Agora de l’éducation : « La clef, c’est d’avoir un vrai débat sur le métier d’enseignant », soutient Éric Charbonnier

Agora de l’éducation : « La clef, c’est d’avoir un vrai débat sur le métier d’enseignant », soutient Éric Charbonnier

Lors de l’Agora sur l’éducation organisée au Sénat, mercredi 26 janvier, l’accent a été mis sur les inégalités persistances dans le système scolaire. Une caractéristique soulignée par les derniers classements internationaux. Si la volonté de renforcer les moyens dans l’élémentaire va dans le bon sens, il est urgent de repenser en profondeur le métier d’enseignant pour l’analyste de l’OCDE, Éric Charbonnier.
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Par Héléna Berkaoui

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« En France, nous sommes très durs à propos de notre système d’éducation », a tempéré d’entrée de jeu Éric Charbonnier lors d’une table ronde consacrée à l’éducation au Sénat. Analyste à la direction de l’OCDE, Éric Charbonnier était amené à s’exprimer sur les résultats de la France dans les derniers classements internationaux. Un exercice tenu dans le cadre de l’Agora de l’éducation organisée au Sénat autour d’un objectif : « Refonder l’école de demain ».

Une agora initiée par le président du Sénat, Gérard Larcher, et le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Laurent Lafon. Le sénateur l’a rappelé en préambule des discussions : « En France, en dépit d’une dépense nationale supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE, la performance du système scolaire tend à se dégrader en particulier pour les jeunes issus des milieux défavorisés ».

En effet, selon le dernier classement PISA de 2018, la France se place entre le 20e et le 26e rang des 79 pays présents aux enquêtes de l’OCDE. Sur les 36 pays de l’OCDE en 2018, la France se situe entre le 15e et le 21e rang (au même niveau que l’Allemagne).

« On observe une diminution de la part des bons élèves et une augmentation de la part des élèves en échec scolaire »

« Cette étude PISA nous informe que la performance moyenne des élèves est justement dans la moyenne des pays de l’OCDE, ce n’est pas aussi catastrophique quand on regarde cette vue d’ensemble », nuance Éric Charbonnier. En revanche, la France se démarque par un très fort niveau d’inégalités : « Depuis 20 ans, la France fait partie du groupe des pays les plus inégalitaires ». Pire, d’après l’analyste de l’OCDE « on observe une diminution de la part des bons élèves et une augmentation de la part des élèves en échec scolaire. Notre système scolaire est devenu plus dichotomique ».

Le constat n’est pas nouveau mais il est, ici, étayé. Éric Charbonnier souligne que ces inégalités engendrent des difficultés spécifiques. « La France est l’un des pays où le fait de sortir sans qualification, a le plus de conséquences sur l’employabilité des jeunes », insiste-t-il. En bon analyste, il livre des chiffres. Aujourd’hui, Un jeune des milieux défavorisés a cinq fois plus de chances d’être parmi les élèves peu performants et autant d’être dans les filières professionnelles. Des filières dans lesquelles on n’a trop peu investi et qui conduisent trop souvent à des difficultés dans la recherche d’un emploi.

La réforme du métier d’enseignant : la clef d’une réforme réussie

Note d’espoir, Éric Charbonnier estime que « la France a pris conscience qu’il fallait investir pour lutter contre les inégalités et investir au bon endroit ». Cela se traduit par un investissement plus ciblé dans les premiers niveaux d’éducation, dans l’élémentaire où tout se joue. L’analyste considère que : « La clef c’est d’avoir un vrai débat sur le métier d’enseignant ».

Une enquête menée par le CSA et commandée par le Sénat dans le cadre de cette Agora insiste sur ce même point. Seuls 25 % des enseignants sont satisfaits de la reconnaissance de leurs efforts et de leurs compétences. Seuls 22 %, de leur rémunération, y soulève-t-on (voir notre papier). La sénatrice centriste, Annick Billon, souligne aussi la crise que connaît cette profession et pointe la hausse des démissions « de l’ordre de 40 % en cinq ans dans le premier degré ».

Auteur d’un rapport sur l’enseignement des mathématiques, le député Cédric Villani rejoint l’analyste sur la question de la formation des professeurs. Il a observé que la formation des enseignants de l’élémentaire posait question dans la mesure où une majorité d’entre eux ont suivi une formation littéraire. Un sujet primordial au vu du constat qu’il qualifie lui-même de « calamiteux ». Pour Cédric Villani, le pays est « en dégringolade au niveau de ses performances à l’école primaire, au collège, au lycée sur la maîtrise des notions mathématiques ».

« Renoncer à apprendre la langue à nos élèves, c’est renoncer à leur apprendre à penser »

Le niveau des élèves français en mathématique inquiète tout autant que celui de la maîtrise de la langue française. Professeur agrégé de philosophie dans des lycées prioritaires de l’académie de Créteil, Jean Côme Chalamon en fait part. « J’ai l’impression qu’on a renoncé à apprendre le français à nos élèves », affirme le professeur. Cette « inégalité devant de la langue », il la constate face à ses élèves de terminales dont certains, assure-t-il, se plaignent de ne plus voir leurs fautes de français corrigées dans leurs copies. « Renoncer à apprendre la langue à nos élèves, c’est renoncer à leur apprendre à penser », insiste-t-il.

Pourtant, la France est le pays qui consacre le plus d’heures à la compréhension de l’écrit dans l’élémentaire, soulève l’analyste de l’OCDE. Preuve que la question de la réforme de l’éducation nationale sera hautement complexe et l’un des sujets majeurs de cette campagne présidentielle.

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