Disparition d’Henri Weber : « Son bureau au Sénat était rempli de bouquins »

Disparition d’Henri Weber : « Son bureau au Sénat était rempli de bouquins »

Disparu des suites du Covid19, Henri Weber aura marqué une génération de socialistes, notamment au Sénat où il a siégé de 1995 à 2004. 
Public Sénat

Par Fabien Recker

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Martine Aubry, Olivier Faure, Anne Hidalgo… au lendemain de la disparition d’Henri Weber, les hommages sont nombreux à gauche pour saluer la mémoire de l’ancien militant trotskiste reconverti à la social-démocratie. Il en va de même au Sénat, où Henri Weber a siégé de 1995 à 2004 dans le groupe socialiste.

« J’étais trop jeune en Mai 68, mais quand on est militant à gauche, il était une personnalité dont on connaissait le parcours » reconnaît la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de la Gontrie, qui a côtoyé Henri Weber de longues années au Bureau national du PS. « Il avait un côté un peu goguenard, ironique, y compris sur lui même. C’est quelqu’un qui nous apportait quelque chose. Nous sommes tous très peinés pour ses proches. »

Ils sont nombreux à souligner les qualités morales de celui qui adhéra au Parti socialiste en 1986. « Bienveillance et gentillesse » résume Patrick Kanner, le patron du groupe PS au Sénat. « Il fait partie de mon imaginaire de socialiste. » « Un grand frère » pour David Assouline, élu sénateur de Paris en 2004, année où Henri Weber quitte le Palais du Luxembourg.

Spécialiste de l'histoire de la gauche

« Il était encore assez présent quand je suis arrivé au Sénat » se souvient David Assouline. « On parlait de lui ». Car Henri Weber faisait figure d’autorité intellectuelle à gauche. « Un puits d’érudition » selon David Assouline. 

« Son bureau au Sénat était une énorme bibliothèque » raconte Pierre-Louis Colin, assistant parlementaire du sénateur à la fin des années 90. « Le canapé était recouvert de bouquins. Il y avait des livres partout ! » L’universitaire brille par sa connaissance de l’histoire du socialisme, notamment au moment des débats sur les 35 heures.

« Henri voyait qui il voulait »

« Il est beaucoup intervenu sur les 35 heures. Il avait une analyse très fine de l’évolution de la doctrine socialiste sur le sujet »  se remémore Pierre-Louis Colin. « Il maîtrisait parfaitement l’histoire des débats de 1936 et de 1981 sur la réduction du temps de travail, connaissait par coeur tous les débats du congrès de Tours. » Une érudition qui laisse admiratif l’ancien assistant parlementaire. « Henri Weber était capable d’écrire à main levée un papier sur Karl Kautsky, un défenseur de la social-démocratie européenne dans les années vingt, sans ressortir un seul bouquin pour avoir les références ou les citations en tête ! »

À la chambre haute, le sénateur de la Seine-Maritime travaille sur la libéralisation du secteur de l’énergie ainsi que sur la réforme de l’audiovisuel. Siégeant à la commission de la culture, le mari de la productrice Fabienne Servan-Schreiber évolue dans différents univers. « Henri voyait qui il voulait. Comme sénateur, mais aussi comme autorité morale ou politique. Nous avions accès à tout, c’était assez extraordinaire  » se souvient Ariel Weil, maire du 4e arrondissement de Paris et un temps l’assistant d’Henri Weber au Sénat.

Pragmatisme

Henri Weber était d’abord un « pragmatique » insiste Ariel Weil. « Déjà pendant sa période militante, il s’intéressait à la gestion de la lutte, aux conditions du succès. C’est pourquoi il se situe résolument du côté de la gauche de gouvernement. »

Car si les années d’Henri Weber au Sénat correspondent à sa période social-démocrate et réformiste, cet enfant d’immigrés juifs polonais rescapés du stalinisme aura d’abord milité à l’extrême-gauche. Dans les années 60, « à l’ombre des combats antifascistes et anti-nazis, qui étaient alors plus proches dans le temps que ne l’est aujourd’hui Mai 68, Henri était un chef de guerre » rappelle son ancien compagnon de lutte Edwy Plenel.

« Monde d'après »

Pour le fondateur de Mediapart, « Henri Weber est quelqu’un qui derrière sa conversion assumée au parti de la réforme et son abandon résolu de tout messianisme révolutionnaire avait gardé une forme de nostalgie pour ce moment initial des révoltes, des engagements, des colères de jeunesse. » 

Ainsi l'ancien sénateur et député européen n’avait-il pas renoncé à penser l’avenir « de la gauche et de la France » souligne Marie-Pierre de la Gontrie. « Il écrivait des tribunes tous les mois, encore le 15 mars dernier (dans l’Obs, ndlr) et se projetait tout le temps dans le monde d’après. » Un « monde d'après » dont il est beaucoup question en ces temps d’épidémie. Henri Weber « aurait été utile pour construire l’avenir pour la gauche » souffle Patrick Kanner. « Il aurait été légitime. »  

 

Archive. Le 16 février 2019, Henri Weber, avait été l’un des invités de Jérôme Chapuis dans l’émission « Un monde en docs ». Un débat sur l’avenir du Parti socialiste à la suite de la diffusion du documentaire « l’Adieu à Solférino », réalisé par Grégoire Biseau et Cyril Leuthy. Un débat à voir ou à revoir ci-dessous

 

 

Parti socialiste, des lendemains qui déchantent - Un monde en docs (16/02/2019)
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