Covid-19 : vers un passe sanitaire assoupli, mais durable ?

Covid-19 : vers un passe sanitaire assoupli, mais durable ?

L’épidémie de covid-19, en net recul depuis la rentrée, devrait conduire à un allégement de l’application du passe sanitaire, censé prendre fin au 15 novembre. Pour autant, le gouvernement ne compte pas rester démuni face à une possible reprise épidémique et prépare un projet de loi de prolongation du dispositif.
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Comment justifier à la fois l’allégement de l’application du passe sanitaire et sa prolongation ? C’est la délicate équation que veut résoudre l’exécutif dans les prochaines semaines. Alors que le seuil des 50 millions de primo-vaccinés vient d’être franchi et que le taux d’incidence est jugé très faible (moins de 50 cas pour 100 000 habitants) dans une trentaine de départements, le gouvernement s’apprête à alléger les restrictions liées à l’épidémie de SARS-CoV-2. « Lorsque le virus circule moins, nous respectons ce principe de proportionnalité et de territorialisation des mesures. C’est-à-dire que nous devons être capables à un moment donné, de dire que cette mesure-là, n’est plus indispensable dans ce territoire. C’est notre philosophie depuis le début », a confirmé, ce lundi, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran.

L’adaptation du passe sanitaire, avec des modalités qui restent à définir, sera au programme du Conseil de Défense mercredi. Au Sénat, on accueille cette annonce avec prudence. « La loi sur le passe sanitaire est applicable depuis 41 jours. Elle expire dans 55 jours. Il est beaucoup trop tôt pour évaluer la situation sanitaire qui prévaudra le 15 novembre et pour connaître le degré d’immunisation de la population par la vaccination. Pas de précipitation ! », rappelle sur Twitter Philippe Bas, le rapporteur (LR) de la loi du 5 août sur la gestion de la crise sanitaire.

Pour le sénateur LR, René-Paul Savary ancien vice-président de la commission d’enquête sur la gestion de l’épidémie, « le gouvernement devrait laisser un délai comme 8 à 10 jours de baisse de taux d’incidence avant d’alléger l’application du passe sanitaire. Les gens on fait des efforts. Ils ont pris l’habitude du passe sanitaire. Ils auraient du mal à accepter des mesures plus contraignantes en cas de reprise de l’épidémie ».

Loïc Hervé, sénateur centriste, membre de la CNIL et fervent opposant au passe sanitaire, est quant à lui d’autant plus contre « sa territorialisation », qu’elle conduirait, « à le faire perdurer ».

« On est dans une logique de cliquets, sans perspective de retour à la normale »

En effet, la loi du 5 août confère au passe sanitaire un caractère temporaire. Une nouvelle loi est donc nécessaire pour voir son application s’étendre au-delà de 15 novembre. Le texte sera présenté en Conseil des ministres le 13 octobre comme l’a confirmé l’entourage de Jean Castex. Le projet de loi est d’ailleurs au menu des discussions entre le Premier ministre et président du Sénat Gérard Larcher, lundi après-midi.

« Ce sera un débat chaud de la rentrée parlementaire », confiait un ministre à publicsenat.fr, la semaine dernière. En juillet dernier déjà, les sénateurs avaient mal vécu le fait de devoir mener au pas de charge un projet de loi potentiellement aussi attentatoire aux libertés publiques. « On nous a déjà fait le coup une fois. Fin mai (lors de l’examen du projet de loi de sortie de la crise sanitaire), le gouvernement promettait que le passe sanitaire ne serait pas étendu à la vie quotidienne. Le variant delta a fait changer de pied le gouvernement cet été. Et voilà qu’on parle de sa prolongation. On est dans une logique de cliquets, sans perspective de retour à la normale. C’est plutôt une fuite en avant. Vous pouvez compter sur moi pour être au rendez-vous au nom des libertés publiques » promet, Loïc Hervé.

Fin juillet, lors des débats au Sénat, sa collègue centriste, Nathalie Goulet, avait eu ce pressentiment. Ce passe que nous votons aujourd’hui, nous risquons de l’avoir pendant des mois voire des années ».

L’obstacle du Conseil constitutionnel

Pour Olivier Véran, l’extension du passe sanitaire s’apparente à « une boîte à outils que le gouvernement est capable d’actionner lorsque c’est possible ». Sans nouvelle loi, après le 15 novembre, « même s’il y avait une reprise épidémique, nous n’aurions plus l’outil législatif pour remettre en place les mesures », a-t-il justifié.

Une interprétation qui nécessitera néanmoins l’onction du Conseil constitutionnel. Pour mémoire, début août, les Sages avaient validé les nouvelles dispositions relatives à l’application du passe sanitaire « dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 », tout en rappelant qu’elles devaient être « strictement proportionnées aux risques sanitaires ». « Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires », avait souligné le Conseil.

Vaccination obligatoire : la proposition « simple, égalitaire et efficace » du parti socialiste

Hasard du calendrier, la présentation en Conseil des ministres du projet de loi de prorogation du passe sanitaire tombera le même jour que l’examen au Sénat de la proposition de loi socialiste « instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2 ». « Une solution simple, égalitaire et efficace. Il y a aujourd’hui 10 millions de Français de plus de 12 ans qui sont encore récalcitrants et qui ont trouvé les failles du système. Le passe sanitaire a provoqué un élan de vaccinations cet été, c’est vrai. Mais il a atteint maintenant un plafond de verre. Il commence à s’épuiser », appuie Patrick Kanner, le président du groupe PS du Sénat.

« La vaccination obligatoire mettrait tout le monde sur un pied d’égalité et aurait l’avantage de ne pas sélectionner certaines professions. Cette idée n’est pas incongrue. Mais dans une période d’accalmie de l’épidémie comme celle que nous vivons, discuter de la vaccination obligatoire, ça ne va pas être évident », prévient René-Paul Savary.

Patrick Kanner ne fait que prendre au mot Olivier Véran qui, le 22 juillet dernier, affirmait devant les sénateurs : « Le passe sanitaire n’a de sens que parce que nous ne sommes pas tous vaccinés. Quand nous le serons, il disparaîtra ».

 

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