Climat : le Sénat donne le coup d’envoi des débats en séance et veut relever les ambitions du texte

Climat : le Sénat donne le coup d’envoi des débats en séance et veut relever les ambitions du texte

Les sénateurs ont commencé l’examen en hémicycle du vaste projet de loi climat et résilience, qui durera deux semaines. La ministre de la Transition énergétique a déploré des reculs lors de la discussion générale, alors que la majorité sénatoriale a, au contraire, affirmé que la portée des dispositions avait été « rehaussée » en commission. La gauche juge la copie encore loin des enjeux.
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Le Sénat est entré ce 14 juin dans les débats en hémicycle sur le long projet de loi climat et résilience. Ce vaste texte de plus de 200 articles, né des propositions travaillées par la Convention citoyenne pour le climat, aborde de nombreux domaines, du logement aux transports, en passant par l’alimentation, l’aménagement, la pénalisation des délits contre l’environnement, ou encore la consommation. La Haute assemblée, qui a déjà modifié le texte en commission avec l’adoption de près de 200 amendements, doit désormais étudier plus de 2000 amendements. En ouverture de la discussion générale, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili s’est dite convaincue que le texte sorti de l’Assemblée nationale pouvait faire « bouger les lignes » et qu’il fallait « avancer ensemble » sur les questions environnementales. « Lorsque la maison brûle, on ne regarde pas ailleurs et on affronte le défi », a-t-elle expliqué au Sénat à majorité de droite et du centre, en s’inspirant des mots prononcés par Jacques Chirac à Johannesburg en 2002.

Le texte, qui va faire l’objet d’un examen en hémicycle pendant deux semaines, constitue, selon l’ancienne députée, la « nouvelle pierre » d’une « République écologique ». Mais Barbara Pompili a fait part de ses regrets sur plusieurs dispositions dont la portée a « été réduite en commission » (sur les zones à faibles émissions, le calendrier sur les interdictions des passoires énergétiques ou encore les menus végétariens). La ministre a toutefois souligné que gouvernement et Sénat pourraient « amplifier » le travail initié par la Convention citoyenne sur le climat, à l’origine de plusieurs dispositions du projet de loi.

« Les pouvoirs publics doivent préserver le pouvoir d’achat des plus modestes », avertit la sénatrice LR Sophie Primas

De leur côté, les multiples rapporteurs du texte ont défendu les apports introduits en commission, assurant que « l’ambition » et « l’efficacité » du texte avaient été « renforcées ». « Ce projet de loi est apparu comme intéressant, mais souvent inabouti et parfois en trompe-l’œil », a rappelé la sénatrice (LR) Marta de Cidrac au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Le premier enrichissement sénatorial, en commission, a permis « d’améliorer les ambitions environnementales des mesures » du gouvernement, « tout en prenant une attention constante » aux conséquences sur la société et l’économie. Pour son collègue Philippe Tabarot (LR), le texte qui avait été présenté au Sénat était la conséquence d’un gouvernement qui « tentait de contenter tout le monde, à l’image du en même temps ».

Les commissions du Sénat ont construit leurs modifications du texte autour de trois axes : fixer des « caps clairs », conjuguer la transition énergétique avec les impératifs économiques et sociaux, en clair améliorer l’acceptabilité des mesures. Inquiète de voir des « laissés pour compte » de la transition énergétique, la présidente de la commission des affaires économiques Sophie Primas a souligné que la décarbonation de l’économie devrait être « compatible avec la compétitivité des entreprises ». « Trop longtemps la France a amélioré son empreinte carbone en délocalisant ses émissions, puis en important massivement des biens industriels et agricoles », a-t-elle expliqué. Avant d’insister sur la nécessité de développer des mécanismes incitatifs et surtout, « d’embarquer tous les Français ». « Les pouvoirs publics doivent préserver le pouvoir d’achat des plus modestes dans cette transition faute de quoi, nous aurons une opposition frontale à tout changement. »

Christine Lavarde (LR), pour la commission des finances, a déploré un texte « essentiellement programmatique », avec peu de charges pour les finances publiques. « Quand elles sont à prévoir, elles sont difficilement évaluables ». Les réserves n’étaient pas moins fortes venant de la commission des lois. « C’est un texte d’une facture juridiquement décevante, qui comporte des dispositions peu normatives ou relativement peu abouties », a reproché Stéphane Le Rudulier (LR).

« Nous avons quinze jours pour changer en profondeur ce projet de loi », appelle l’écologiste Ronan Dantec

Les rapporteurs, membres de la majorité sénatoriale, n’ont pas été les seuls à relever un manque d’ambition originelle du projet de loi. Les groupes de gauche ont été également trouvé le texte trop timide, peu à même de satisfaire ses objectifs. « La France s’organise-t-elle pour décliner et crédibiliser le nouvel objectif européen de -55 % [d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030], qui sera présenté à la COP de Glasgow ? C’est bien là que le bât blesse », s’est inquiété le sénateur écologiste Ronan Dantec. Dans un élan transpartisan, le Sénat devrait introduire un article préliminaire au projet de loi, selon lequel « la France s’engage à respecter les objectifs » les nouveaux objectifs négociés au niveau européen. Six groupes ont déposé un amendement identique. Mais les écologistes ne s’arrêteront pas là, pour faire du texte une réponse « à la hauteur de l’enjeu » climatique. « Nous avons quinze jours pour changer en profondeur ce projet de loi et montrer au monde que la France est aujourd’hui un pays moteur de l’accord de Paris », a insisté Ronan Dantec.

A ce stade de l’examen, le groupe socialiste a traduit sa déception dans son intervention. « Je crois bien que nous nous dirigeons vers une nouvelle défaite dans la lutte contre le réchauffement climatique », s’est alarmé Joël Bigot. L’allongement de délais pour la mise en œuvre de certaines obligations en est l’illustration, selon lui. « Fixer des caps trop lointains affaiblit les stratégies de décarbonation et laisse trop de portes ouvertes aux détricotages législatifs ».

Relayant les critiques d’associations ou encore du Haut conseil pour le climat, la communiste Marie-Claude Varaillas a estimé que le projet de loi reste « loin des objectifs affichés ». « Ce projet de loi brise les promesses et ne crée pas les conditions de répondre à la feuille de route initiale, baisse de 40 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 […] le climat attendra. »

Au RDSE (Rassemblement démocratique social et européen), groupe hétéroclite mais constitué pour bonne partie de sénateurs du Mouvement radical, l’insatisfaction domine également. « Notre ambition pour ce texte n’est visiblement pas la même que celle affichée par le gouvernement », a affirmé Jean-Pierre Corbisez, dénonçant le poids « encore très présent » des lobbies.

Claude Malhuret salue la « lucidité » du gouvernement sur la copie de la Convention citoyenne

Président du groupe Les Indépendants, Claude Malhuret a, au contraire, défendu les arbitrages de l’exécutif, souvent attaqué pour avoir fait passer à la trappe certaines des 149 propositions de la Convention citoyenne sur le climat. « La Convention citoyenne, elle, vous a donné une note de 3,3 sur 10. Son animateur échauffé crie partout que vous n’avez repris que moins d’un tiers de ses propositions. Je veux pour ma part y voir le signe de votre lucidité », a-t-il salué, brocardant certaines mesures « chimériques » ou le « fonds de commerce des décroissants ».

Le sénateur LREM Frédéric Marchand a salué « l’extraordinaire travail » des rapporteurs, tout en s’étonnant du concert de critiques. « Ce n’est pas une loi des petits pas comme certains la caractérisent », a-t-il rétorqué.

La majorité sénatoriale a travaillé dans le sens d’un texte « davantage en adéquation avec les objectifs » climatiques, mais aussi en traduisant une position équilibrée, voulue par Gérard Larcher, a expliqué Didier Mandelli (LR). « La transition énergétique est nécessaire. Elle ne doit pas être contraignante, elle doit tenir compte des réalités économiques et sociales de notre pays, c’est la définition même du développement durable. » « Nous avons répondu présent là où on ne nous attendait pas forcément », a défendu le centriste Pascal Martin.

Déjà, beaucoup se demandent quelle longévité auront les modifications introduites par le Sénat. « J’espère que le gouvernement saura répondre de la manière plus constructive possible », a fait savoir Marta de Cidrac. Sa collègue Sophie Primas est même allée jusqu’à rêver d’une commission mixte paritaire « positive » avec les députés. « On n’en est pas encore là », a commenté le président de séance Roger Karoutchi (LR), alors que le Sénat s’apprête à entrer dans plusieurs dizaines d’heures de débats.

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