Entrepreneurs français de l’étranger : les « grands oubliés » du plan de relance

Entrepreneurs français de l’étranger : les « grands oubliés » du plan de relance

Dans le cadre de la mission menée par la sénatrice Jacky Deromedi sur les difficultés rencontrées par les petits entrepreneurs français à l’étranger, une table ronde s’est tenue devant la Délégation aux entreprises, ce 19 novembre.
Public Sénat

Par Elise Le Berre

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La majorité des représentants des entrepreneurs français établis à l’étranger ont mis en avant l’intérêt de mettre en place une garantie de l’État afin d’aider ces derniers, « grands oubliés » de la crise sanitaire selon Jacky Deromedi, sénatrice LR des Français établis hors de France, qui estime qu’ils contribuent pourtant, directement ou indirectement, au développement du commerce extérieur. L’idée d’un crédit relais rapide a retenu l’attention des intervenants.

 

« Nous n’avons plus une minute à perdre » pour aider les entrepreneurs français de l’étranger

En préambule, la sénatrice Jacky Deromedi a évoqué la situation « dramatique et urgente » des entreprises françaises de l’étranger, et a regretté le temps perdu, alors qu’aujourd’hui, de nombreux entrepreneurs ont déjà fait faillite. Elle a rappelé qu’à ce jour, aucune aide spécifique pour les autoentrepreneurs et les petits entrepreneurs établis à l’étranger n’avait été accordée à ceux qu’elle considère comme « les grands oubliés du plan de relance ». Les mesures de soutien exceptionnel annoncées le 31 mars dernier pour les entreprises exportatrices n’ont en effet pas vocation à bénéficier aux entrepreneurs établis en dehors du territoire français.

 

Le souhait d’une garantie de l’État pour ces entreprises qui promeuvent l’image de la France à l’étranger

 

Alain Bentéjac, président du comité national des Conseillers du commerce extérieur de la France, a commencé par exposer la situation des entrepreneurs français à l’étranger, et a rappelé à cet effet que l’influence et le rayonnement économique de la France étaient atteints. Une enquête, menée cet été auprès de son réseau, en grande partie en Asie et en Afrique, a révélé que de nombreuses PME et TPE anticipaient un recul de leur chiffre d’affaires en 2020, ce qui démontre un impact économique important. Il a souligné qu’elles étaient pourtant nombreuses à utiliser et promouvoir une marque française, et à embaucher des Français. Dans la plupart des cas, elles ne bénéficient ni d’aide locale, ni de chômage partiel, et ont donc besoin d’une trésorerie en ces temps de crise économique. Aussi a-t-il proposé, pour pallier ces problèmes de trésorerie, « un mécanisme de contre-garantie qui permettrait aux banques locales de financer les entreprises locales, mais avec une contre-garantie publique ». Il a estimé qu’il serait intéressant de faire intervenir Bpifrance, pour une couverture globale et une garantie rassurante pour les banques locales, qui reviendrait, selon lui, à une sorte de Prêt Garanti par l’État (PGE).

Alain-Pierre Mignon, PDG de PT. Fratekindo Jaya Gemilang, a rebondi sur le fait que ces sociétés vantaient effectivement des produits français, et présentaient une contribution majeure au commerce extérieur. À ce titre, les critères permettant de sélectionner les entreprises pouvant bénéficier de ces soutiens pourraient par exemple résider dans l’achat de produits en France, l’emploi de Français, ou encore la promotion de marques françaises.

Selon lui, une solution pertinente pourrait d’ailleurs consister à créer un comité d’évaluation dans chaque pays, afin de valider les dossiers selon ces critères établis ; par la suite, un budget du gouvernement pourrait ainsi garantir des prêts nécessaires pour traverser cette pandémie et redémarrer l’activité.

Renaud Bentégeat, président de CCI France International, a surenchéri : « On ne peut pas, nous, nous substituer aux pouvoirs publics pour les garanties ». « On a besoin du soutien de Bpi, dont c’est quand même le métier ». « On ne parle pas de sommes qui sont importantes », a-t-il précisé, « souvent 20 000 euros ». « On ne parle pas de quelque chose qui va remettre en cause le budget de l’État ».

Il a également insisté sur l’idée de mettre en place l’aide au VIE (Volontariat International en Entreprise) pour les entreprises françaises de l’étranger. Mais pour Marc Villard, PDG de l’entreprise Thuy Duong, « 25 000 euros pour un VIE, c’est hors de prix pour un pays comme le Vietnam […] aucune PME ne pourra se le payer ».

 

« Tous les entrepreneurs français de l’étranger ne pourront pas bénéficier de ces aides »

 

« Il faut se garder de tous ces effets d’annonces » pour ne pas « susciter des attentes qui seront forcément déçues », a précisé Marc Villard : « On ne pourra pas aider tous les entrepreneurs français à l’étranger » : seules les entreprises qui ont des courants d’affaires réguliers avec la France pourront être aidées.

Il a regretté la réponse du gouvernement concernant de possibles aides à ces entreprises de droit local créées à l’étranger par des Français, qu’il a résumé comme étant la suivante : « Pas d’impôts, pas d’aides ».

Enfin, il ne croit pas, du moins pour les pays hors Europe et hors Afrique, à la mise en place de garanties bancaires sur des banques locales, qu’il qualifie « d’usines à gaz » qui vont « mettre un temps fou à se mettre en place ». Il propose plutôt, pour ces entreprises qui contribuent au développement du commerce extérieur, de « prendre le problème à l’envers », et « puisqu’on ne peut pas aider les entreprises importatrices à l’étranger », il faut, dans ce cas, « aider les entreprises exportatrices à leur vendre plus facilement des produits ». La Bpifrance, par exemple, pourrait mettre en place en France des crédits relais auprès des entreprises exportatrices, de façon à ce quelles puissent passer des « 60 jours qu’elles accordent avec parcimonie aujourd’hui » à « 180 jours voire plus » pour aider les entrepreneurs qui présentent des difficultés de trésorerie à redémarrer. Le dispositif existe, reconnaît-il, mais s’applique difficilement. « Il faut réadapter les outils à la taille des besoins des entreprises, et des entreprises dans l’urgence ». C’est cette idée de « crédit export » qui a largement été saluée, notamment par Serge Babary, président de la Délégation aux entreprises, qui a remarqué qu’elle permettait de contourner « les remarques négatives administratives qui nous sont données régulièrement ».

Fabien Gay, sénateur communiste de la Seine-Saint-Denis, tout en adhérant également à cette proposition de crédit relais rapide, a tenu à réfuter la petite phrase du « pas d’impôts, pas d’aides » : « Pourquoi on active le chômage partiel ? Parce que c’est un droit ouvert par des cotisations ». De même pour le fonds de solidarité. « C’est, à mon avis, une situation extrêmement complexe », concède le sénateur.

« Aujourd’hui ces entrepreneurs ne bénéficient d’aucune aide, et nous ne demanderons pas qu’ils bénéficient des mêmes aides que les entrepreneurs français de France, que sont par exemple le report des charges sociales, le chômage partiel et tous ces mécanismes-là qui sont effectivement très liés aux contributions que chaque entreprise fait ». « Ce que nous demandons seulement ce sont des garanties », a précisé Alain Bentéjac, reconnaissant la différence de traitement entre les entrepreneurs français établis en France et les entrepreneurs français établis à l’étranger

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