Délinquance à Mayotte : un rapport du Sénat plaide pour une restriction du droit du sol
Une mission d’information du Sénat sur la délinquance à Mayotte préconise de limiter davantage l’accès à la nationalité française par le droit du sol. Le ministre de l’Intérieur avait proposé cette mesure fin août lors d’un déplacement sur l’île.

Délinquance à Mayotte : un rapport du Sénat plaide pour une restriction du droit du sol

Une mission d’information du Sénat sur la délinquance à Mayotte préconise de limiter davantage l’accès à la nationalité française par le droit du sol. Le ministre de l’Intérieur avait proposé cette mesure fin août lors d’un déplacement sur l’île.
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Il y a deux mois, une opération de destruction d’habitats précaires à Koungou, à Mayotte avait conduit à l’incendie de la mairie. « Un exemple parmi d’autres du climat de violence quotidienne extrême que connaît Mayotte », notent les sénateurs de la mission d’information sur la situation sécuritaire de l’île, lancée en début d’année, et qui présente ses conclusions, ce jeudi.

« L’importance des flux migratoires sur un territoire exigu qui joue un rôle certain dans la dégradation du climat sécuritaire »

« Cette insécurité est liée à une délinquance aux traits spécifiques. Souvent le fait de jeunes, y compris de mineurs, la délinquance à Mayotte se traduit par des faits d’une particulière gravité », rappellent les élus citant parmi les causes de cette violence : les rivalités entre villages, le lâcher-prise des parents vis-à-vis de l’éducation de leurs enfants, la pauvreté du territoire, son profil démographique, la perte d’influence de l’autorité traditionnelle, ainsi que la spécificité des structures familiales.

C’est également, « le contexte migratoire propre à Mayotte » « l’importance des flux migratoires sur un territoire exigu qui joue un rôle certain dans la dégradation du climat sécuritaire […] un tel niveau de violence suffit seul à justifier une réponse énergique des pouvoirs publics », expliquent les élus.

Les rapporteurs de la mission d’information François-Noël Buffet (LR), Stéphane Le Rudulier (LR), Alain Marc (Les Indépendants) et Thani Mohamed Soilihi (LREM-RDPI) émettent une série de propositions […] pour « une réponse appropriée et adaptée à une situation dont les causes comme les conséquences sont propres à la situation mahoraise ».

La protection des frontières figure donc au cœur des recommandations de la mission. Depuis 2019, un dispositif d’interception en mer a porté ses fruits. Cette détection s’appuie sur l’exploitation de quatre radars, mais également depuis le premier semestre 2021 sur une surveillance aérienne, qui permet de lever d’éventuels doutes. Il est estimé qu’au premier semestre 2021, cette surveillance aérienne a permis la détection de 136 « kwassas » (embarcations).

Limitation du droit du sol

En 2018 sous l’impulsion du sénateur Thani Mohamed Soilihi, la loi « Asile et immigration », a modifié le droit du sol et exige désormais, pour qu’un enfant né à Mayotte puisse bénéficier de la nationalité française à sa majorité, que l’un de ses parents au moins réside en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.

Lire notre article: Restreindre (encore) le droit du sol à Mayotte, une mesure polémique

Dans leur rapport, les sénateurs ont estimé que cette durée de trois mois n’était pas suffisante et souhaite l’allonger. Une durée d’un an est évoquée afin de ne pas permettre un « détournement de l’esprit de la loi » et « permettrait de mieux encadrer le phénomène des allers et retours, souvent risqués, de certaines femmes comoriennes vers Mayotte afin de pouvoir faire bénéficier leur enfant de l’octroi de la nationalité française ». Cette mesure avait déjà été proposée par Gérald Darmanin, fin août.

La mission d’information souhaite aussi approfondir les relations diplomatiques avec l’Union des Comores pour limiter l’immigration irrégulière.

Améliorer l’attractivité pour attirer les effectifs des forces de l’ordre

Au niveau sécuritaire, les rapporteurs souhaitent voir développer les initiatives des pouvoirs publics en matière de prévention de la délinquance comme le dispositif des groupes de médiation citoyenne (GMC). Ces structures, qui associent les services de l’État, le conseil départemental et six associations partenaires, s’appuient sur des « adultes relais », recrutés dans le cadre de contrats aidés, afin de ne pas laisser cette prévention à des groupes d’auto-défense qui se sont développés sur l’île du Pacifique.

Que ce soit dans l’éducation nationale, la gendarmerie ou la police, Mayotte souffre d’un manque d’attractivité pour attirer les fonctionnaires. La réduction de la durée des affectations de 4 ans à 2 ans renouvelable pourrait, selon la mission d’information, permettre une gestion plus dynamique des effectifs. L’augmentation du nombre de Mahorais parmi les effectifs doit aussi être encouragée, plaide les élus.

Renforcement des moyens de la justice

En matière judiciaire, un renforcement des moyens est jugé « indispensable ». Le traitement des dossiers à Mayotte nécessite une charge de travail accrue, en raison des contraintes spécifiques du territoire, qui impliquent notamment la nécessité d’un traducteur pour la conduite d’audiences, raison pour laquelle les rapporteurs soutiennent la création d’un troisième cabinet de juge des enfants et d’un quatrième cabinet de juge d’instruction au sein de la juridiction de Mamoudzou. Ils préconisent aussi de doubler les effectifs alloués au parquet, de créer une Cour d’appel de plein exercice et un centre de détention à Grande Terre. De même, l’autorité judiciaire de Mayotte ne dispose pas de moyens suffisants pour les aménagements de peine ce qui conduit à la surpopulation carcérale. Les élus plaident donc pour la création d'un centre de semi-liberté et d'’un centre éducatif fermé.

Enfin, les élus ont relevé que faute de moyens suffisants et d’une politique adaptée, le conseil départemental ne parvient pas à produire une politique de l’aide sociale à l’enfance efficace sur le suivi des mineurs non accompagnés « plus susceptibles de tomber dans la délinquance ». Le Conseil départemental a récemment recruté des équipes de travailleurs sociaux et a professionnalisé des assistants familiaux. « Ces efforts, pour l’heure insuffisants à assurer une prise en charge satisfaisante des publics concernés, doivent être encouragés » souligne le rapport.

 

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