Commémoration de l’abolition de l’esclavage : les temps forts de la journée nationale

Commémoration de l’abolition de l’esclavage : les temps forts de la journée nationale

 La 14e journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, organisée dans le jardin du Luxembourg, a eu lieu ce vendredi 10 mai. Elle a notamment réuni  le président de la République et le président du Sénat.   « C'est une histoire française » a rappelé Emmanuel Macron
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La 14e journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions est à suivre en direct sur l’antenne de Public Sénat, dès 10 heures. Retrouvez notre édition spéciale, en collaboration avec France Ô, qui vous fera vivre la cérémonie nationale dans le jardin du Luxembourg, à Paris. Emmanuel Macron participera à cette matinée du souvenir, pour la première fois en tant que président de la République. Sa dernière venue, en 2017, avait eu lieu avant son investiture à l’Élysée. Son discours, tout comme celui du président du Sénat, Gérard Larcher, sont à suivre au cours de cette matinée.

Les interventions des historiens François Durpaire, spécialiste de l’histoire de l’esclavage, et Bruno Maillard, membre du comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, mais aussi de Jean-Marc Ayrault, président de la mission de la mémoire de l'esclavage, jalonneront cette édition spéciale.

Emmanuel Macron : « C’est une histoire française, une histoire universelle »

C’est sa première venue en tant que président de la République. Emmanuel Macron a dit « mesurer ce que l’esclavage, la traite, les abolitions et leurs héritages représentent dans l’histoire de notre pays, dans notre culture et dans notre âme. » « Cette histoire est notre histoire », a souligné le chef de l’État. Il a poursuivi : « Elle a donné à la France un destin mondial, forgé les combats et les valeurs de la République, elle explique la diversité de notre société, elle nous relie à l’Afrique, aux Caraïbes, à l’Amérique, à l’Océan indien… »

Emmanuel Macron a rendu hommage aux esclaves « qui n’ont jamais cessé de vouloir vivre et qui ont toujours résisté à leurs servitudes. » Il a aussi évoqué ces « philanthropes » et « intellectuels » qui « partout en Europe à travers tout le 18e et le 19e siècle se sont battus contre la traite et l’esclavage au nom de l’humanité. » « Certains reposent aujourd’hui au Panthéon où ils sont honorés. Ils sont honorés car leurs combats, cet engagement, ont fait des grands hommes », a poursuivi Emmanuel Macron, citant l’abbé Grégoire, Condorcet, Toussaint Louverture, Louis Delgrès et Victor Schoelcher. « Ces combats jalonnent notre histoire et l’histoire de la République », a estimé le président de la République.

« Il y a l’histoire sublime, héroïque et édifiante de tous ceux qui ont secoué et brisé ces chaînes odieuses. Face à l’horreur de l’esclavage, il y a eu l’honneur de la résistance et le bonheur enfin de l‘émancipation », a déclaré Emmanuel Macron, avant de réaffirmer : « C’est une histoire française, une histoire universelle. »

Un hommage à Jean-Marc Ayrault et Christiane Taubira

Le président de la République a rappelé que si « 171 ans ont passé depuis l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises », « les conséquences de son passé sont toujours là », citant notamment comme héritage « la géographie de la France contemporaine », la langue française ou « le métissage des cultures, la créolisation du monde ». « C’est tout cela la mémoire de l’esclavage », a-t-il estimé.

Le chef de l’État a rendu hommage aux « militants, artistes, citoyens et élus qui depuis les années 90 se sont battus pour que cette mémoire soit mieux connue, mieux reconnue, mieux comprise et mieux partagée », évoquant la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Il a notamment salué le rôle de l’ancien Premier ministre et ex-maire de Nantes Jean-Marc Ayrault mais aussi celui de l’ex-ministre de la Justice, Christiane Taubira.

« La loi qui porte votre nom a reconnu la part tragique de cette histoire et grâce à vous la France a été le premier pays à reconnaître avec autant d’honnêteté que la traite et l’esclavage constituent un crime contre l’humanité », a déclaré Emmanuel Macron.

Christiane Taubira sera la présidente du comité de soutien de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, a annoncé le président de la République. « La mémoire de l’esclavage ne doit pas seulement être convoquée lors des deux journées nationales. Elle a besoin d’actes, de lieux d’institutions, de travail », a lancé Emmanuel Macron.

Un mémorial aux Jardins des Tuileries

Concrètement, un mémorial sera érigé dans les Jardins des Tuileries à Paris en 2021. Il sera situé « entre l’ancienne demeure royale et impériale des Tuileries et l’hôtel de la Marine », a précisé Emmanuel Macron. « Cette part de notre histoire s’incarnera enfin dans un lieu évident, significatif solennel où nous pourrons nous rassembler pour l’évoquer », a-t-il dit. « Je souhaite que ce moment soit pour notre pays l’occasion de rendre aux victimes de l’esclavage et à leurs descendants l’hommage solennel de la nation qu’ils méritent en y associant toutes les composantes de la société française », a-t-il déclaré.

Une « fondation pour la mémoire de l’esclavage » actuellement présidée par Jean-Marc Ayrault sera également installée « dans les tous prochains mois » à l’hôtel de la Marine. « Elle sera au service d’une grande ambition :  renforcer la cohésion nationale en transmettant l’histoire mondiale de la France, en célébrant les cultures qui en sont issues et en promouvant les valeurs républicaines d’émancipation », a-t-il souligné. Il a également précisé que le Mémorial ACTe de Point-à-Pitre en Guadeloupe sera « renforcé dans son statut comme dans ses moyens ». « L’État a décidé de soutenir ce Mémorial ACTe en participant à sa transformation en établissement public de coopération culturelle autonome », lancé le chef de l’État.

Emmanuel Macron a aussi évoqué la question de l’enseignement de l’esclavage. « Cette histoire doit être transmise à la jeunesse de France », a-t-il déclaré, avant d’expliquer : « L’histoire de l’esclavage est désormais le sujet du premier chapitre des programmes d’histoire de 4e et dans le cadre de la réforme des programmes du lycée, les élèves de seconde traiteront de manière approfondie du système esclavagiste tandis que les programmes de première étudieront le long combat des abolitions jusqu’au décret 1848. »

Le président de la République a aussi évoqué des réalités contemporaines. « Nous ne saurions en rester là car l’esclavage n’appartient pas qu’à notre passé. Oui, l’esclavage demeure une terrible réalité contemporaine vécue par plus de 20 millions de personnes, par des enfants et des femmes en grande majorité », a-t-il souligné, évoquant le « devoir d’action qui est le nôtre » face à cette situation. « Il s’agit simplement d’être fidèle à notre devise, de garder la force contemporaine de cet esprit de résistance, qui nous a fait d’être fidèle à notre République, à ce que la France incarne, à ce que nous sommes », a conclu Emmanuel Macron.

Fondation pour la mémoire de l’esclavage : Jean-Marc Ayrault précise le calendrier

Fondation pour la mémoire de l’esclavage : Jean-Marc Ayrault précise le calendrier
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Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, entend grâce à la fondation « faire vivre l’héritage que nous avons en partage, cette histoire douloureuse, mais aussi de récréation, de richesse, d’invention, de valeur », a-t-il expliqué après le discours d’Emmanuel Macron. Pour l’ancien premier ministre socialiste, il ne faut « pas opposer les mémoires entre elles ou faire de la concurrence des identités mais (il faut) renforcer les principes d’égalité et de fraternité et donc plus de cohésion nationale ».

La fondation sera juridiquement créée « peut-être au courant de l’été ou à la fin de l’été ». La Fondation pour la mémoire de l’esclavage sera logée à l’hôtel de la Marine, actuellement encore en travaux. « Peut-être à la fin de l’année ou en début d’année prochaine, nous serons symboliquement dans ce lieu qui a été le lieu du ministère des colonies mais aussi du décret Schoelcher de l’abolition de l’esclavage » ajoute le président de la fondation.

Recueil des fonds : « Ce n’est pas spontané, il faut expliquer, convaincre, parfois ça fait peur »

« Pour être fondation d’utilité publique, il faut un capital de 1,5 million d’euros minimum. Nous avons recueilli 1,6 million d’euros » auprès de « donateurs privées » et de « collectivités territoriales », précise Jean-Marc Ayrault, qui reconnaît qu’il a rencontré des difficultés pour trouver des fonds. « Ce n’est pas spontané, il faut expliquer, convaincre, parfois ça fait peur. Certains disent « vous allez ressasser des histoires du passé, tournons la page, passons à autre chose ». (…) Alors qu’au fond, c’est notre histoire d’aujourd’hui, ce n’est pas que l’histoire du passé. C’est aussi un défi pour la société contemporaine ».

« Le budget de fonctionnement sera d’un peu plus de 2 millions d’euros par an » a aussi précisé Jean-Marc Ayrault, « la moitié par l’Etat et l’autre moitié par des mécènes ». « Nous avons pu recueillir des fonds pour avoir une lisibilité pour les 4 années qui viennent » ajoute l’ancien maire de Nantes. « Il y aura un conseil des territoires, un conseil des mécènes, pour faire vivre une approche collective » de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.

Gérard Larcher :  « La lutte contre l’asservissement est encore un combat que nous avons à mener »

Gérard Larcher : « La lutte contre l’asservissement est encore un combat que nous avons à mener »
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Pour la journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a rappelé que cet événement, « voulu par Jacques Chirac il y a 13 ans », rend « hommage à celles et ceux qui furent asservis », « ceux qui se révoltèrent pour leur liberté en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Domingue ».

Cette journée permet aussi de « montrer que la lutte contre l’asservissement est encore un combat que nous avons à mener chaque jour », soutient Gérard Larcher depuis le Jardin du Luxembourg, à Paris, où se tient la commémoration. « Selon l’organisation internationale du travail, (…) près de 25 millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont encore astreints aujourd’hui au travail forcé. Contraint de travailler sous la menace et la coercition » souligne le président du Sénat, qui se demande « comment ne pas établir un lien entre le travail forcé et l’esclavage ? »

Il faut « ne jamais oublier la traite, l’esclavage et le travail forcé (…) pour en même temps combattre ces formes d’esclavage contemporain ». « Il nous faut résister, refuser toutes facilités, tout abandon » lance Gérard Larcher. « C’est l’honneur de l’humanité qui s’est affirmé dans la résistance à l’esclavage », rappelle le deuxième personnage de l’Etat, « puisse cet esprit de résistance inspirer nos prochains combats ».

Jean-Michel Blanquer : « Il faut faire vivre en permanence » l’enseignement de l’esclavage

Jean-Michel Blanquer : « Il faut faire vivre en permanence » l’enseignement de l’esclavage
01:38

Le ministre de l'Éducation nationale a estimé qu'il « faut faire vivre en permanence » l’enseignement de l’esclavage dans les manuels scolaires. « C’est quelque chose de consacré. D’abord par le fait d’avoir cette journée. Nous sommes le seul pays au monde je crois à avoir une journée dédiée à cette question de la mémoire de l’abolition de l’esclavage le 10 mai et je pense que cela existera dans d’autres pays dans le futur. » Il a rappelé qu'il « y a toute une logique à l’Éducation nationale qui s’est mise en place depuis plusieurs années pour que ça soit présent de manière naturelle et normale dans les programmes. C’est enseigné dès le CM2.» « Il vient d’avoir le renouvellement des programmes du lycée où évidemment cet enseignement a toute sa place dans l’ordre chronologique qui convient », a poursuivi Jean-Michel Blanquer. « Nous avons toujours un attachement très fort à la fois à la recherche mais aussi de faire vivre ce sujet dans sa dimension contemporaine. Il y a à la fois la dimension historique qui vient dans les programmes d’histoire et une autre dimension, géopolitique. » « Malheureusement l’esclavage existe toujours aujourd’hui. Une journée comme celle-ci c’est aussi l’occasion d’en parler », a-t-il déclaré.

« On n’a pas éradiqué le racisme », signale Christiane Taubira

« On n’a pas éradiqué le racisme », signale Christiane Taubira
03:53

L’ancienne garde des Sceaux, à l’origine de la loi mémorielle reconnaissant la traite et l'esclavage comme un crime contre l’humanité, estime qu’il y a encore des combats à mener aujourd’hui.

Il y a 18 ans, jour pour jour, par une deuxième lecture au Sénat, le Parlement adoptait définitivement la proposition de loi de la députée Christiane Taubira, reconnaissant la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.

Le texte a institué la date du 10 mai comme journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, et a installé un Comité pour la mémoire de l'esclavage. « La loi est indispensable mais ne suffit pas », a expliqué l’ancienne garde des Sceaux, au micro de Public Sénat et de France Ô, en marge de la cérémonie 2019. « Elle appelle des politiques publiques […] l’implication des institutions […] et aussi tout un foisonnement dans les universités et dans les établissements scolaires », estime-t-elle, souhaitant également, au niveau de la société, une plus grande « implication » des artistes dans ce devoir de mémoire.

Christiane Taubira estime par ailleurs qu’il « y a des combats » et qu’il « y en aura pour des générations encore après ». « On n’a pas éradiqué le racisme. On voit bien aujourd’hui encore, y compris dans la société française, qu’il y a des représentations qui nourrissent des rejets, des préjugés des discriminations […] Nous voyons bien des personnalités politiques qui sont prises à partie, manifestement du seul fait de leur apparence, indépendamment du contenu de leurs propos. »

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