Cinquième vague de covid-19, variant Omicron : ce qu’ont déclaré les infectiologues au Sénat

Cinquième vague de covid-19, variant Omicron : ce qu’ont déclaré les infectiologues au Sénat

La mission de contrôle du Sénat sur les mesures liées à l’épidémie de covid-19 a auditionné ce 30 novembre trois infectiologues, quelques jours après l’identification du variant Omicron, sur lequel les données manquent encore. Tous ont souligné les apports de la vaccination dans la maîtrise du variant Delta, mais appellent à « combiner » plusieurs mesures de freinage, comme l’aération des lieux ou les gestes barrières.
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À quoi faut-il s’attendre cet hiver sur le front de la pandémie de covid-19 en France, avec la montée de la cinquième vague ? L’arrivée d’un variant « préoccupant », Omicron, va-t-il totalement rebattre les cartes ? La mission de contrôle du Sénat sur les mesures liées à l’épidémie s’interroge sur les perspectives à court et moyen terme. Elle a recueilli ce 30 novembre les avis de plusieurs spécialistes.

Difficile à ce stade, selon les infectiologues ou épidémiologistes auditionnés, de prédire quelles pourraient être les conséquences d’Omicron. Les données manquent encore sur cette nouvelle version du virus, identifiée en Afrique du Sud. « Il semble, mais les informations ne sont pas encore très solides, qu’il puisse être plus transmissible », prévient néanmoins l’épidémiologique Dominique Costagliola. Il faudra « quelques semaines » encore, d’après elle, pour dire si ce variant Omicron déstabilise l’efficacité des traitements et surtout, des vaccins. « On suspecte qu’avec autant de mutations, il peut y avoir un impact, mais on n'en sait rien », avance avec la même prudence Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat à Paris. Les experts ne s’avancent pas plus sur l’évolution de la sévérité de la maladie, avec le nouveau variant. « On ne sait pas s’il est associé aux formes plus graves », selon Dominique Costagliola.

« 80 % des patients covid-19 admis à l’hôpital ne sont pas vaccinés »

Pour le moment, la progression de l’épidémie en France est avant tout « liée au variant Delta », martèle Yazdan Yazdanpanah, du Conseil scientifique. La pression sur l’hôpital s’accroît, mais le nombre de patients dans les établissements de santé est encore inférieur aux vagues précédentes. « Nous ne sommes pas submergés », constate l’infectiologue Karine Lacombe, qui attribue ces chiffres en pleine vague du variant Delta à la vaccination. Elle souligne que 80 % des patients covid-19 admis à l’hôpital ne sont pas vaccinés. Quant aux 20 % restants, vaccinés, la cheffe de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine les explique par l’existence de facteurs de risque ou de comorbidités, ou encore l’ancienneté de la deuxième injection.

Pour autant, des signaux d’inquiétude se multiplient : de nouveaux lits sont ouverts et de nouvelles transmissions nosocomiales sont observées. L’hôpital tient encore, mais pour encore de temps encore ? Simultanément, le ministre de la Santé Olivier Véran annonçait à l’Assemblée nationale 47 000 nouveaux cas positifs de covid-19 sur les dernières 24 heures, un chiffre jamais atteint depuis la mi-avril. « On est en tension à cause de toutes les pathologies hivernales », tient à rappeler Karine Lacombe.

Le trio de chercheurs ou d’universitaires n’a pas voulu résumer la lutte contre le covid-19 à la vaccination. Leur discours a aussi rappelé la nécessité de « combiner » toutes les mesures disponibles : gestes barrières, développement du télétravail mais aussi mesures de CO2 et aération dans les lieux publics, ces deux dernières solutions n’étant pas assez répandues, à leur grand regret. Yazdan Yazdanpanah plaide ainsi pour « une implication citoyenne plus importante ». Le nouveau protocole dans les écoles, avec la fin des fermetures de classes au premier cas positif, suscite une réaction marquée. « C’est donner une excellente opportunité au variant Omicron, s’il est plus transmissible, de se répandre rapidement dans l’ensemble de la population. Ça me paraît être une très très mauvaise idée », met en garde Dominique Costagliola.

13 décès chez les moins de 20 ans depuis 2020, dont 3 ces dix derniers jours

La spécialiste en santé publique fournit quelques chiffres : 69 enfants de moins de 10 ans hospitalisés à cause du covid-19, en date du 29 novembre, ils sont 53 pour les 10-19 ans. Depuis le début de l’épidémie, début 2020, on compte 13 décès chez les moins de 20 ans. Parmi eux, 9 ont lieu depuis la mi-juin, et 3 dans les dix derniers jours. « Je ne vois pas pourquoi on doit accepter que des enfants meurent, même si ce n’est pas beaucoup », a-t-elle déclaré. Cette dernière donnée ne laisse pas le président de la mission de contrôle, Bernard Jomier (apparenté PS), de marbre. « C’est un chiffre qui marque. » Ce mardi, la Haute Autorité de santé (HAS) vient de recommander le vaccin dans un premier temps aux 5-11 ans qui présentent un risque de faire une forme grave de la maladie. Quant aux autres, « il me semble que cela devrait être possible, ce qui ne veut pas dire rendre obligatoire », se prononce Dominique Costagliola. Membre du Conseil scientifique, Yazdan Yazdanpanah souligne au passage que toutes les sociétés savantes n’ont pas la même position sur la question de la vaccination des enfants.

Des sénateurs, comme Roger Karoutchi (LR), l’un des rapporteurs de la mission, ou la sénatrice Laurence Cohen (communiste), se demandent si, avec l’ouverture soudaine de la troisième dose à tous les adultes, des pénuries sont à craindre ? La campagne arrive d’ailleurs « un peu tard », de l’avis de Karine Lacombe. Le problème qui se pose est davantage lié à « réorganisation du système », après la fermeture ces derniers mois de plusieurs centres.

Un manque de données sur les médicaments

Autre rapporteur de la mission, le centriste Jean-Michel Arnaud a questionné la table ronde sur l’opportunité de développer les médicaments dans la lutte contre le covid-19. On pense notamment à la pilule Molnupiravir du laboratoire américaine Merck. « Ce qui est très compliqué avec ces logiques industrielles, c’est d’avoir accès aux données publiées dans des journaux revenus par les pairs […] Pour l’instant, c’est difficile de dire si ces traitements sont efficaces », répond Karine Lacombe.

Quant aux questions sur l’intérêt de réaliser des taux sérologiques pour connaître le taux d’anticorps des personnes, les avis ont été très réservés. « Il n’y a pas de démonstration bien claire qu’un taux d’anticorps, à un moment donné, prédise comment vous allez réagir », tranche Dominique Costagliola. « J’ai des histoires autour de moi, dans les hôpitaux, de gens qui ont des taux d’anticorps élevés, et qui ont fait une infection sévère », renchérit Yazdan Yazdanpanah.

En dézoomant et en considérant le tableau planétaire, c’est également une recommandation de l’Organisation mondiale de la Santé que l’on a retrouvée durant l’audition. Face à l’émergence du nouveau variant, Dominique Costagliola estime qu’il serait plus pertinent d’organiser des isolements « stricts » pour les arrivées, plutôt que d’interdire les vols. « Comme le virus circule beaucoup – comme c’est le cas en France, l’utilité de fermer les frontières dans ce contexte est modeste. Le plus probable, c’est que le virus est déjà là, il est déjà en train de circuler », analyse Dominique Costagliola.

Quant aux perspectives plus longues à l’échelle internationale, le lieu d’apparition du nouveau variant préoccupant Omicron, en Afrique du Sud, qui rappelle le Delta en Inde en décembre 2020, Karine Lacombe appelle à accélérer la vaccination dans les continents qui n’ont pas bénéficié d’autant de doses que les pays riches. « L’avenir de l’Europe et du monde entier ne se fera pas sans celui de l’Afrique. »

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