64 ans à l’horizon 2030, et une extension de la durée de cotisation à 12 annuités. Une feuille de route qui correspond, peu ou prou, à l’amendement que la majorité sénatoriale de droite et du centre tente d’inscrire au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) depuis 2014, pour un report de l’âge de départ de 62 à 64 ans. « C’est la victoire du projet de réforme des retraites su Sénat ! », se félicite auprès de Public Sénat Bruno Retailleau, le président des sénateurs LR.

« La réforme utilise les deux leviers, ceux-là mêmes que nous votons d’habitude : le report de l’âge l’égal à 64 ans et le levier d’une accélération de la réforme Touraine, sur la durée de cotisation », détaille l’élu vendéen. « Quel temps de réaction long ! Que de temps perdu pour en arriver à ce que l’on préconise depuis un certain nombre d’années et qui a toujours été refusé ! », soupire René-Paul Savary, sénateur de la Marne, en charge du dossier des retraites pour son groupe et auteur de l’amendement de report encore adopté cet automne par la Chambre Haute. Avec cette réforme, les LR sont appelés à jouer un rôle clef pour permettre au gouvernement, qui ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, de faire passer une réforme présentée comme « la mère des batailles », mais qui s’est déjà mis à dos la quasi-totalité des syndicats, l’ensemble des oppositions de gauche et le Rassemblement national. Est-ce que le gouvernement va agir avec humilité par rapport au retard qu’il a pris ? Ou avec arrogance vis-à-vis de notre famille politique ? Tout cela doit être pris en compte », avertit René-Paul Savary.

>> Lire aussi - Départ à 64 ans, fin des régimes spéciaux, pension minimum : Élisabeth Borne dévoile le contenu de la réforme des retraites

Ce lundi sur LCI, Mathilde Panot, cheffe de file des élus LFI, prévoyait le dépôt de quelque 75 000 amendements pour son seul groupe, ce qui laisse présager de débats particulièrement houleux. Pour autant, si la droite sénatoriale est à l’unisson sur le report à 64 ans, les 62 députés LR ne s’expriment pas encore d’une seule et même voix.

« Je fais confiance à Olivier Marleix pour obtenir un consensus »

Olivier Marleix, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, avait indiqué qu’il préférait un horizon à 63 ans en 2027, avant de passer à 64 ans en 2030. À raison d’« un trimestre par an » de relèvement de l’âge légal, « ce qui amène à 63 ans à la fin du quinquennat » et « 64 ans sur le quinquennat suivant », a-t-il détaillé lors d’une conférence à la mi-journée. Inversement, le député du Lot et candidat malheureux à la présidence des LR, Aurélien Pradié, s’est longtemps opposé au recul de l’âge légal de départ. Depuis, il affiche une position plus nuancée : « Pour moi, ce qui doit primer, c’est la durée de cotisation. À partir de là, tout est ouvert », a-t-il déclaré lundi sur le plateau d’« Audition publique », l’émission hebdomadaire de Public Sénat, LCP-AN, en partenariat avec Le Figaro Live. Le jeune élu, tenant d’une droite sociale, se dit particulièrement soucieux de la prise en compte des carrières longues et du critère pénibilité.

La droite a longtemps porté le totem des 65 ans, encore inscrit dans le programme présidentiel de Valérie Pécresse mais qui figure aussi dans les engagements défendus par Éric Ciotti comme candidat à la présidence des Républicains. Depuis, le député des Alpes-Maritimes a mis de l’eau dans son vin et défendu dans les colonnes du Journal du Dimanche une réforme en deux temps : 63 ans en 2027 et 64 ans en 2032. « Petit à petit, Éric Ciotti est venu sur notre position », sourit Bruno Retailleau, qui a été cet automne le principal challenger du nouveau patron des Républicains. « Il y a une minorité de députés LR qui pourront avoir d’autres positions, mais je fais confiance à Olivier Marleix pour obtenir un consensus. » « Il y a différentes positions, ce qui est normal face à des mesures sociétales importantes », tempère René-Paul Savary. « Maintenant, ce qui compte, c’est de rassembler pour trouver une réforme qui corresponde véritablement aux préoccupations des Français. Il faut donner confiance, c’est là que le bât blesse parfois. »

Ligne de crête

Si la droite se félicite de l’arrivée de cette réforme, elle a également conscience d’entrer dans une séquence politique relativement délicate. Laminé par les défaites électorales et les défections, notamment en direction des macronistes, LR entend soutenir le texte tout en restant une force d’opposition. « Le fait d’être dans une opposition constructive nous permet, même si l’on vote les textes, de les critiquer », explique encore le sénateur Savary. Une posture d’équilibre qui pourrait s’avérer difficile à défendre au milieu du vacarme parlementaire attendu autour de ce texte, notamment du côté du Palais Bourbon. « Si nous faisions table rase de nos propositions, on pourrait dire que l’on se rapproche de la macronie mais là, c’est Emmanuel Macron qui se rapproche de nos positions. Il ne faut pas inverser les lignes », recadre Catherine Deroche, la présidente de la commission sénatoriale des Affaires sociales. Et pour pousser à davantage d’inflexions de la part de la majorité, les deux chefs de groupe, Olivier Marleix et Bruno Retailleau, ont posé des conditions préalables au soutien des parlementaires LR : en tête desquelles une revalorisation de l’ensemble des petites pensions.

Si le gouvernement s’est bel et bien engagé à porter la retraite minimum à 85 % du Smic, soit environ 1 200 euros, le périmètre d’application de la mesure restait encore en suspens mardi matin. Lors de la séance de questions au gouvernement, Élisabeth Borne s’est dite prête à travailler avec les LR sur ce point. Avant de s’engager, lors de la présentation du projet de réforme en fin d’après-midi, sur une « augmentation pour 2 millions de petites retraites ». « Si vous prenez uniquement les retraités entrants, c’est un coût global de 50 millions à l’horizon 2027. Si vous prenez les retraités déjà à la retraite, cela fait 30 milliards d’euros. C’est un delta très important, il faut le noter, mais on ne peut pas dire que les retraités soient des nantis », expliquait un peu plus tôt, au micro de « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat, Céline Boulay-Espéronnier, sénatrice de Paris apparentée LR.

« Dans un régime par répartition, dès lors que l’on fait rentrer des cotisations supplémentaires, il faut en profiter pour réparer des injustices. Et les injustices les plus criantes à nos yeux, ce sont ces gens qui ont travaillé toute leur vie, qui ont des carrières complètes, et qui sont au minimum contributif de 741 euros », a relevé Olivier Marleix lors d’un point presse en milieu de journée. « Pour nous, c’est un impératif dans cette réforme que la retraite minimale à 1 200 euros ne soit pas proposée qu’aux futurs retraités mais revalorise les deux millions de Français qui, aujourd’hui, sont au minimum contributif. » « Les trois quarts des petites retraites, ce sont des mères de famille dont les trajectoires ont été incomplètes parce qu’il y a eu du temps partiel », abonde Bruno Retailleau. Une manière aussi d’appeler l’exécutif a davantage de cohérence alors que l’égalité entre les femmes et les hommes est l’une des grandes causes du quinquennat.

« De manière triviale, je dirai que ça va tanguer, cela dit, il va falloir tenir bon »

Autre écueil pour LR : devenir, avec le gouvernement, l’une des cibles de la grogne sociale attendue sur ce texte. Ce dont se passerait bien le parti, lancé depuis décembre dans une énième séquence de refondation. « Le gouvernement ne peut plus se rater. Le problème avec cette réforme, c’est qu’elle n’a pas d’assise populaire. On voit bien qu’il va y avoir des contestations sociales. Il y a une assise intellectuelle, bien entendu, mais qui n’est pas toujours comprise par nos concitoyens », soutient Céline Boulay-Espéronnier. « De manière triviale, je dirai que ça va tanguer, cela dit, il va falloir tenir bon car il faut sauver le système par répartition qui est le plus solidaire possible. On va aider le gouvernement à tenir bon », assure l’élue qui avait défendu, pendant la campagne présidentielle, l’idée d’un rapprochement entre Les Républicains et Emmanuel Macron. Aujourd’hui, elle pointe le manque de méthodologie de l’exécutif. « Comme très souvent, malheureusement, le timing n’est pas optimum. On a l’impression d’une sorte de précipitation, et d’un manque de pédagogie », relève-t-elle. « Il y a eu le covid-19, des Français sont en proie à beaucoup de difficultés, de doutes. Cette réforme pose la question de notre rapport au travail, de l’allongement de la durée de vie […], tout cela aurait dû être questionné bien en amont ».

« Certains disent, est-ce bien le moment ? Le problème, c’est que ça n’est jamais le moment », soupire Catherine Deroche. « Même sans avoir un contexte tel qu’il est actuellement, c’est toujours difficile. Les syndicats se bloquent sur l’âge, et seront, je pense, toujours opposés à une réforme des retraites. » Dans le détail, pour prendre connaissance du texte même de la réforme, les élus devront encore attendre jusqu’à la fin du mois, avec une présentation en Conseil des ministres prévue le 23 janvier.

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