Environnement dans la Constitution : le Sénat veut revenir à une rédaction aux effets juridiques « mieux maîtrisés »

Environnement dans la Constitution : le Sénat veut revenir à une rédaction aux effets juridiques « mieux maîtrisés »

Le projet de révision constitutionnelle, qui consacrerait la préservation de l’environnement à l’article 1 de la Constitution, sera débattu une seconde fois au Sénat lundi 5 juillet. Le président LR de la commission des lois veut revenir à la version du Sénat adoptée en mai.
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Le projet de loi constitutionnelle qui prévoit d’inscrire la préservation de l’environnement à l’article 1 de la Constitution fait son retour au Sénat pour une seconde lecture. Dans ce bras de fer juridique, la chambre haute continue de pointer la fragilité de la rédaction issue des débats à l’Assemblée nationale. En commission des lois le 30 juin dernier, les sénateurs s’étaient penchés sur l’article unique de la proposition de loi constitutionnelle. Lorsqu’il s’agit de révision constitutionnelle, le Sénat dispose d’un réel véto : tant que le texte n’est pas adopté dans les mêmes termes dans les deux chambres, il ne peut pas être soumis à l’approbation du Parlement réuni en Congrès ou faire l’objet d’un référendum.

Le 22 juin, à un mot près, les députés étaient revenus en seconde lecture à leur première version et à celle du gouvernement. Il est écrit que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique ». Une légère évolution sémantique : initialement, l’Assemblée nationale avait adopté sans modification le texte du gouvernement, en inscrivant que la France « lutte contre le dérèglement climatique ».

Des effets juridiques « indéterminés » dans la version de l’Assemblée nationale, selon François-Noël Buffet

Les griefs soulevés par le Sénat en première lecture sont toujours là. Le mot « garantit » pose problème et constitue, selon les sénateurs, une « zone d’ombre ». Les effets juridiques de la rédaction des députés « restent tout aussi indéterminés, qu’il s’agisse des conditions d’engagement de la responsabilité des personnes publiques ou de la validité de leurs actes », considère le président LR de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet.

En séance publique, le 5 juillet, la majorité sénatoriale de droite et du centre devrait suivre la rédaction du président François-Noël Buffet, déposée au nom de la commission des lois. Sa version est la suivante : la France « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ». Certains mots diffèrent de la première copie sénatoriale, où il était écrit que la France « préserve l’environnement » et non « agit pour la préservation de l’environnement ». Le sénateur du Rhône estime que l’article ainsi amendé aura une portée juridique « mieux maîtrisée ». Le président du groupe LR, Bruno Retailleau, a déposé un amendement similaire.

L’article du Sénat ne produirait pas d’effets juridiques nouveaux selon leurs auteurs, mais aurait « le double mérite » de « réaffirmer l’attachement du peuple français à la préservation de l’environnement et d’y inclure expressément la lutte contre le dérèglement climatique, que la Charte ne mentionne pas ».

Quand le Conseil d’Etat pointait une « quasi-obligation de résultat »

En mai, le président de la commission avait déjà développé ses craintes sur les effets de la rédaction des députés. Le verbe « garantir » ferait peser sur les pouvoirs publics une « quasi-obligation de résultat », comme l’avait souligné le Conseil d’Etat. Cette notion n’a d’ailleurs « aucun contenu défini en droit », indiquait François-Noël Buffet. Autre effet induit par les mots choisis à l’Assemblée nationale, selon le sénateur : l’article « attribuerait une forme de priorité à la préservation de l’environnement sur les autres principes constitutionnels, avec lesquels elle doit aujourd’hui être conciliée ».

Dans son premier rapport, François-Noël Buffet avait expliqué que le verbe « garantir » aurait des conséquences juridiques importantes. « L’usage du verbe « garantir » (à la différence du verbe « lutter ») pourrait conduire à imposer aux pouvoirs publics, non pas seulement une obligation constitutionnelle « plus forte » que celle qui résulterait d’un simple verbe d’action (« agir pour la préservation », « favoriser la préservation », voire « préserver ») à l’indicatif présent, mais une obligation devant être honorée avant toute autre. »

Dans un tout autre registre, quatre sénateurs centristes ont souhaité profiter de cette révision constitutionnelle pour reconnaître dans la Constitution l’enseignement intensif des langues régionales. Cette proposition est une réponse directe à la censure au mois de mai par le Conseil constitutionnel de la loi Molac sur l’enseignement immersif en langue régionale dans les écoles publiques et privées sous contrat. Cet exemple de cavalier législatif – une disposition sans rapport avec l’objet du texte en discussion – a peu de chances de passer.

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