Coronavirus : les temps forts de la discussion générale du correctif budgétaire

Coronavirus : les temps forts de la discussion générale du correctif budgétaire

Après l’Assemblée nationale jeudi, c’est au Sénat d’examiner le projet de loi de finances rectificative destiné à prendre en compte les mesures d’urgences annoncées. 45 milliards d’aides aux entreprises ont été annoncés par l’exécutif. 
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« L'union nationale fera notre force », a affirmé, jeudi soir, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire en remerciant les députés après l’adoption à l’unanimité du correctif budgétaire.

Au Sénat le projet de loi de finances est examiné à partir de 14H30 et le gouvernement ne pourra pas compter sur la même unanimité. En effet, sur Public Sénat, la vice-présidente communiste de la commission des affaires sociales, Laurence Cohen a annoncé « qu'en l'état actuel, le groupe communiste n'avait pas la volonté d'émettre un vote favorable » sur le projet de loi. Elle dénonce l'absence d'engagement financier du gouvernement pour l'hôpital et les personnels soignants. « Absolument aucun euro pour l'hôpital n'est prévu dans ce texte » a-t-elle alerté.

Vincent Éblé, le président socialiste de la commission des finances a, pour sa part, estimé que les chiffres du gouvernement étaient « optimistes ». « Les expériences passées de crises strictement économiques, ont montré que quand la croissance fléchit, les recettes fiscales fléchissent encore plus rapidement encore. On a un effet amplificateur sur le plan du produit fiscal attendu en matière de prélèvements obligatoires » a-t-il prévenu.

Pour rappel, le gouvernement a prévu 45 milliards d’aides aux entreprises, dont notamment 32 milliards pour financer le chômage partiel et table sur un recul de 1% de croissance.

Gérald Darmanin craint que le recul de la croissance s’aggrave

Coronavirus : Gérald Darmanin craint que le recul de la croissance s’aggrave
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Face à la crise sanitaire du coronavirus, la France, comme les autres pays, se retrouve plongée maintenant dans une crise économique. Tous les chiffres macroéconomiques prévus dans le budget 2020, votés à l’automne dernier, se retrouvent caducs.

La croissance va ainsi reculer de 1%. On pourra techniquement parler de récession quand la croissance reculera pendant au moins deux trimestres consécutifs, selon la définition de l’INSEE. Et on semble bien en prendre le chemin. Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a ainsi affirmé devant le Sénat, lors de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative (PLFR), que la croissance pourrait reculer davantage encore. Ce PLFR prévoit « 1% de croissance négative et sans doute est-ce une première marche vers plus de croissance négative », a lancé le ministre de manière alambiquée.

Tous les chiffres sont mauvais. Les recettes fiscales vont baisser de 10 milliards d’euros, les dépenses sont en hausse de 6,3 milliards, le déficit repasse au-dessus des 3%, avec 3,9% au lieu de 2,2%, la dette sera supérieure à 100% du PIB et la consommation va reculer de 2%.

Les conséquences sur l’emploi sont inévitables, dans ces conditions. Mais pour limiter l’impact sur l’économie, le gouvernement a décidé une série d’aides destinées aux entreprises. Ce PLFR constitue ainsi « le second pilier » de la réponse, avec le texte d’urgence déjà adopté par le Sénat la nuit dernière.

Pour aider les entreprises, il s’agit, explique Gérald Darmanin, « d’éviter au maximum les incidents de trésorerie » en reculant « les échéances fiscales et sociales de trois mois » pour l’impôt sur les sociétés, et en reportant « l’intégralité des charges sociales pour toutes les entreprises qui le souhaitent ». « C’est déjà 3 milliards d’euros qui ont été reportés, à l’heure où je vous parle », précise le ministre de Bercy.

Au total, c’est une « aide de 35 milliards d’euros », dont 13 milliards sur les impôts et 22 milliards pour les cotisations. 380.000 entreprises ont déjà demandé d’alléger ou d’annuler les cotisations. Plus de 3.000 ont demandé un report des impôts. Par ailleurs, les banques sont appelées à joueur le jeu pour les demandes de prêts des entreprises.

8 milliards d’euros sont aussi mis sur la table pour la prise en compte à 100% par l’Etat du chômage partiel, jusqu’à 4,5 smic. Enfin, « des provisions supplémentaires de 2 milliards d’euros sont ouvertes pour les dépenses de santé » notamment pour « payer chaque heure supplémentaire pour l’intégralité des agents qui travaillent à l’hôpital public ».

Agnès Pannier-Runacher : un plan d'aide « inconditionnel » pour les entreprises

La secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances prend la parole. « Cette crise laissera une blessure profonde » avertit la secrétaire d'état Agnès Pannier-Runacher, avant de détailler les mesures prévues en direction des entreprises. Pour soutenir leur trésorie, l'Etat « se portera garant de tous les prêts de trésorerie aux entreprises à hauteur de 300 millards d'euros, à compter du 13 mars et jusqu'à la fin de l'année ». Le fonds s'adresse également aux petites entreprises, PME, TPE, micro-entreprises en indépendants. « Des milliers d'entre elles sont à l'arrêt, nous n'avons pas le droit de les laisser à leur sort » a indiqué la secrétaire d'état.

Pour les professions libérales « les plus modestes », une enveloppe d'1 milliard d'euros par mois est mobilisée et 1500 euros sont disponibles immédiatement pour les petites structures, versés par l'administrastion fiscale. Concernant les factures (gaz, électricité) l'Etat veut “minimiser le poids des charges” et appelle les bailleurs privés « qui le peuvent » à faire preuve de solidarité. « Nous travaillons avec la profession immoblière » en ce sens a fait savoir Agnès Pannier-Runacher. « Ces mesures ont un coût » a-t-elle conclu : « le déficit grimpera à 3,9% du PIB et la dette de la France dépassera les 100% du PIB en 2020”, une situation découlant d'un « choix politique inconditionnel », exigé par « des circonstances exceptionnelles ».

Albéric de Montgolfier : ce correctif budgétaire « ne sera malheureusement pas le dernier »

Le rapporteur LR de la commission des finances, Albéric de Montgolfier le pressent : « ce projet de loi de finances rectificatives « ne sera malheureusement pas le dernier ». « Nous aurons sans doute d’autres occasions de nous revoir » a-t-il prévenu s’adressant au banc des ministres.

Pour Albéric de Montgolfier, la crise du coronavirus va entraîner « un choc d’offre » et « un choc de demande ». « Difficile d’apprécier « ces effets cumulés sur la croissance » a-t-il reconnu tout en estimant qu’un recul de 1% de croissance « se plaçait dans la fourchette haute des prévisions ».

Le sénateur LR n’a pas manqué de rappeler que la part de la dette publique en France frôlait déjà 100% du PIB, soit un écart de 40 points avec l’Allemagne. « Ce qui en terme de marge de manœuvre budgétaire » s’avérera problématique à l’avenir.

« Faut-il pour autant renoncer à soutenir les entreprises ? Évidemment non » a-t-il répondu. Parmi les amendements adoptés en commission des finances ce matin, le rapporteur général a cité « la mise en place de mécanisme de suivi » des mesures annoncées, mais aussi, « un dispositif visant à soutenir les salariés qui travaillent actuellement ». Il s’agit d’une exonération totale des charges patronales sur les heures supplémentaires et une défiscalisation totale au-delà de 5000 euros.

Vincent Eblé : « Il faut reconsidérer les allègements de fiscalité des plus hauts patrimoines »

Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative au Sénat, le Président de la commission des finances a appelé à une plus grande solidarité des hauts patrimoines face à la crise. Vincent Eblé estime qu’il faut « reconsidérer les très importants allègements de fiscalité pour les plus hauts patrimoines. Certes les marchés financiers sont en baisse, mais notre nation a plus que jamais besoin de la solidarité de tous, et nous devons mobiliser celles et ceux qui sont le plus capables de contribuer aux efforts collectifs, surtout si l’on garde à l’esprit les importants allègements de fiscalité - ISF et PSU - que nos récents travaux parlementaires ont permis de révéler ».

Pascal Savoldelli : « Il faut un projet de loi d'urgence sur la sécurité sociale »


Pour le groupe communiste, Pascal Savoldelli prend la parole: « On va avoir un problème de récession, on le sait tous ici, dont on ne connaît pas les termes. Il faut limiter les dégâts”. Il reconnaît l'effort du gouvernement: “300 milliards de garanties d'emprunt de l' État, bravo, c'est ce qu'il fallait faire » mais avertit ses collègues: « Nous (le groupe communiste, ndlr) allons demander un projet de loi d'urgence sur la sécurité sociale. Il y a une crise sanitaire, c'est urgent. Où sont les dépenses additionnelles de santé ? Est-ce que c'est des dégels de crédits ? A quoi ca correspond ? Nous allons demander que le secteur assurantiel privé soit contraint. Il faut aller au bout, et que le risque sanitaire soit pris en risque catastrophe par l'assurance privée. L'état se bat mais il faut que le privé se batte aussi, donc il faut que le régime assurantiel prenne sa part ».

Philippe Dominati : «Ce quinquennat s’achèvera dans la douleur»

Au Sénat, le groupe Les Républicains votera bien les mesures d’urgence économiques pour faire face à la crise. Mais pour le sénateur Philippe Dominati, nos finances publiques n’ont pas été suffisamment assainies pour encaisser un tel effort. 
« La moitié des pays européens a des comptes excédentaires. Le déficit budgétaire français avoisine les cent milliards d’euros tandis que l’Allemagne dégage un excédent budgétaire de 13 milliards. “Est-ce pour vous avoir des finances publiques saines?” Les pays en excédent budgétaires ont face à la crise actuelle des marges de manoeuvre, tandis que notre pays n’en a aucune » a -t-il dénoncé cet après-midi.
Pour le sénateur LR, la France n’aura d’autre choix que de financer les mesures de soutien aux entreprises par un nouveau creusement de la dette publique. Devant le Ministre de l’Action et des comptes publics, il a rappelé que son groupe réclame depuis 2012 un assainissement des finances publiques, et a terminé son intervention par cet avertissement: «Ce quinquennat va s’achever dans la douleur, nous en sommes peinés, car au final ce sont les Français qui le paieront tôt ou tard. Le Président de la République a dit qu’il faudra en tirer les leçons, dont acte. Nous espérons que le Sénat sera alors davantage écouté. Encore une fois, comme pour la crise des gilets jaunes, notre seul tort est d’avoir eu raison trop tôt.»

Hervé Marseille : « il va falloir repenser notre modèle »

Le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille a estimé que « l’heure n’était pas à des débats pusillanimes ». « C’est normal de faire confiance au gouvernement. C’est normal de faire confiance aux autorités sanitaires » a-t-il appuyé. À quelques minutes de l’examen du correctif budgétaire destiné à prendre en compte les mesures d’urgences liées à la crise du coronavirus, Hervé Marseille considère « que sur l’essentiel, il est satisfaisant ».
En ce qui concerne les mesures d’aides aux entreprises et aux salariés, le sénateur centriste a indiqué qu’il souhaitait « remettre au goût du jour les heures supplémentaires défiscalisées » plutôt « que la prime Macron que nous avions connue lors des gilets jaunes ».
Enfin, Hervé Marseille a indiqué qu’il souhaitait que cette crise « transforme l’Europe et la rende plus efficace ». « Il va falloir repenser notre modèle » a-t-il demandé faisant référence notamment « à un problème de souveraineté médicale ».

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