Contrôles des Ehpad : les présidents de départements brandissent la carte de la proximité

Contrôles des Ehpad : les présidents de départements brandissent la carte de la proximité

Auditionnés au Sénat, les présidents de conseils départementaux insistent sur leur proximité avec le terrain, pour détecter d’éventuels dysfonctionnements dans les Ehpad. Un « atout » pour conserver, selon eux, leur tutelle sur les Ehpad, qu’ils copartagent avec les ARS. Ils avertissent également sur le manque de moyens de contrôle des services de l’État.
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Éclipsée par la séquence de l’élection présidentielle, la question des Ehpad reste centrale chez les sénateurs de la commission des affaires sociales du Sénat. Trois mois et demi après la sortie du livre enquête du journaliste Victor Castanet sur la maltraitance dans des établissements du groupe Orpea, la commission d’enquête sénatoriale qui s’intéresse au contrôle des Ehpad est entrée dans la dernière ligne droite de ses travaux. Son rapport est attendu pour le mois de juin.

Pour renforcer les opérations de contrôle, l’un des deux rapporteurs de la commission, Bernard Bonne (LR), a déjà évoqué quelques pistes. Il sera difficile d’esquiver la question de la gouvernance, les Ehpad obéissant à une double tutelle, celle des départements d’une part (pour ce qui relève de la dépendance), et celles des agences régionales de santé d’autre part (pour le volet des soins). « Il faut organiser une gouvernance différemment. Il faudra absolument trancher », estime ce 10 mai le sénateur de la Loire. « À notre avis, il faut une gouvernance unique, qui simplifiera beaucoup, à la fois les contrôles, et pour les directeurs d’établissements, la mise en place des budgets. »

Comment réformer la gouvernance : le rapporteur imagine une expérimentation

Le parlementaire, spécialiste du champ médico-social, avance notamment l’idée d’une expérimentation différenciée, basée sur le volontariat, pour trouver le meilleur remède. Dans cinq départements, le conseil départemental aurait totalement la main. Dans cinq autres départements, ce sera l’ARS. Plusieurs présidents de départements ont été entendus pour faire part de leur expérience en matière de contrôle. Jean-Luc Gleyze (PS), président du conseil départemental de la Gironde, a résumé l’état d’esprit en vogue chez ses collègues. « Je pense que vous aurez plus de candidats pour avoir un pilote départemental qu’un pilote ARS. »

Michel Ménard, le président (PS) du conseil départemental de la Loire-Atlantique, fait également partie de ceux qui estiment que le rôle des départements dans la gouvernance des Ehpad doit être « conforté », si ce n’est « renforcé ». « Il y a une tentation permanente de l’État de vouloir renationaliser quand il y a quelques difficultés. Ce n’est pas une bonne idée », partage-t-il. Or, les départements, de par de leur proximité avec le territoire, connaissent bien les différents gestionnaires.

« L’ARS nous dit ne pas avoir les moyens de mobiliser plus de personnels »

Cet ancien député observe que ses équipes entretiennent de bonnes relations avec l’ARS. L’un et l’autre étudient chaque semaine les réclamations transmises et opèrent quatre « contrôles conjoints poussés » chaque année. L’échantillon est faible, puisque le département ne compte pas moins de 178 Ehpad. « C’est parce que l’ARS nous dit ne pas avoir les moyens de mobiliser plus de personnels pour faire des contrôles. »

En parallèle, le département de Loire-Atlantique mène ses propres contrôles unilatéraux, des « missions flash ». Une façon d’envoyer un message aux gestionnaires des établissements. « À tout moment, il peut y avoir un contrôle inopiné », explique Michel Ménard. À ce jour, celles-ci n’ont pas révélé de faits graves, selon lui. Idem en EureetLoir, où le contrôle des 43 Ehpad du territoire n’a pas fait ressortir de « problème majeur », selon son président Christophe Le Dorven (LR). Comme son collègue de Loire-Atlantique, il observe que l’ARS procède à des contrôles « à un rythme moindre ».

Il fait cependant savoir aux sénateurs que le département mène « le plus d’actions possibles » avec l’ARS. Dans ce département rural, l’élu local ne dirait pas non à une évolution de la gouvernance pour la gestion de contrôles, à condition que ce ne soit pas « la ville préfecture de région » qui pilote. « Là où ça coince, c’est quand ça remonte au directeur général en région, où nous avons sans doute des priorités de gestion qui nous échappent », témoigne-t-il.

Inversement, Georges Siffredi (LR), président du conseil départemental des HautsdeSeine, témoigne avec « grand mal » à réaliser des contrôles conjoints avec l’Agence régionale de santé. Comme ses collègues, l’ancien maire de Châtenay-Malabry met en avant le manque de personnels dédiés au contrôle. Georges Siffredi constate également qu’il n’y a « pas réellement de référentiel de contrôle, qui soit opposable » à l’échelle nationale, et donc, de sanctions. « Peut-être qu’il faudrait que ce type de chose puisse exister. »

Mais là n’est pas le seul problème. « Il y a des éléments qu’on ne pourra pas faire », note-t-il. Comme certaines données comptables, à l’échelle d’un groupe. Dans son livre Les Fossoyeurs, Victor Castanet a affirmé que le groupe Orpea pratiquait des marges arrière. En clair, il s’agit de demander aux fournisseurs de gonfler le prix de leurs produits, pour bénéficier de rétrocommissions. « C’est une instance supérieure qui peut avoir la vision globale du groupe », insiste le président des Hauts-de-Seine. Dans ces contrôles financiers, « l’État a un vrai rôle à jouer. Peut-être que les services fiscaux peuvent se saisir de la question », abonde Michel Ménard (PS).

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