Croissance 2023 : « Un fort ralentissement », mais pas « d’atterrissage brutal », selon la Banque de France

Croissance 2023 : « Un fort ralentissement », mais pas « d’atterrissage brutal », selon la Banque de France

Lors d’une audition au Sénat, le gouverneur de la Banque de France a insisté sur la bonne résistance de l’économie française, malgré le contexte morose. François Villeroy de Galhau a cependant mis en garde sur la persistance d’une inflation élevée dans les mois à venir.
Guillaume Jacquot

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C’est un rendez-vous qui s’est progressivement établi. Chaque année en janvier, la commission des finances du Sénat auditionne la Banque de France pour savoir de quoi sera faite l’année sur le front de la conjoncture économique. Un exercice particulièrement attendu cette année, quand la croissance française pourrait marquer le pas, et l’inflation persister à un niveau élevé.

L’environnement international s’assombrit, la Banque mondiale anticipant l’une des croissances au niveau mondial les plus faibles de ces 30 dernières années. Le PIB des économies avancées pourrait progresser de 0,5 % cette année. En France, l’année 2023 devrait être bien différente de 2022, marquée par une croissance soutenue de 2,6 % en 2022. « Cette année devrait marquer un fort ralentissement, mais devrait échapper à l’atterrissage brutal qui était redouté il y a quelques mois », estime François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France. Avec une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,1 % au quatrième trimestre de 2022, la France devrait échapper à la récession, marquée par deux trimestres successifs de recul.

La Banque de France voit la croissance à 0,3 %, loin du 1 % prévu par le gouvernement

Pour 2023, l’institution monétaire table sur une croissance famélique de 0,3 %, avant une reprise en 2024 à 1,2 %. Pas vraiment d’inquiétude sur le front de la croissance, quand bien même la prévision 2023 est nettement en dessous de la prévision du gouvernement. Cette année, Bercy continue de tabler sur une progression de 1 % du PIB.

La Banque de France tranche également avec le volontarisme du gouvernement en matière d’emploi, le ministère du Travail s’étant fixé un objectif de plein-emploi à la fin du quinquennat, soit environ 5 % de taux de chômage, en partant de 7,3 % actuellement. Les prévisions des services de la Banque de France laissent entrevoir une autre trajectoire. Selon ses projections, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail atteindrait 7,7 % fin 2023, 8,3 % fin 2024 et 8,2 % fin 2025. « Il est vrai qu’avec une croissance très faiblement positive en 2023, on prévoit une légère remontée du chômage, mais assez limitée. Je n’exclus pas que nous nous trompions un peu par le bas. Nous avons toujours eu des surprises par le haut », veut néanmoins rassurer le gouverneur.

« Jusqu’à présent, l’activité nous a plutôt surpris en bien, et l’inflation plutôt en mal »

L’objet de toutes les attentions est en réalité sur l’évolution des prix à la consommation, après des années de stabilité ou de faible hausse. « Jusqu’à présent, l’activité nous a plutôt surpris en bien, et l’inflation plutôt en mal », résume le gouverneur. En décembre, l’inflation était encore à 5,9 % sur un an. « Le niveau de l’inflation reste beaucoup trop élevé », considère François Villeroy de Galhau. Selon ses prévisions, l’inflation devrait connaît un pic au cours du premier semestre, « avant de redescendre vers 4 % en fin d’année. »

Un point préoccupe le gouverneur. L’inflation sous-jacente, c’est-à-dire l’évolution des prix en dehors de l’énergie et l’alimentation, n’a pas baissé, contrairement à l’inflation prise dans son ensemble. « L’inflation s’est propagée à la généralité des biens et des services », constate-t-il. De quoi continuer une action avec ses collègues du conseil de la Banque centrale européenne pour ramener l’inflation « vers 2 % » d’ici 2024 ou 2025, comme il s’y est engagé. « Une inflation qui s’installerait durablement serait le pire ennemi de la confiance, et donc de la croissance », insiste-t-il auprès des sénateurs. Dans les rangs de la commission, les préoccupations sont partagées, notamment de la part du rapporteur du budget, Jean-François Husson (LR), qui avait mis en garde contre le niveau de l’inflation dès l’été 2021. « Notre inquiétude collective s’est beaucoup accrue quand nous avons vu qu’il y avait un phénomène de diffusion », raconte le sénateur de Meurthe-et-Moselle.

Dans ces conditions, le resserrement de la politique monétaire devrait se poursuivre. « De nouvelles hausses de taux seront très probablement nécessaires dans les prochains mois, à un rythme pragmatique », admet-il. Le relèvement des taux directeurs se transmet « de façon progressive et ordonnée » sur les taux d’emprunt, notamment immobiliers. Pas d’inquiétude sur le front des conditions de financement. L’encours des crédits bancaires aux entreprises a progressé de 7,7 % en novembre.

Mais les conséquences de la crise énergétique et de la flambée des factures d’électricité allument quelques signaux de vigilance à la Banque de France. « La trésorerie s’est dégradée, en particulier dans l’industrie », relève le gouverneur. « Nous sommes extrêmement vigilants sur l’allongement des délais de paiement aux PME et TPE de la part de certaines entreprises de plus grande taille. Ce n’est évidemment pas acceptable. »

Appel à lever le pied sur les subventions à l’énergie

S’il a reconnu que les mesures prises par l’État étaient nécessaires pour soutenir ménages et acteurs économiques ces derniers mois, François Villeroy de Galhau a appelé le gouvernement à ne pas rester dans une gestion de crise. « L’État peut amortir temporairement le choc énergétique, mais il ne peut pas le faire disparaître. Ce n’est pas seulement un mauvais moment à passer, c’est une nouvelle donne économique à laquelle nous devons adapter dans la durée. »

Estimant que la France ne pourra « pas se permettre un nouveau quoiqu’il en coûte », le gouverneur recommande au gouvernement de « ramener vers 0 », d’ici « deux à trois ans », les subventions budgétaires à l’énergie, afin de garder des marges de manœuvre pour les investissements. Autre conseil prodigué par François Villeroy de Galhau : « répartir plus efficacement la facture entre les entreprises et les ménages, en veillant à l’équité envers les ménages, par des mesures ciblées vers les plus touchés, mais tout autant à la compétitivité de nos entreprises. » La hausse de 15 % des prix réglementés de l’électricité et du gaz en début d’année, couplée à un chèque carburant de 100 euros pour les modestes, « semble aller dans le bon sens », selon lui.

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