Ce que contient la version définitive du projet de loi sanitaire adopté par le Parlement

Ce que contient la version définitive du projet de loi sanitaire adopté par le Parlement

Le Parlement a adopté ce mardi la version définitive du 13ème projet de loi sanitaire du gouvernement. Une version presque identique à la version adoptée par le Sénat la semaine dernière, qui réinstaure la possibilité d’exiger un test négatif des personnes qui rentrent sur le territoire en cas d’apparition d’un nouveau variant.
Louis Mollier-Sabet

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Après de nombreuses péripéties, le parcours parlementaire du projet de de loi « de veille et de sécurité sanitaire » du gouvernement arrive à son terme. Avec ce texte sanitaire, la nouvelle législature, dans une configuration politique et parlementaire inédite, aura démarré en trombe. Le rejet surprise de l’article 2 sur le certificat sanitaire aux frontières aura notamment constitué un coup de force symbolique des oppositions, qui, en agrégeant des votes du RN, de LR, et d’une majorité de l’alliance de gauche de la Nupes ont mis la majorité présidentielle en minorité, avec 219 voix exprimées pour rejeter l’article contre 195. La commission des Lois du Sénat avait d’emblée réintroduit le dispositif dans une nouvelle version, avant que cette rédaction soit validée en séance, puis en commission mixte paritaire avec les députés. Là encore, le destin de ce projet de loi est riche d’enseignement pour les prochains travaux parlementaires du quinquennat.

La majorité présidentielle a en effet dû tomber d’accord avec la droite, alors que la majorité sénatoriale s’est finalement retrouvée obligée de composer avec le gouvernement, mais aussi avec le groupe LR à l’Assemblée nationale, pas forcément sur la même longueur d’onde au départ. Un équilibre fragile, mais qui remet la navette parlementaire au centre du jeu politique français. « Ce texte est le résultat d’une méthode que je souhaite mettre en œuvre avec vous sur la durée dans cette nouvelle donne politique », s’est félicité le ministre de la Santé, François Braun, en saluant « toutes les possibilités qu’offre le bicamérisme, le tout au service de la qualité du droit et de nos concitoyens » et un texte « fruit d’un travail parlementaire, consensuel et exigeant que le gouvernement respecte. » Sur le fond en revanche, le texte a assez peu évolué depuis la présentation du rapport de Philippe Bas (LR) en commission. Retour sur la version définitive du texte adoptée ce mardi par le Sénat, par 209 voix pour et 30 contre.

  • Abrogation de l’état d’urgence sanitaire

Le gouvernement misait sur une extinction implicite des deux régimes juridiques dérogatoires au droit commun, plus communément appelés « état d’urgence sanitaire », en ne les prolongeant pas dans ce projet de loi. Philippe Bas et la majorité sénatoriale ont préféré s’atteler à un « toilettage » du code de la santé publique en procédant à une « abrogation expresse de l’état d’urgence sanitaire. » Le ministre de la Santé, François Braun, avait admis sans difficulté en séance que « cela allait mieux en le disant. »

« Nous avons voulu rendre les choses claires et nous avons convaincu l’Assemblée nationale et le gouvernement de nous suivre sur le terrain de la clarté », s’est réjoui Philippe Bas en séance ce mardi, lors du vote du texte issu de la commission mixte paritaire. « En cas de crise sanitaire, si le gouvernement a besoin à l’avenir de pouvoirs exceptionnels, il pourra les négocier un par un avec le Parlement, nous ne faisons pas crédit. C’est notre rôle constitutionnel », a-t-il poursuivi.

  • Prolongation du fichier Sidep jusqu’au 30 juin 2023

L’Assemblée nationale proposait de prolonger les fichiers Sidep et de contact tracing jusqu’au 31 janvier 2023, ce qu’a accepté le Sénat, mais la majorité sénatoriale a tenu à aligner la prolongation de la centralisation des résultats de test dans Sidep à la législation européenne, pour délivrer les justificatifs nécessaires pour produire un « certificat covid numérique de l’UE », soit jusqu’au 30 juin 2023. Un dispositif qui a convaincu François Braun, et qui a donc été adopté en commission mixte paritaire. « Nous avons fait en sorte que les Français puissent voyager facilement en Europe. Ils pourront disposer jusqu’à la fin de l’application du règlement européen le 30 juin prochain, [d’un justificatif pour le certificat européen] », a expliqué Philippe Bas ce mardi en séance.

  • « Certificat sanitaire aux frontières » : un test négatif exigible pour rentrer sur le territoire en cas d’apparition d’un nouveau variant

C’était le gros morceau de ce texte, supprimé à l’Assemblée nationale, mais réintroduit par le Sénat, ce que n’a pas manqué de saluer le ministre de la Santé : « J’avais dit après la suppression de cet article que je voulais me battre pour le réintégrer. La CMP a permis de confirmer l’apport très important voté au Sénat, et je me félicite donc du fait que vous ayez permis son retour. » Mais si le Sénat a finalement réintroduit le dispositif, c’est sous une double forme, contrairement à ce qui était initialement prévu par le gouvernement. Pour les voyageurs venant de l’étranger et se rendant sur le sol français, le gouvernement pourra exiger un test négatif afin d’entrer sur le territoire. D’autre part, les voyages depuis, et vers, les Outre-mer pourront finalement être soumis au même dispositif en cas de saturation des systèmes de santé locaux. « Pas d’autres instruments de contrôle que ces deux-là ne sont actionnables, et seulement en respectant des conditions extrêmement restreintes », a reprécisé Philippe Bas lors du vote du texte définitif ce mardi.

C’est donc seulement un test qui pourra être demandé par le gouvernement, pas un certificat de vaccination ou de rétablissement, jugés insuffisants par le rapporteur LR Philippe Bas. Cela n’a pas manqué de faire réagir les socialistes, qui ont notamment critiqué des « clins d’œil » de la majorité sénatoriale « aux antivax. » « Je garderai de cette soirée, un sentiment un peu triste de retour en arrière. Nous avons vu le vaccin retiré du passe sanitaire alors que nous plaidons sans relâche pour la vaccination auprès de nos concitoyens depuis deux ans », a regretté ce mardi Marie-Pierre de la Gontrie, alors que le groupe socialiste s’est abstenu sur la version définitive du texte, comme lors de la commission mixte paritaire. Le ministre s’est montré plus mesuré, mais peu enthousiaste face à ce choix imposé par la droite : « En revanche vous avez limité cet article aux tests de dépistage de la covid alors que, dans son texte initial, le gouvernement visait aussi les preuves de vaccination et de rétablissement », a ainsi déploré François Braun. Le ministre de la Santé avait plaidé en séance pour une « boîte à outils permettant de nous adapter à toutes les situations », mais se range « au compromis parlementaire, qui s’est établi ainsi. »

  • « Dessiner le chemin » vers la réintégration des soignants

Enfin, le Sénat, puis la commission mixte paritaire, ont tenu à « dessiner le chemin » vers la réintégration des soignants non-vaccinés suspendus. Philippe Bas a ainsi poussé pour que celle-ci soit possible « au moment où il n’y aura plus de raisons médicales d’imposer une obligation vaccinale contre le covid. » La Haute Autorité de Santé devra donc décider – soit en s’autosaisissant, soit en étant saisi par le gouvernement, soit par les commissions des Affaires sociales du Parlement – si le moment est opportun au niveau épidémiologique. « Nous avons souhaité ne pas prendre parti dans le débat sanitaire touchant à la réintégration des personnels soumis à l’obligation vaccinale qui n’ont pas voulu se faire vacciner. Ce n’était pas notre rôle. Seule une décision médicale et scientifique, pourrait le réintégrer, tout en rappelant qu’ils n’ont pas été licenciés, mais seulement suspendus. » La Haute Autorité de Santé s’est immédiatement opposée à cette réintégration le 22 juillet dernier, mais en l’état actuel de la loi, elle pourrait être à nouveau saisie. « Cet article est inefficace, inutile et dangereux », avait regretté Sacha Houlié (Renaissance), président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, au micro de Public Sénat.

Mais la majorité présidentielle, dans la configuration parlementaire actuelle, a été obligée de faire cette concession aux LR du Sénat, et surtout de l’Assemblée nationale. Ainsi, François Braun s’est montré moins frontal lors du vote définitif du texte : « La question de la réintégration des professionnels soumis à l’obligation vaccinale a fait l’objet d’un traitement équilibré et responsable. Je soutiens le consensus issu de la CMP, qui s’appuie sur l’avis des scientifiques et de la Haute autorité de santé. » La mesure a été, là aussi, fustigée par le groupe socialiste : « Nous avons vu, à l’initiative du rapporteur, sortir un article sur la réintégration des soignants, qui devait d’après lui simplement ‘dessiner le chemin’, alors qu’il a parfaitement été compris par les antivax comme une porte ouverte vers la réintégration », a déploré Marie-Pierre de la Gontrie. La gauche a d’ailleurs vu dans ce texte le signe que les majorités présidentielles et sénatoriales devront gouverner ensemble. « Bon courage », a lancé la sénatrice socialiste à ses collègues de la droite et du centre. « Je ne sais comment demain le groupe LR pourra s’adapter aux différentes exigences de la majorité présidentielle. » Sur un texte sanitaire, cela n’a pas paru si compliqué, mais d’autres projets de loi autrement plus clivants arrivent à la Haute assemblée, comme le projet de loi sur le pouvoir d’achat qui sera examiné jeudi, vendredi et samedi prochain.

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