Covid-19 : la commission d’enquête du Sénat ira chercher « la petite bête »

Covid-19 : la commission d’enquête du Sénat ira chercher « la petite bête »

Création d’une commission « indépendante » sur la crise du Covid-19, demande de « propositions », sous un mois pour «  l’élaboration indispensable du nouveau dessein français  » … En une semaine, le chef de l’État a braqué le Sénat et risque de provoquer l’effet inverse de celui escompté.
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« Ça m’a mis presque en colère ». Pour ceux qui côtoient Alain Milon, le sénateur LR qui devrait prendre la tête de la commission d’enquête sur la gestion de la crise de l’épidémie de Covid-19, cette phrase est lourde de sens. Pas vraiment habitué aux coups de gueule dans l’hémicycle, plutôt tout en flegme, il semble en falloir beaucoup pour énerver le président de la commission des Affaires sociales du Sénat. Emmanuel Macron y est parvenu. Comment ? En apprenant, vendredi, par l’Elysée « la création d’une commission qui portera un regard indépendant et collégial sur la gestion de la crise » du coronavirus. « C’est un déni de démocratie dans la mesure où c’est au Parlement de contrôler l’action du gouvernement » rappelle Alain Milon avant de prévenir. « Dans le cadre de la commission d’enquête, j’étais parti sur l’idée de faire des propositions. Mais cette volonté exprimée par l’exécutif me donne envie de chercher la petite bête ».

Ou comment illustrer le principe de l’arroseur arrosé. Le chef de l’État craignait que les sénateurs de la commission d’enquête jouent « les procureurs » selon des propos rapportés par le Canard enchaîné du 7 mai. Désormais, Ils ne se contenteront pas en tout cas, d’être simplement force de proposition, bien décidés à exercer leur mission de contrôle, consacrée par l’article 51-2 de la Constitution.

Déjà deux commissions d’enquête

Car ils sont nombreux à la Haute assemblée à être encore sous le choc de l’annonce élyséenne. À commencer par son président Gérard Larcher qui s’est fendu d’un tweet vendredi dernier. « Quand nous avons appris la création par l’Élysée d’une commission sur la crise sanitaire du coronavirus, nous avons d’abord cru à une « fake news ». Nous sommes stupéfaits ! Alors que les deux chambres du Parlement ont créé une commission d’enquête » s’est-il offusqué. À l’Assemblée nationale, une commission d’enquête sur « l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus » a été mise en place le 3 juin, elle fait suite à une mission d’information. Un dispositif de contrôle, qui contrairement à une commission d’enquête, ne dispose pas de pouvoirs coercitifs. La mission a commencé ses travaux en avril et étrille sur huit pages de son rapport d’étape, « les faiblesses » de la gestion française de l’épidémie.


Pour François Patriat, « une partie de l’opposition veut une crise de régime »

Au Sénat, la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sera examinée en séance le 23 juin, et les auditions auront lieu dans la foulée. De quoi faire craindre à l’exécutif un nouveau feuilleton de l’été après les travaux de la commission d’enquête Benalla qui avait tenu en haleine les Français en juillet 2018. « Une partie de l’opposition veut une crise de régime. L’objectif de la commission Benalla, c’était de mettre en cause des proches du président de la République. Et quand j’entends certains responsables de groupe, chez les LR, les socialistes et les communistes, annoncer que le gouvernement va devoir rendre des comptes devant la commission d’enquête, je ne me fais aucune illusion sur la manière dont vont se dérouler les auditions. Ce sera une arme politique pour fragiliser le pouvoir » se désole le patron des sénateurs LREM, François Patriat.

« Je ne pensais pas voir ça dans ma vie de parlementaire »

Ce nouveau mépris pour le Parlement témoigne encore une fois de l’isolement du pouvoir » a tweeté, le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner.


« Je ne pensais pas voir ça dans ma vie de parlementaire. Et bien, je l’ai vu. Tout est possible dans le nouveau monde. Je me demande pourquoi le gouvernement ne supprime pas la Cour des comptes pour mettre à la place un organe de contrôle autour du ministre de l’Économie » ironise le vice-président LR du Sénat, Philippe Dallier.

« On atteint un niveau de dégradation de la démocratie qui est surprenant. L’exécutif dans un pays démocratique ne peut pas tout faire » conclut Hervé Marseille, le président du groupe centriste du Sénat.

Quatre thèmes, vous avez un mois

D’autant que l’annonce de cette commission dite « indépendante », composée de scientifiques, s’ajoute à un autre sujet d’agacement : le courrier envoyé la semaine dernière par le chef de l’État aux présidents des deux chambres et du Conseil économique, social et environnemental. Emmanuel Macron leur demande d’envoyer « d’ici à un mois » des propositions « pour contribuer à l’élaboration indispensable du nouveau dessein français ». Parmi les thèmes sur lesquels Gérard Larcher, Richard Ferrand et Patrick Bernasconi sont invités à plancher : « Nos pratiques de santé », « nos stratégies économiques et écologiques », « notre relation au travail », « l’organisation des pouvoirs dans notre pays ».

La forme de cette commande présidentielle a surpris, car comme le rappelle Philippe Dallier, mettre à contribution les parlementaires dans la conduite de la politique de la Nation, « ça s’appelle l’examen et le vote des lois par le Parlement ».

« On est chez Netflix »

« On est quand même dans une période très particulière. C’est un grand bazar. Par exemple, cette semaine, on fait de la législation fictive. On examine un texte (projet de loi sur les élections municipales et consulaires NDLR) qui prévoit l’annulation du second tour des municipales le 28 juin. On fait de la fiction. On est chez Netflix » observe circonspect, Hervé Marseille.

En tout cas, Gérard Larcher et Richard Ferrand pourront échanger sur leurs idées lors de leur entretien jeudi matin. « Une rencontre non-exceptionnelle, où tous les sujets du Parlement sont abordés » précise-t-on du côté de la présidence du Sénat.

Dans le JDD, le président de l’AMF (Association des maires de France), François Baroin a déjà répondu à l’appel d’Emmanuel Macron indiquant déjà travailler avec le Sénat et Territoires Unis sur « un grand texte de libertés locales » pour début juillet. « Nous demanderons des transferts de compétences, de moyens et d'effectifs aux collectivités locales, et une modification de la Constitution, notamment de son article 72, pour consacrer leur autonomie fiscale et financière et leur libre administration ». La réponse des territoires au projet de loi 3 D (décentralisation, déconcentration, différenciation) en somme. « Il nous faut inventer une nouvelle génération de notre gestion collective pour que la vie en 3D, soit aussi la vie en 1R » : une République » avait appelé Gérard Larcher lors de ses vœux du 14 janvier dernier. Déjà une idée à reprendre pour Emmanuel Macron…

 

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