Décentralisation : le texte 4D « ne répond pas tout à fait aux attentes » selon Gérard Larcher
Le président du Sénat a rappelé ce 11 mai qu’il restait encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le Sénat se montre satisfait du projet de loi de décentralisation. Les attentes des élus locaux sont élevées, selon une consultation conduite par la délégation aux collectivités locales.

Décentralisation : le texte 4D « ne répond pas tout à fait aux attentes » selon Gérard Larcher

Le président du Sénat a rappelé ce 11 mai qu’il restait encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le Sénat se montre satisfait du projet de loi de décentralisation. Les attentes des élus locaux sont élevées, selon une consultation conduite par la délégation aux collectivités locales.
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Hasard logistique, le président du Sénat a formulé ce 11 mai ses attentes en matière de décentralisation depuis la salle Clemenceau du palais du Luxembourg. C’est dans ce même lieu que le président de la République Emmanuel Macron avait lancé la Conférence des territoires à l’été 2017. En quatre ans, bien des désillusions ont opposé les collectivités locales à l’Etat, et deux crises ont profondément questionné les circuits de décisions : les Gilets Jaunes, et la pandémie de coronavirus. Moins anecdotique, la date de sa conférence de presse avait plus de signification encore. Elle intervient à la veille de la présentation en Conseil des ministres du tant attendu projet de loi 4D, 4D pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification. Le doute a longtemps plané sur son inscription à l’ordre du jour dans cette dernière année du quinquennat, où les créneaux législatifs disponibles valent de l’or. « Son destin n’était pas assuré », a rappelé Gérard Larcher, qui redoutait un texte 5D, avec le D de « disparition ».

Malgré l’attente, la teneur du texte est loin de satisfaire pleinement le président du Sénat. « Ce projet de loi, en l’état, ne répond pas tout à fait aux attentes », a-t-il résumé. Le ton est mesuré. Les collectivités locales n’ont pas pris cette précaution. Dans une tribune publiée ce mardi dans Le Monde, près de la moitié des présidents de département donnent de la voix contre une loi « sans relief ». La déception ne pouvait être que grande, tellement les attentes sont profondes sur chacun des aspects du texte. Aux côtés de Gérard Larcher, la délégation aux collectivités territoriales a présenté les résultats d’une vaste consultation, doublée d’une enquête réalisée par un institut. Elles avaient été lancées dans la perspective du chantier 4D. 3 300 élus locaux se sont exprimés sur la plateforme du Sénat, ce qui en fait la consultation « la plus fructueuse » de l’histoire du Sénat, la chambre qui les représente.

« Aller plus loin dans la décentralisation sans big-bang »

Françoise Gatel, la présidente (Union centriste) de la délégation aux collectivités territoriales, a relayé le sentiment d’une large majorité d’élus locaux : il « faut aller plus loin dans la décentralisation, mais en évitant les grands chamboulements ». Le « big-bang hasardeux » de la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) de 2015 reste un traumatisme. Une autre attente forte s’est exprimée, celle d’une adaptation des politiques publiques aux réalités locales. Selon l’enquête CSA, « 74 % des élus sont favorables à ce que l’Etat puisse confier à titre expérimental des compétences différentes à des collectivités de même catégorie. »

La sénatrice Françoise Gatel a également témoigné du besoin de « proximité » dans une logique d’efficacité. Les élus locaux demandent à exercer leurs compétences au plus près du terrain, au nom du principe de subsidiarité (privilégier le niveau inférieur d’un pouvoir de décision). Autre priorité ressortie de la consultation : simplifier les normes applicables aux collectivités. « 90 % des élus sont favorables à la création d’une instance de concertation auprès du préfet », a-t-elle détaillé.

Les collectivités demandent plus de pouvoirs, notamment en matière de santé. La crise sanitaire n’a fait que renforcer l’aspiration des collectivités à disposer de plus de marges de manœuvre sur ce terrain. Les départements aimeraient par exemple se voir confier la gestion de la médecine scolaire. Dernier souhait : renforcer « l’Etat territorial », l’Etat déconcentré, « dans un échelon départemental qui a montré sa pertinence pendant cette crise », insiste Françoise Gatel. Gérard Larcher a mis l’accent sur l’une des surprises de ces derniers jours. « Le Sénat propose de restaurer l’autorité du préfet de département. C’est un choix fort, à l’instant où, paradoxalement, le gouvernement nous annonce qu’il veut mettre fin au corps préfectoral ». Pour le président du Sénat, ces résultats sont la preuve qu’il « existe dans notre pays une envie de décentralisation ».

Le coup d’envoi de l’examen du projet de loi sera donné au Sénat, comme l’impose la Constitution, lorsqu’un texte touche aux collectivités locales. La discussion en séance débutera le 5 juillet. La Haute assemblée a déjà ses idées sur la table. En juillet 2020, elle avait remis au gouvernement « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales », destinées à apporter « un nouveau souffle de décentralisation », selon Gérard Larcher. Le sénateur (LR) Mathieu Darnaud veut également rappeler aux bons souvenirs du gouvernement le rôle joué par cette chambre dans l’élaboration de la loi « engagement et proximité », fin 2019. Le sénateur de l’Ardèche considère que ce texte est « l’émanation d’une immense partie des travaux du Sénat ».

« Le Sénat saura être exigeant »

Mais cette fois, l’affaire est plus sensible, dès lors que l’on parle de décentralisation et de différenciation territoriale. « Le Sénat saura être exigeant », prévient Françoise Gatel. Mathieu Darnaud espère un match retour sur la loi NOTRe de 2015, et surtout que les positions sénatoriales exprimées à l’époque trouvent cette fois un « écho plus favorable » de la part du gouvernement. Le sénateur promet de « lutter contre toutes les formes de centralisme », l’Etat central bien sûr, mais aussi les « intercommunalités XXL ». L’intercommunalité sera l’un des grands points d’attention du Sénat, mais pas uniquement. La question du logement social et des évolutions à apporter à la loi SRU, intégrée au dernier moment au texte, sera aussi l’un des grands enjeux. La commission des Affaires économiques mène d’ailleurs une consultation actuellement.

« Il est nécessaire que le gouvernement puisse être en capacité d’entendre le besoin de mesures complémentaires qui ne se retrouveraient pas dans ce texte », a plaidé Mathieu Darnaud. Et puisqu’il est question de répartition et de transferts de compétences, la question financière n’est jamais loin. « Tout cela ne saurait fonctionner que si les moyens sont là », a-t-il mis en garde. Les collectivités locales, déjà échaudées par la disparition de la taxe d’habitation, font actuellement les comptes – douloureux – des pertes occasionnées par la crise sanitaire.

L’enjeu pour le Sénat, dans la discussion qui aura lieu dans deux mois, sera donc de combler les manques et de répondre du mieux possible aux attentes des collectivités qu’il représente. A ce jour, le président du Sénat affirme qu’il reste la moitié du chemin à parcourir avant de trouver un terrain d’entente avec le gouvernement sur les 50 propositions qu’il a formulées l’an dernier. « Nous partîmes à 20 convergences. Nous pouvons en avoir 30. Et notre rêve serait d’approcher les 50. »

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