Des ministres peu présents lors de l’examen des textes, les sénateurs grincent des dents

Des ministres peu présents lors de l’examen des textes, les sénateurs grincent des dents

Gérard Larcher, le président du Sénat, s’est inquiété auprès de Jean Castex des absences de certains ministres au Sénat, selon une information de L’Opinion. À plusieurs reprises ces dernières semaines, les élus de la Haute Assemblée ont fait montre de leur agacement face aux défections des responsables gouvernementaux en charge des textes discutés.
Romain David

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Il n’est pas rare qu’un ministre, retenu par un déplacement d’importance, envoie l’un de ses ministres de tutelle le représenter sur les bancs du Parlement. Mais en cette dernière année du quinquennat, la tendance serait plutôt à l’absentéisme du côté du Sénat. C’est en tout cas le sentiment de plusieurs élus et du président Gérard Larcher, qui s’est fendu d’une missive au Premier ministre Jean Castex, pour l’alerter sur « un certain nombre de dysfonctionnements dans les relations entre le gouvernement et le Sénat », selon une information de L’Opinion. Le troisième personnage de l’État s’inquiète notamment de voir le gouvernement représenté en séance par des ministres et secrétaires d’État dont le portefeuille n’est pas toujours en rapport avec le texte débattu. Autre point de crispation, les absences répétées de certains poids lourds de l’exécutif : « M. Bruno Le Maire, présent à 3 séances de questions sur les 36 au cours de la session 2020-2021, M. Sébastien Lecornu, présent à 7 séances, Mme Annick Girardin, présente à 7 séances, M. Olivier Véran, présent à 10 séances », énumère Gérard Larcher dans son courrier, cité par L’Opinion.

Ce n’est pas la première fois qu’il s’offusque du peu d’assiduité de certains responsables gouvernementaux auprès du Premier ministre. « Nous avons déjà eu ce problème en début d’année, et depuis la rentrée nous sommes à nouveau repartis sur de mauvaises bases », nous confie un membre du cabinet du président du Sénat. Irrité par la multiplication des plaintes de sénateurs, Gérard Larcher a donc fini par prendre sa plume. « Les sénateurs travaillent et s’attendent à avoir en face d’eux les membres du gouvernement en charge des dossiers », ajoute-t-on. De fait, l’absence de certains ministres lors des séances n’a pas manqué d’irriter plusieurs sénateurs au cours des dernières semaines, voire de donner lieu à quelques situations incongrues, comme a pu le constater Public Sénat.

« La ministre devait être ici ! »

Ce jeu de remplacements a commencé avant même l’ouverture de la session début octobre. Citons notamment la séance de questions au gouvernement du 29 septembre, en session extraordinaire, lorsque le sénateur PS Joël Bigot interpelle le gouvernement sur les conséquences sociales de la hausse des prix de l’énergie. La réponse lui est apportée par Bérangère Abba, secrétaire d’Etat chargée… de la Biodiversité, qui n’a pas manqué de faire valoir le bilan du dispositif MaPrimeRénov.

Il est indispensable d’intervenir pour réduire la hausse des prix du gaz et de l’électricité ! Ma question au Gouvernement sur les conséquences sociales de la hausse des prix de l’énergie. https://t.co/FIjVDO8ZFi via @YouTube

— Joël Bigot (@Joelbigot49) September 29, 2021
 

Deux semaines plus tard, c’est Nadia Hai, ministre déléguée à la Ville, qui représente le gouvernement pour l’examen de la proposition de loi sur le gel des matches de foot le 5 mai, date anniversaire du drame de Furiani. La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, est alors en déplacement avec Emmanuel Macron en Seine-Saint-Denis. « Elle devait être ici ! », a tempêté Max Brisson, le vice-président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Passe d’armes entre Marie-Pierre de la Gontrie et Éric Dupond-Moretti

Mais c’est le 18 octobre que l’absence d’un ministre a véritablement soulevé l’indignation de plusieurs élus. Ce jour-là, s’ouvre l’examen du projet de loi « Responsabilité pénale et sécurité intérieure ». Or, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, est au même moment à plus de 300 kilomètres du Palais du Luxembourg, à Poitiers, où il assiste avec le président de la République au lancement des États généraux de la justice.

« Que Monsieur, Éric Dupond-Moretti ait décidé de faire campagne avec Monsieur Macron, c’est son problème. Mais ça ne peut pas être au prix de la désertion du débat parlementaire », s’est agacé la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie. « Dans mon esprit cela se rajoute à d’autres faits qui tendent à ce que le Parlement, et particulièrement le Sénat, soient méprisés par le gouvernement », a également pointé Éliane Assassi, sénatrice communiste de Seine-Saint-Denis, déplorant ne pas avoir été informée à l’avance de l’absence du ministre, remplacé par Marc Fesneau, son collègue chargé des relations avec le Parlement. Celui-ci avait d’ailleurs demandé « la réserve » des articles concernant le portefeuille d’Éric Dupond-Moretti.

Présent le lendemain dans l’hémicycle, le garde des Sceaux s’est excusé pour son absence, mais n’a pas manqué d’adresser une réponse sarcastique à Marie-Pierre de la Gontrie, avec laquelle il n’en est pas à sa première passe d’armes. « Hier, Madame la sénatrice de la Gontrie, vous avez cru devoir dire que j’étais en campagne aux côtés du Président de la République, et vous il y a quelques jours, je vous ai vu aux côtés de Madame Hidalgo, vous étiez ceintes de vos écharpes tricolores, vous annonciez l’arrivée de la police municipale, je n’ai pas pensé une seconde que vous étiez en campagne, j’ai pensé que vous étiez là pour défendre votre territoire […] D’ailleurs, si vous aviez été en campagne à ses côtés, elle ne serait pas à 4 %. Tout ça ce sont des polémiques stériles ! », a-t-il ironisé.

Olivier Véran, trop absent ?

Le 28 octobre, durant l’examen en première lecture du projet de loi « Vigilance sanitaire », sur l’extension du régime de sortie de l’État d’urgence et la prolongation du passe sanitaire, le gouvernement était représenté par Brigitte Bourguignon, la ministre déléguée chargée de l’Autonomie. Et Marie-Pierre de la Gontrie de pointer de nouveau l’absence du principal intéressé : « J’apprécie Mme Bourguignon depuis longtemps, indépendamment de ses évolutions politiques […] Mais il est significatif que le ministre de la Santé ait choisi de ne pas être là. » Un peu plus tard au cours de la séance, François-Noël Buffet, le président de la commission des lois, a tenu à préciser que des « raisons familiales » retenaient Olivier Véran en Isère. Adrien Taquet, le secrétaire d’État de rassurer : « Nous représentons tous le Gouvernement. Nous formons une équipe soudée ». « Et polyvalente ! », a aussitôt ironisé le rapporteur LR Philippe Bas.

Un peu plus tard, Marie-Pierre de la Gontrie, encore et toujours, lève le voile sur les raisons de l’absence du ministre : « Je vois sur Twitter que M. Véran, dont on nous a dit qu’il était appelé pour une raison personnelle grave en Isère, était aujourd’hui en déplacement officiel à Blois pour communiquer sur le nombre de lits d’hôpitaux ».

Jeudi dernier, c’est encore Brigitte Bourguignon qui remplaçait Olivier Véran pour la seconde lecture de ce texte devant la Chambre Haute. Cette fois, le ministre de la Santé se trouvait deux kilomètres plus loin, à l'Assemblée nationale, où il était auditionné « sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus ».

Les absences d’Olivier Véran semblent concentrer les critiques dans les couloirs du Palais du Luxembourg. « J’ai reçu une invitation de sa part et de celle de Jacqueline Gourault [la ministre de la Cohésion des territoires, ndlr] pour un déjeuner vendredi autour du Ségur de la santé à Grenoble. En pleine discussion sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), j’ai trouvé la démarche déplacée », s’offusque auprès de Public Sénat le sénateur centriste Loïc Hervé, élu de Haute-Savoie. Il attend du ministre une plus grande assiduité sur le PLFSS  2022 – dont l’examen s’est ouvert lundi au Sénat - , que celle affichée durant les discussions sur les textes de sécurité sanitaire. « Le rôle d’un ministre, c’est d’être présent au banc. Nous sommes dans une année cruciale, la dernière du quinquennat, au sortir d’une période difficile. Il ne peut pas se faire représenter par des sous-ministres ! », avertit Loïc Hervé. De fait, Olivier Véran était présent durant les deux premiers jours d’examen du budget de la sécu par les sénateurs, annonçant même lundi une rallonge de 1,7 milliard d'euros pour l'assurance maladie en 2021.

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