Covid-19 : Jean-François Delfraissy prévoit « une situation très complexe » dans les hôpitaux fin août
Le président du conseil scientifique était entendu jeudi 22 juillet par les sénateurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi élargissant le champ d’application du passe sanitaire. L’occasion pour cet immunologue de revenir sur la situation épidémique du pays, et de prévoir des temps difficiles d’ici à la fin août.

Covid-19 : Jean-François Delfraissy prévoit « une situation très complexe » dans les hôpitaux fin août

Le président du conseil scientifique était entendu jeudi 22 juillet par les sénateurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi élargissant le champ d’application du passe sanitaire. L’occasion pour cet immunologue de revenir sur la situation épidémique du pays, et de prévoir des temps difficiles d’ici à la fin août.
Public Sénat

Par Jules Fresard

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy s’est décrit jeudi 22 juillet comme « un malheureux médecin embarqué dans une longue aventure ».

Face à lui, des sénateurs et sénatrices des commissions des Lois et des Affaires sociales, réunis pour une audition conjointe en vue de l’examen, d’ici à la fin de la semaine, du projet de loi élargissant les prérogatives du passe sanitaire. Peu avant Jean-François Delfraissy, c’était d’ailleurs au ministre de la Santé Olivier Véran d’être entendu par ces mêmes parlementaires.

Une situation appelée à se tendre

Et 16 mois après avoir pris la présidence du conseil scientifique, le professeur Delfraissy, qui se sait « à chaque fois porteur de mauvaises nouvelles », met en garde. « Le modèle montre bien que d’ici fin août, nous allons nous trouver dans une situation très complexe, avec un impact sur le système de soins ».

La cause ? Le fameux variant delta, auparavant dénommé « indien », qui « change la donne ». « Pour faire court, ce variant a un niveau de transmission 60 fois supérieur. Mais je ne crois pas que les gens aient compris ce que cela représente ».

Des chiffres alarmistes qui interrogent André Reichardt, sénateur Les Républicains du Bas-Rhin. « Vous nous avez dit que le variant delta est 60 fois plus contagieux. M. Véran a lui évoqué une charge virale 1 000 fois supérieure. Ça veut dire quoi ? Car contagion et dangerosité, ce n’est pas la même chose ».

Ce à quoi Jean-François Delfraissy a répondu, « les éléments montrent que la mutation ne permettrait pas au virus de mieux s’accrocher, mais d’avoir une capacité de multiplication plus forte ».

« Pas d’états d’âme » concernant la vaccination obligatoire des soignants

Concernant l’obligation vaccinale faite aux soignants, le médecin Delfraissy s’est montré sans détour, en se disant « sans états d’âme » concernant cette mesure. « J’ai changé d’avis sur le sujet. Initialement, j’étais pour convaincre, aller vers… et cela a marché au début ! Mais il reste maintenant une partie des soignants où il est plus difficile de faire passer le message. Et à un moment donné, je suis aussi médecin, on fait ce métier pour les autres, pas pour soi ! ».

La sénatrice Chantal Deseyne a, elle, souhaité connaître la position de Jean-François Delfraissy concernant « une vaccination obligatoire plus généralisée ». Et il est apparu cette fois-ci plus sur la réserve. « Je reste en retrait vis-à-vis de l’obligation vaccinale, parce que je pense qu’en santé publique, ce n’est pas la mesure qui est fondamentale, mais c’est son acceptabilité », tout en se positionnant en faveur du passe sanitaire.

Autre point d’inquiétude chez le spécialiste, celui du faible pourcentage de personnes vaccinées au sein des populations les plus précaires. « On voit une concordance entre hésitation vaccinale et les populations les plus défavorisées. J’ai beaucoup insisté pour que cette quatrième vague ne soit pas seulement d’ordre sanitaire, mais aussi sociale. Il ne faut surtout pas voir apparaître une quatrième vague sociétale », a-t-il ainsi martelé.

De possibles traitements d’ici à la fin de l’année ?

Avec l’arrivée des vaccins et l’échec de l’hydroxychloroquine dont les mérites avaient été vantés par le professeur Didier Raoult, des hésitations concernant la possibilité de mettre sur pied un traitement efficace contre le covid-19 commençaient à émerger. « Que pouvez-vous nous dire sur l’avancée des traitements ? », s’est ainsi interrogée la sénatrice communiste Laurence Cohen.

Et là aussi, le professeur Delfraissy s’est montré sans détour. « Ne comptons pas sur les traitements pour lutter contre la quatrième vague ! » a-t-il mis en garde. Les traitements pour l’instant disponibles se basent sur des anticorps monoclonaux, fabriqués spécifiquement pour lutter contre la maladie. Actuellement, ils sont administrés par intraveineuse à 2 500 patients français, « c’est peanut », a-t-il souligné.

Covid-19 : "ne comptez pas sur les traitements pour faire face à la quatrième vague"
03:24

Même s’il n’exclut pas d’ici la fin de l’année que ces derniers deviennent « un élément fondamental pour la suite ». Notamment avec l’arrivée d’anticorps monoclonaux administrables par voie orale, sous forme de comprimés. « Une telle stratégie peut s’envisager, l’idée n’est pas idiote. Vous êtes détecté positif au virus, et l’on vous donne des comprimés pendant cinq jours ».

L’avenir des variants

Une source d’espoir supplémentaire pour les mois à venir donc. Du côté des scénarios envisagés concernant l’évolution épidémique, deux sont à l’étude, selon Jean-François Delfraissy. « Il y a une première vision, qui évoque que la capacité de ce virus à muter pourrait être limitée, et que dans une année, nous pourrions avoir un autre variant, le variant final. Et une vision moins optimiste, avec une sélection au fur et à mesure parmi les variants, pour déboucher sur un échappement immunitaire ». Une possibilité qui viendrait éterniser la « longue aventure » évoquée par le professeur en début d’audition. Encore un peu.

Partager cet article

Dans la même thématique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le

French L1 football match between Olympique Lyonnais (OL) and Le Havre AC
8min

Politique

Salaires exorbitants, conflits d’intérêts, droits TV : retour sur la commission d’enquête qui a mis un carton rouge au Foot business

Série- Les enquêtes du Sénat. C’est une commission d’enquête qui a connu de nombreux soubresauts. Alors que le football professionnel traversait une crise majeure liée aux revenus des droits TV, les sénateurs Laurent Lafon et Michel Savin ont lancé une commission d’enquête pour encadrer le sport professionnel. Entre auditions, visite du siège de la Ligue de football et révélations de Complément d’enquête, retour sur les préconisations de la commission d’enquête pour stopper le Foot business.

Le

Le Mans Manifestation des maires de la Sarthe
4min

Politique

Elections municipales : il n’y a jamais eu autant de maires démissionnaires depuis 2020

Le nombre d’édiles qui renoncent à poursuivre leur mandat n’a jamais été aussi élevé, selon une étude de l'Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/SciencesPo. Les démissions ont été multipliées par quatre depuis 2020 par rapport à la période 2008-2014. Les tensions au sein des Conseils municipaux sont invoquées comme première cause de renoncement.

Le

capture La bomba
3min

Politique

Les « films de l’été » 5/8 : « La bombe atomique a modifié à jamais le monde dans lequel nous vivons »

Pour les Américains, la bombe atomique était LA solution nécessaire pour gagner la Seconde Guerre mondiale. Elle est devenue par la suite un problème environnemental, politique et moral. Comment vivre avec une invention capable de détruire la planète ? Étayé d'images et de vidéos déclassifiées, mais aussi d'archives poignantes consacrées aux victimes d'Hiroshima et de Nagasaki, « La bombe », du cinéaste américain Rushmore DeNooyer, diffusé cet été sur Public Sénat, convoque également les témoignages d'anciens hommes politiques, d'ingénieurs du projet Manhattan et d'historiens pour raconter cette histoire scientifique, politique et culturelle.

Le