Communication, numérique, lien avec la population… Le patron de la police nationale détaille sa stratégie d’ancrage dans les territoires

Communication, numérique, lien avec la population… Le patron de la police nationale détaille sa stratégie d’ancrage dans les territoires

Auditionné par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat dans le cadre des travaux sur l’ancrage territorial de la sécurité intérieure, Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, a affirmé sa volonté d’améliorer la communication de la police nationale avec les élus et détaillé les expérimentations mises en place.
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Par Pierre Maurer

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« Aller au-delà de la simple réponse au besoin ». Telle est la ligne fixée par Frédéric Veaux à ses hommes. Le directeur général de la Police nationale était auditionné ce jeudi par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat. Le patron de la police a présenté ses pistes et les dispositifs mis en place pour améliorer l’ancrage territorial de la police nationale.

En préambule, il a donné des chiffres aux sénateurs. La police nationale a ainsi été chargée de traiter 89 % des violences physiques crapuleuses, 69 % des atteintes aux biens, 81 % des faits relevant de la grande criminalité, et 88 % des faits relevant de trafic de stupéfiants au cours de l’année 2019. Répartis entre 307 circonscriptions de sécurité publique, les policiers nationaux ont la responsabilité de 27 millions d’habitants, soit 40 % de la population française. Toujours en 2019, près de 7 millions d’appels police secours ont été enregistrés pour « plus de 2 millions d’interventions ».

Après cette introduction touffue, il a affirmé sa détermination à ce que la police nationale développe « une politique territoriale ». Volonté qui s’est traduite par le lancement de plusieurs initiatives. D’abord en expérimentant depuis le premier janvier dernier « des directions territoriales de la police nationale (DTPN) ». Trois d’entre elles ont ainsi été créées dans les territoires d’outre-mer, « marqués par une forte délinquance » : Mayotte, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie. Ce commandement unifié de la police nationale doit permettre de rendre son action « plus visible » auprès des élus. « Vous pouvez désormais, dans ces territoires, parler à un seul chef de la police nationale », a-t-il mis en avant. Il a par ailleurs indiqué qu’à la demande du ministre de l’Intérieur « une expérimentation va être menée dans les départements de la Savoie, du Pas-de-Calais, et dans les Pyrénées-Orientales à partir du 1er janvier prochain pour mesurer la pertinence de cette organisation en métropole ». Parallèlement, la sécurité publique « achève » son adaptation à l’échelon territorial qui vise à promouvoir une « déconcentration des décisions ».

Améliorer la communication avec les élus

« La qualité de la relation avec les élus est fondamentale pour proposer un service public de la sécurité de qualité », a-t-il ensuite établi. À ce titre, il estime que la police nationale peut et doit faire mieux. La communication paraît ainsi « très perfectible à l’égard des intercommunalités, du président et des élus du conseil départemental, du président et des élus du conseil régional, et évidemment des parlementaires ». La police doit aussi se « rapprocher des associations d’élus pour être davantage à l’écoute de leurs aspirations », a-t-il indiqué.

Frédéric Veaux a donc décidé de développer deux types d’actions : une série d’entretiens avec « les associations nationales d’élus, afin de leur proposer de nouer des relations institutionnelles et de proximité » ; et le développement dans la police d’une « culture de la communication destinée aux élus locaux ». Les directeurs départementaux de la sécurité publique et les chefs de circonscription en seront « les premiers acteurs ». Pour y parvenir, l’institution policière travaille à « l’adaptation des modules de formation des commissaires et des officiers amenés à prendre la direction d’une circonscription de sécurité publique. »

Renforcer les liens avec la population

Autre volet de l’ancrage territorial de la police : ses liens avec la population. Sur cet aspect, Frédéric Veaux estime que la police de sécurité du quotidien a « recentré le citoyen au milieu des missions des policiers ». Selon lui, près de 1 000 groupes de « partenariats opérationnels » se réunissent régulièrement pour apporter des solutions aux problèmes d’insécurité qui sont identifiés. Au 1er octobre 2020, « 5 340 réunions de ces groupes ont été organisées donnant lieu à l’identification de 10 344 problématiques » qui concernent, par exemple, les rodéos urbains, les dégradations de halls d’immeubles, etc. Près de la moitié « est déjà résolue ».

Cette police de sécurité du quotidien « renforce » aussi les dispositifs déjà en place comme « les conventions de partenariats citoyennes » qui reposent sur un échange d’informations entre les maires, la police, et les citoyens volontaires pour bâtir, selon les mots du président de la République Emmanuel Macron, « une société de vigilance ». Au 1er novembre 2020 : « 431 communes ont signé une convention de participation citoyenne. Et 122 communes ont un projet de convention à l’étude. »

Il espère aussi renforcer la présence de citoyens dans la réserve de la police nationale. « Nous sommes très en retard sur ce point par rapport à la gendarmerie qui a cinq fois plus de réservistes », a-t-il alerté, estimant qu’il faut « offrir la possibilité aux citoyens d’intégrer plus facilement » la réserve civile. « C’est une opportunité de transformer ces réservistes en ambassadeur ».

Commissariat numérique

La modernisation est également au cœur du projet de la police pour renforcer ses liens avec les usagers. Ce qui a abouti à la création d’un « commissariat numérique » via à la création du site 'moncommisariat.fr' afin « d’éviter les déplacements inutiles dans les commissariats et délester les centres d’urgences de la police ». Lancé à la fin du mois de juillet, il donne accès à « un portail généraliste unique avec un parcours simplifié permettant aux usagers d’entrer en contact direct 7 jours sur 7, bientôt 24 heures sur 24, à partir de n’importe quel point du territoire avec un policier », grâce à une messagerie d’information instantanée. Ce site « monte rapidement en puissance », avec 20 000 tchats recensés pour le mois de novembre.

Pour parfaire ces relations, l’institution policière fait réaliser « tous les deux ans » un sondage par Ipsos pour évaluer son image parmi les Français. Elle s’est aussi associée depuis 2018 à l’Université Savoie Montblanc « pour conduire des études sur la perception de la qualité des services rendus par la police nationale ». Selon Frédéric Veaux, les résultats de l’étude pour l’année 2019 renvoient l’image d’une police qui intervient dans des délais raisonnables (60 %) et qui répond aux attentes des habitants des quartiers (un peu plus de 60 %). « Ces résultats sont encourageants même si je ne connais pas l’impact négatif que peuvent avoir les dernières affaires », a-t-il reconnu, faisant référence au tabassage par des policiers du producteur de musique, Michel Zecler. Il a donc rappelé que « ces comportements sont sévèrement sanctionnés, dès lors que les faits sont avérés » et a assuré que « 1 678 sanctions ont été prononcées en 2019 » par l’institution policière.

Enfin, concernant la proposition de loi relative à la sécurité globale, objet d’une vive crise politique, il juge qu’elle « offre de nouvelles perspectives pour favoriser la montée en compétences des policiers municipaux et explorer de nouvelles modalités d’actions en complément des forces de sécurité intérieure ». Les policiers municipaux, quant à eux, sont souvent « bien formés et bien équipés ». « Les échanges de renseignements sont fluides, et les concours mutuels sont parfaitement coordonnés », a-t-il assuré. D’ailleurs, pour que la police municipale soit plus « efficace », il souhaiterait qu’elle ait accès à un certain nombre de fichiers, « sans que toutes les données leur soient accessibles », comme sur le terrorisme par exemple. « Il ne faut pas imaginer non plus que la police municipale participe demain à des opérations de maintien de l’ordre », a-t-il conclu.

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