Covid-19: le gouvernement va reporter en juin les élections régionales

Covid-19: le gouvernement va reporter en juin les élections régionales

Le rapport Debré, remis au premier ministre ce matin, préconise de reporter de mars à juin les scrutins locaux. Après consultation, l’idée fait plutôt consensus dans la classe politique. Un report nécessite un vote du Parlement. Un texte sera présenté en Conseil des ministres en décembre.
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C’est décidé. Le gouvernement compte reporter les élections départementales et régionales de mars 2021 à la fin du mois de juin prochain. Soit un report de trois mois. C’est ce que préconise le rapport de Jean-Louis Debré, remis ce matin au premier ministre Jean Castex.

Clause de revoyure au printemps

En recevant sa lettre de mission du 23 octobre dernier, l’ancien président du Conseil constitutionnel avait pour tâche de consulter l’ensemble des forces politiques (présidents des Assemblées, des groupes politiques, des associations d’élus, soit plus de 60 consultations) pour étudier les conditions d’organisation du scrutin de mars, ou celles d’un éventuel report, en raison de l’épidémie de Covid-19. La consultation a été menée au pas de charge par Jean-Louis Debré. Il n’y avait guère le choix, en raison du calendrier serré.

Le Premier ministre suivra la recommandation principale formulée par Jean-Louis Debré. « On va vers le report. C’était l’objet de la démarche » glisse-t-on à Matignon, où on précise que « le Premier ministre va entamer les démarches pour ce report ». Autrement dit, le dépôt d’un projet de loi en Conseil des ministres, le 2 décembre, si le texte est prêt, ou le 16 décembre. Principe confirmé en début d’après-midi par un communiqué de Matignon.

Seule la loi peut en effet modifier la date des élections. Le Parlement sera ensuite saisi du texte, qui devra être promulgué pour mi ou fin février, au plus tard. Une clause de revoyure sur les conditions sanitaires est prévue au printemps, a priori en avril, pour faire le point. Le Conseil scientifique sera chargé de l’évaluation qui devrait être remise au Parlement, qui pourra s’en saisir. Si les conditions ne sont toujours pas réunies, un nouveau report n’est donc théoriquement pas à exclure.

Eviter le psychodrame des municipales et les accusations de manipulation

Lors du premier tour des municipales de mars dernier, on se souvient du psychodrame. Emmanuel Macron avait consulté les LR et le président du Sénat, Gérard Larcher, qui s’opposaient à tout report, malgré l’épidémie. Face aux risques de contaminations, le maintien avait fait ensuite polémique, chacun se renvoyant la balle pour la responsabilité de maintenir l’élection, dont la seule décision revenait à l’exécutif. Pour éviter un nouvel épisode de ce genre, Jean-Louis Debré a eu notamment pour mission de chercher la solution qui pourrait faire le plus consensus. Il en ressort ce report de trois mois.

Mi-octobre, la question faisait encore débat, notamment chez les sénateurs. Mais face au virus, l’idée de reporter l’élection semble aujourd’hui plus partagée, à l’image du président du Sénat, Gérard Larcher, initialement très réservé sur l’idée de report des régionales, « Même si le respect des dates est préférable en démocratie, je ne suis pas opposé à un report du scrutin à la fin du printemps pour des raisons sanitaires » a-t-il affirmé au Figaro, tout en demandant que cela soit fait « sans arrière-pensée ».

« Il y a eu un consensus très transversal dans la classe politique » selon Patrick Kanner

« C’était souhaitable » réagit aujourd’hui Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. « On aurait pu espérer il y a encore quelques mois qu’on maintienne en mars, mais avec l’épidémie qui est repartie, il y a eu un consensus très transversal dans la classe politique pour dire que faire campagne dans ces conditions était très compliqué ».

En revanche, il ne s’agit pas de repousser indéfiniment le scrutin, pour le sénateur PS du Nord. « Juin doit être l’hypothèse sur laquelle on essaiera de tenir, en espérant qu’on aura le même phénomène de ralentissement qu’au printemps » espère Patrick Kanner.

Alain Milon (LR) pas opposé à un report « après la présidentielle » si nécessaire

Un nouveau report supplémentaire, c’est la crainte d’Hervé Marseille, président du groupe Union centriste. Le mois dernier, il était l’un des plus réticents face à un report qui aurait pu « arranger l’exécutif ». Aujourd’hui, il fait avec la décision. « Les dates des élections, moins on y touche, mieux c’est. Alors là, visiblement, il y a un consensus assez large. Pourquoi pas » dit-il, avant de mettre en garde :

Mais si on introduit une clause de revoyure, j’espère que ce n’est pas pour renvoyer à plus tard.

La question ne fait pas l’unanimité au sein de la majorité sénatoriale. Pour Alain Milon, sénateur LR et médecin de profession, un report en 2022 ne doit pas être à exclure, « si le virus est toujours là ». « Il faut les reporter à un moment où il n’y a plus de risque, pourquoi pas après la présidentielle, ça ne me poserait pas de problème », assure le président de la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de l’épidémie, invité ce vendredi de Parlement hebdo sur Public Sénat/LCP-AN. Regardez :

Hervé Marseille s’interroge lui sur un autre point : « Est-ce que les élections départementales et régionales sont toujours simultanées ? » se demande le centriste, qui attend de lire précisément le rapport puis le projet de loi. « Quand c’est écrit, c’est mieux » insiste le sénateur UDI des Hauts-de-Seine.

Majoration du plafond des dépenses de campagnes

La question d’un report des régionales avait été évoquée une première fois en juin dernier, au nom d’une meilleure application du plan de relance, avant que le sujet soit vite écarté. Il est revenu par la fenêtre en cette rentrée, face au retour exponentiel de l’épidémie. Certains ont d’abord dénoncé un tripatouillage politique, en cas de report après la présidentielle. Les régionales sont vues par Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, tous deux à la tête des régions Hauts-de-France et Ile-de-France, comme une rampe de lancement pour leurs ambitions présidentielles. Mais avec l’option d’un report de trois mois, en juin, l’exécutif s’épargne ainsi toute accusation de manipulation.

Une élection, c’est aussi une campagne. Si les meetings ne sont toujours pas possibles, des solutions numériques pourraient être envisagées. Le rapport Debré fait aussi une série de recommandations plus techniques : majoration du plafond des dépenses de campagnes, qui ont déjà commencé depuis le 1er septembre, facilitation des procurations (notamment deux procurations par électeur comme au second tour des municipales).

Débat sur le vote par correspondance, source de fraudes dans le passé

Le rapport évoque la question du vote par correspondance, en prenant soin de ne pas prendre position. Au Sénat, lors de l’examen de l’état d’urgence, le sénateur LR Philippe Bas a défendu, tout comme les socialistes, le retour de ce mode de votation utilisé aux Etats-Unis. Dans la majorité présidentielle, le Modem le défend aussi. Mais le gouvernement s’y est opposé jusqu’ici.

Du côté de Matignon, on souligne que le vote par correspondance a été supprimé en France en 1975. Il « était une machine à fraude massive » qui était « avérée sur une partie du territoire ». Il pose aussi un problème de garantie pour que le vote soit libre, sans pression ni influence de l’entourage, contrairement à ce que permet l’isoloir. D’un point de vue sanitaire – et c’est l’objet du rapport – le vote par correspondance suppose de se déplacer dans un bureau de vote, de pouvoir aller photocopier sa carte d’identité. Ce à quoi on pourrait rétorquer que si le vote est possible en juin, se déplacer pour déposer une lettre devrait être envisageable sans trop de risque.

Autre point : les questions logistiques pour acheminer les votes. Et le coût de la mise en place du vote par correspondance serait de 70 à 80 millions d’euros. Le vote par correspondance est cependant déjà possible pour les Français établis hors de France. Mais « près d’un quart des votes est annulé », fait remarquer un conseiller de Matignon, car la procédure n’est pas respectée. Bref, on comprend que l’exécutif n’est pas chaud sur le vote par correspondance. Matignon va cependant demander au ministère de l’Intérieur de lancer une analyse technique sur les options envisageables.

Proposition de loi socialiste pour restaurer le vote par correspondance

Une chose est sûre, le sujet sera débattu au Parlement. D’autant qu’une nouvelle initiative se prépare, du côté du Sénat. « Nous déposerons ce week-end une proposition de loi pour créer le vote par correspondance dans notre pays. Cette PPL est à l’initiative du sénateur PS Éric Kerrouche » explique Patrick Kanner (lire notre article sur le sujet). Le patron des sénateurs socialistes la soutiendra avec une bonne partie de ses collègues. A l’Assemblée, les députés Modem avaient aussi déposé un texte en ce sens.

Pour lui, l’argument de la fraude mis en avant par le gouvernement ne tient plus aujourd’hui. « On parle de fraude, mais peut-on éviter la fraude sur les procurations ? On voit des choses dans les Ehpad, avec des récupérations de procurations systématiques… Et à l’inverse, est-ce qu’on ne peut pas considérer que le Français n’est pas fraudeur ? » demande Patrick Kanner.

Lors des consultations, la question de la présidentielle de 2022 n’a quant à elle pas été évoquée. Si les conditions sanitaires n’étaient toujours pas réunies d’ici là, son report serait cependant plus compliqué. Il pourrait vraisemblablement nécessiter une révision de la Constitution. Son article 6 inscrit en effet dans le marbre la durée du mandat présidentiel. Il dit que « le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct ». Pour réviser le texte de 1958, l’accord du Sénat est nécessaire. On n’en est pas là. Mais le Covid-19 nous a appris à rester prudent.

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