Constitutionnalisation de l’IVG : l’amendement qui pourrait faire pencher la balance au Sénat

Constitutionnalisation de l’IVG : l’amendement qui pourrait faire pencher la balance au Sénat

Après un premier refus en octobre, les sénateurs vont débattre une nouvelle fois ce 1er février de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. Philippe Bas (LR) veut défendre une rédaction alternative à celle du texte adopté par les députés. Il est peu probable que sa proposition rebatte les cartes au sein du groupe LR, mais seulement 17 voix auraient pu faire basculer le vote cet automne.
Guillaume Jacquot

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Le rapport de force au sein du Sénat sur l’idée d’inscrire ou non dans la Constitution le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) va-t-il évoluer ? Pour la deuxième fois en moins de quatre mois, la Haute assemblée va devoir en débattre. Le 19 octobre, elle avait rejeté, dans une atmosphère houleuse, une première proposition de loi visant à inscrire l’IVG dans la loi fondamentale. Transpartisane, elle avait été cosignée par des représentants de sept groupes sur huit. Face à l’opposition massive du groupe LR qui contestait l’utilité du texte (134 contre), et d’une grosse moitié du groupe Union centriste, le texte a été rejeté 172 voix contre 139. Selon ce résultat, il n’aurait fallu que seulement 17 sénateurs inversent leur vote pour en changer l’issue.

Un amendement surprise de Philippe Bas après le rejet en commission

Ce 1er février, un texte adopté par l’Assemblée nationale sera soumis au vote du Sénat. La proposition de loi constitutionnelle « visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse » tient une fois encore dans un article unique. Les députés proposent d’inscrire dans la Constitution cet alinéa : « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse. »

Les Républicains ont une nouvelle fois provoqué le rejet de ce texte en commission, le 25 janvier. « C’est une fausse bonne idée », avait estimé la rapporteure Agnès Canayer (LR). « Personne n’en veut sous cette forme-là. Il faut un projet de loi, mais bien écrit, ce qui n’est pas le cas », avait-elle ajouté.

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Une nouvelle rédaction, c’est ce qu’a proposé, par surprise, le sénateur LR Philippe Bas dès le lendemain. Cet ancien collaborateur de Simone Veil a imaginé une nouvelle rédaction, pour empêcher toute loi ordinaire de revenir sur l’IVG. Son amendement, qui sera débattu en séance dans la soirée du 1er février, propose d’insérer dans la Constitution cet alinéa : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. » La commission des lois se réunira dans la matinée, pour arrêter l’avis qu’elle défendra en séance vis-à-vis de l’amendement.

« Le groupe LR n’a pas changé »

Cette proposition a été abordée ce mardi matin lors de la réunion hebdomadaire des sénateurs LR. La solution imaginée par Philippe Bas n’a pas recueilli beaucoup de soutiens. « La position du groupe, c’est contre la proposition de loi, et donc contre l’amendement », relaye un membre influent du groupe. La sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio doute également que l’amendement Bas bouleverse les équilibres. « Le groupe, globalement, ne changera par rapport à ce qu’on a voté en octobre. Il y aura peut-être des discussions, mais les choses seront claires. Le groupe n’a pas changé. »

Le groupe garantit à ses membres la liberté de vote, difficile de dire combien suivront Philippe Bas. Ce matin, un autre signataire figurait sur l’amendement de Philippe Bas, Jean Sol, mais ce nom a disparu dans une version rectifiée. Comme Philippe Bas, Jean Sol avait voté contre la proposition de loi du 19 octobre. Contacté, Philippe Bas n’a pas suite à notre sollicitation.

Les socialistes n’excluent pas de voter l’amendement de Philippe Bas

Chez les centristes, qui détiennent eux aussi la clé du scrutin, mais dans une moindre mesure, la rédaction de Philippe Bas n’a, semble-t-il, pas non bousculé les comptes. « Les échanges que j’ai eus me font penser qu’il ne va pas y avoir de changement de position », pressent Annick Billon (Union centriste). La présidente de la délégation aux droits des femmes parie à cette heure sur un rejet du texte. « Ceux qui ont voté contre la proposition de loi constitutionnelle à l’automne vont voter contre l’amendement de Philippe Bas. »

La réaction des groupes de gauche sera elle aussi observée avec attention. Les socialistes, par exemple, pourraient se montrer « ouverts ». « On n’exclut pas d’être favorable. On considère que le texte n’est pas parfait, mais que c’est une avancée significative vers la possibilité, après, de poursuivre le dialogue entre les deux chambres, pour une rédaction qui conviendrait aux deux », espère une sénatrice socialiste. « Philippe Bas est peu suspect de ne pas savoir de quoi il parle quand il parle de Constitution. Nous verrons demain. »

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