« C’est off », le nouveau magazine d’investigation avec Zemmour à la Une, lancé par… « les équipes de Closer »

« C’est off », le nouveau magazine d’investigation avec Zemmour à la Une, lancé par… « les équipes de Closer »

Auditionné par le Sénat, Pascal Chevalier, fondateur du groupe de médias Reworld, affirme que son magazine d’investigation, « c’est off », a été lancé par le « pôle divertissement » de son groupe, dont les méthodes, où la logique marketing prend une grande place, sont contestées. Plutôt que des journalistes, il embauche des créateurs de « contenus » et préfère s’appuyer sur des « experts » et des « passionnés ».
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Il est paru dans les kiosques, en décembre dernier : « C’est off », le nouveau magazine trimestriel « d’investigation », lancé par le groupe Reworld. Auditionné ce jeudi par la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias, son président, Pascal Chevalier, a donné quelques éléments étonnants sur sa nouvelle parution.

« Nouvelles marques »

Interrogé par la sénatrice écologiste de Gironde, Monique de Marco, sur le magazine, dont « le premier numéro est consacré à Eric Zemmour, avec une interview de Jean-Marie Le Pen et d’Alain Soral », le patron de Reworld, qui assurait quelques minutes plus tôt ne pas vouloir aller dans le secteur de l’information, explique comment s’est monté ce nouveau mag. « Chaque rédaction nous propose des nouvelles marques. Celle dont vous parlez nous a été proposée. Je n’ai pas d’avis là-dessus. Pour être honnête, je n’ai pas lu le numéro 1. Je laisse libre cette équipe d’essayer », botte en touche Pascal Chevalier, qui précise quand même que « « c’est off », c’était les gens du pôle divertissement. Et en fait, chacun des pôles, demain, va chercher à créer des nouveaux produits », au même titre qu’un magazine sur « le vin » ou la « cuisine ».

« Zemmour, Soral, c’est du divertissement ? » s’étonne le rapporteur socialiste de la commission d’enquête, David Assouline. Réponse du patron de Reworld : « C’était les équipes de Closer qui ont voulu faire ça. Donc je leur ai dit, si vous pensez que c’est une bonne idée, je vous laisse essayer. Et je n’ai vraiment pas de jugement », insiste Pascal Chevalier, « je vais laisser faire. Le véritable juge, c’est le lecteur ».

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« Cibler un profil de consommateur »

Pour le reste, Pascal Chevalier a décrit comment il conçoit son groupe, qui depuis le rachat de Mondadori France, compte 56 titres de presse, dont Auto Journal, Auto Plus, Grazia, Biba, Marie-France, Modes et Travaux, Top Santé, Science et Vie, Science et Vie Junior, Closer, Telestar, etc. Un monde empreint d’esprit marketing – logique, la moitié du chiffre d’affaires du groupe vient de la publicité en ligne « avec un système d’enchère automatique pour aller cibler un profil de consommateur » – avec, non pas des articles, mais des « contenus » à décliner en divers formats pour des cibles, et où les journalistes n’ont pas une place centrale dans la production de contenus d’information.

Pascal Chevalier préfère plutôt s’appuyer sur des « experts » et des « passionnés ». Il dit : « Le passionné – qu’il soit journaliste ou pas, ce n’est pas ça le point – je veux qu’il soit compétent et qu’il puisse me faire passer sa passion, ses envies ». Il semble avoir inventé le blog en somme. Cette vision stratégique a quand même fait fuir de nombreux journalistes des titres rachetés, Science et Vie en tête.

« L’information traitée comme une marchandise quelconque », pointe David Assouline

« On a l’impression que la façon de fabriquer l’information va être liée au fait de vendre, à côté, à ses lecteurs. C’est l’information traitée comme une marchandise quelconque et non comme quelque chose d’à part, avec ses règles déontologiques, et des journalistes formés, avec des chartes déontologiques », pointe du doigt David Assouline. Une description contre laquelle le président de Reworld, un ingénieur de formation qui a commencé à la Direction générale de l’armement, s’inscrit en faux : « Tout ce que vous me dites là n’est pas réel. Vous avez un rédacteur en chef qui lui est journaliste », « il n’y a pas de confusion avec la publicité », assure Pascal Chevalier, pas de mélange des genres, promis. Pour preuve, il insiste sur les « 800 journalistes » que compte son groupe.

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Interrogé par le président de la commission d’enquête, le centriste Laurent Lafon, sur le nombre de cartes de presse exact, l’homme d’affaires esquive et ne répond pas avec précision. « Vous avez des cartes de presse, vous avez des CDI, des pigistes qui ont la carte de presse et des gens partis vivre en province, c’est plus des relations de prestataire ou d’agence », dit-il. Pascal Chevalier en arrive à dire au passage que « le pigiste, on ne va pas dire que c’est quelqu’un de précaire. Il a une capacité de travailler pour plusieurs personnes ». S’il est vrai que certains pigistes ne sont pas précaires, ils sont en revanche très nombreux à l’être. Ils sont aussi les premiers à subir les économies dans les journaux.

« Restructurer »

Il assume avoir « restructurer » certaines rédactions comme Marie-Claire, « à un moment, il faut se confronter à la réalité. Ce n’est pas agréable mais il faut le faire ». Il met cependant en avant l’investissement réalisé ensuite, notamment, pour ce qui est  du magazine féminin, sur le site internet, qu’il a développé. « Sur Marie-Claire, sur 28 journalistes, quand vous l’avez racheté, il semblerait aujourd’hui qu’il n’y en a plus que deux… » lâche Laurent Lafon. Pascal Chevalier répond encore à côté, et lance quelques secondes après : « Je suis le premier employeur de journalistes de France. J’en ai 800 ». 

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