Constitution : l’exécutif prend son temps, le Sénat veut des garanties

Constitution : l’exécutif prend son temps, le Sénat veut des garanties

Alors que le gouvernement veut examiner les trois textes de la réforme séparément, le sénateur LR Philippe Bas propose « d’inscrire dans la Constitution toutes les garanties nécessaires » sur la représentation des territoires et les élections sénatoriales. De quoi favoriser un accord avec l’exécutif.
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Remanier la Constitution demande du tact. C’est aussi un chemin de longue haleine. Lancée dès l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, la révision constitutionnelle et institutionnelle ne devrait pas voir le jour avant 2020. Si la réforme va au bout, ce qui est encore loin d’être acquis, la moitié du quinquennat sera au final nécessaire pour qu’Emmanuel Macron arrive à ses fins. Sa promesse de campagne sur la réduction du nombre de parlementaires et une dose de proportionnelle est en jeu.

La réforme pourrait n’aboutir qu’en 2020

Invité lundi de l’émission « Audition publique » sur Public Sénat et LCP-AN, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a confirmé que l’examen du texte, arrêté pour cause d’affaire Benalla, reprendra « en janvier 2019 » (voir la vidéo ci-dessous). Mais sur cette réforme de la Constitution, où l’accord du Sénat, à majorité LR-UDI, est indispensable, rien ne sera bouclé rapidement. « Quand vous regardez le calendrier, la première et deuxième lecture se feront avant les élections européennes et ensuite, il faut réunir un Congrès (qui doit adopter la réforme par la majorité des 3/5, ndlr). Il faudra 12 à 14 mois. »  Soit janvier 2020 ? « Oui, cela ressemble plutôt à cela ».

Marc Fesneau confirme que le projet de loi de révision constitutionnelle sera le 1er texte examiné en janvier 2019
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Reste la question de la méthode : les trois projets de loi constitutionnelle, organique et ordinaire seront-ils examinés ensemble, ou séparément ? Interrogé par publicsenat.fr en marge des questions d’actualité au gouvernement du Sénat, ce mardi, Marc Fesneau précise bien que les députés n’examineront « que la partie constitutionnelle » en janvier, puis dans un second temps le projet de loi organique sur le cumul dans le temps et la réduction du nombre de parlementaires, et enfin la loi simple sur la proportionnelle.

« On ne peut pas avancer sans avoir de garanties sur l’ensemble »

Sauf que les sénateurs ont depuis des mois une exigence, du moins une demande : celle d’examiner les trois textes ensemble. « On veut une appréhension générale. Il n’est pas question de découper la réforme par appartement » confirme ce mardi avant sa réunion de groupe Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR. « On ne peut pas avancer sans avoir de garanties sur l’ensemble. On a toujours dit ici que c’était un bloc, on ne peut pas dissocier les sujets » abonde un sénateur LR, qui suit de très près la réforme.

« Si ça reprend en début d’année, très bien, on est prêt à discuter, on est ouvert et disposé à travailler avec le souci d’un dialogue utile permettant d’aboutir » rappelle le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille. Mais sur la méthode, il a les mêmes exigences que ses collègues LR :

« Soit il y a un accord global, soit il n’y a pas d’accord. Ce n’est pas à la découpe. La partie constitutionnelle ne concerne qu’une partie des textes. Celle qui nous intéresse beaucoup, c’est quand même la loi organique et la loi simple ».

Hervé Marseille insiste : « Quel sens ça aurait de voter successivement les choses, s’il n’y a pas de discussion d’ensemble ? »

Fesneau : « On a bien compris cette exigence d’examen global »

Bref, les sénateurs veulent une formule « all inclusive ». Mais pour Marc Fesneau, la formule proposée par le gouvernement répond bien à cette exigence. En faisant « une lecture de chaque texte, avant de commencer les secondes lectures », les sénateurs pourront avoir cette vue d’ensemble sur la réforme, selon le ministre.

« C’est le paquet global, on a bien compris cette exigence d’examen global » insiste le ministre des Relations avec le Parlement. Un paquet global qui s’étalerait quand même sur quelques semaines... Mais selon Marc Fesneau, tout faire dans la foulée prendrait trop de temps, alors que d’autres projets de loi arrivent : « Il faut six semaines pour examiner les trois textes en même temps. Je ne suis pas sûr que les Français comprennent qu’on passe six semaines sur cela ».

Bas : « Il faut que cette loi organique soit sérieusement cadrée par la révision constitutionnelle »

Interrogé sur Public Sénat après les questions d’actualité, le président de la commission des lois, Philippe Bas, est prêt à dépasser cette question de méthode, si les sénateurs ont gain de cause sur le fond. « Nous savons bien que nous ne pouvons pas examiner tous les textes en même temps » explique le sénateur de la Manche, qui semble mettre de l’eau dans son vin.

« En vérité, pour régler ce problème, il suffit d’inscrire dans la Constitution toutes les garanties nécessaires. (…) Il faut que cette loi organique soit sérieusement cadrée par la révision constitutionnelle sur des questions essentielles pour la démocratie que sont la représentation des territoires et le respect des dates des échéances électorales, sans qu’on modifie, pour les besoins du moment, l’élection des sénateurs » affirme Philippe Bas (voir la première vidéo).

Plutôt 270 sénateurs que 240

Les sénateurs insistent pour avoir une vision globale de la réforme, afin de mieux faire valoir leur point de vue. Ils veulent des garanties sur la réduction d’un tiers du nombre de parlementaires, que les sénateurs veulent limiter pour assurer une bonne représentation des territoires ruraux et d’outre-mer. Plutôt qu’une réduction d’un tiers, soit 240 sénateurs au lieu des 348 actuels, Hervé Marseille évoque « 270 sénateurs ». Soit un chiffre dans la fourchette exprimée en septembre par Gérard Larcher. On arriverait ainsi à une baisse d’environ 22% du nombre de parlementaires.

Dans le paquet global de négociation, l’exécutif et la Haute assemblée devront trouver un terrain d’entente sur la question de la navette parlementaire ou de l’ordre du jour, que le gouvernement veut davantage maîtriser. Autre sujet très sensible, évoqué par Philippe Bas : les sénateurs ne veulent pas entendre parler de l’organisation des élections sénatoriales en 2021. Ce qu’Hervé Marseille appelle « l’affaire des dates électorales ». C’est pourtant ce que le gouvernement a prévu dans le projet de loi organique, engendrant l’ire des sénateurs. La moitié d’entre eux verraient leur mandat amputé d’un tiers de sa durée, soit deux ans…

Sénatoriales en 2021 : « Qu’ils disent que c’est retiré, ça va détendre tout le monde »

Mais en remettant en selle sa réforme, lors d’un discours début octobre pour les 60 ans de la Ve République, Emmanuel Macron a pris soin de ne pas évoquer les sujets qui fâchent, à commencer par le renouvellement généralisé des sénateurs en 2021, mais aussi – et c’était plus surprenant – la baisse du nombre de parlementaires. Pour l’heure, les sénateurs ne se suffisent pas de ce flou sur les sénatoriales. « Déjà, qu’ils disent que c’est retiré, ça va détendre tout le monde » demande le sénateur LR Pierre Charon. Dans le cas contraire, il prédit « une révolte » des sénateurs. Autrement dit, le blocage de la réforme.

Mais chacun reste ouvert au dialogue. Pour ne pas bloquer la réforme, Gérard Larcher pourra toujours accepter le calendrier proposé et considérer qu’il s’agit du même bloc. Du côté des centristes, on attend encore d’en savoir plus. « Pour l’instant, je n’ai pas eu de contact, mais j’imagine qu’on en parlera avec Marc Fesneau. Il s’est proposé pour venir devant le groupe. On a un excellent rapport, c’est un vieil ami » glisse Hervé Marseille. Le Modem Marc Fesneau connaît bien le Sénat pour avoir été il y a quelques années le collaborateur parlementaire de Jacqueline Gourault, elle-même ancienne sénatrice Modem du groupe UC, avant de faire son entrée au gouvernement. Marc Fesneau a aussi déjà échangé avec Gérard Larcher sur la réforme constitutionnelle, en tant que co-rapporteur du texte à l’Assemblée, avec Richard Ferrand, lors du début de l’examen de la réforme, en juillet. De quoi mettre de l’huile dans les relations… si Emmanuel Macron le souhaite.

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