Évaluation des risques sanitaires : les pistes du Parlement pour «reconquérir la confiance»

Évaluation des risques sanitaires : les pistes du Parlement pour «reconquérir la confiance»

L’office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques a rendu ses conclusions attendues sur l’évaluation des risques sanitaires menées par les agences françaises et européennes. Il dresse une série de 13 recommandations pour que ces études, parfois contestées, retrouvent l’approbation du grand public.
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Hier, le traumatisme de l’amiante, puis celui du chlordécone. Aujourd’hui, le débat agité autour du glyphosate, loin d’être apaisé et refermé. L’histoire des substances chimiques est jalonnée de scandales ou d’interrogations, d’alertes prises en compte trop tard qui n’ont fait que renforcer l’inquiétude de la part de la part de la population.

S’inquiétant d’un « contexte de défiance » générale, l’office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) a travaillé durant un an et demi sur les travaux des agences chargées d’évaluer les risques sanitaires et environnementaux des nouvelles molécules mises sur le marché. C’est au moment du débat sur le renouvellement, à l’échelle européenne, de l’autorisation du glyphosate, l’herbicide le plus vendu au monde, que deux commissions de l’Assemblée nationale ont saisi l’office parlementaire. Avec le souci d’éclairer le législateur sur le fonctionnement des agences d’évaluation (françaises et européennes), dont les avis et les compilations d’études nourrissent la décision publique.

Le cas du glyphosate clarifié par le rapport

Le cas du glyphosate est emblématique. L’absence de consensus autour de sa classification alimente la confusion. Pour des agences comme l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) ou l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), la substance n’est pas considérée comme cancérigène. Quand le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), placé sous l’égide de l’Organisation mondiale de la Santé, le classe comme un agent « cancérigène probable ».

Le rapport, rédigé par deux députés et deux sénateurs, donne quelques éléments de clarification. Les études de l’EFSA et du CIRC n’ont pas travaillé sur les mêmes données de base, et la première n’a étudié que la seule substance active. Le rapport souligne par ailleurs que certaines études universitaires ne sont pas prises en compte par les agences, car celles-ci ne répondent pas aux cahiers des charges, très précis et encadrés au niveau international. Les méthodes de travail ont tendance à s’homogénéiser, soulignent les parlementaires, mais plusieurs pistes d’amélioration ont été proposées.

Quatre jours avant la présentation du rapport, la polémique, née des propos du sénateur centriste Pierre Médevielle, selon qui la cancérogénicité du glyphosate n’est prouvée « formellement » par « aucune étude », illustre à quel point le sujet déchaîne les passions. « Il suffit de voir l’émotion de ces derniers jours », commente Cédric Villani, le député LREM, premier vice-président de l’OPECST. Le contexte y a d’ailleurs participé : l’activité de lobbying du géant de la chimie Bayer-Monsanto épinglé dans un reportage la semaine dernière, et l’amende record (deux milliards de dollars) prononcé par la justice américaine à l’encontre du fabricant du Roundup, accusé d’avoir provoqué le cancer d’un couple, n’ont pas aidé à apaiser les esprits.

Cette sortie dans la presse du sénateur centriste, l’un des quatre co-rapporteurs à l’origine du travail de l’OPECST, a même semé le trouble sur le contenu réel du rapport, qui ne formule aucune conclusion scientifique. Le sénateur LR Gérard Longuet, président de l’office, a fait part de son « regret personnel » dans la présentation tardive du résultat de leurs travaux, fruit de 35 auditions. Et dont les conclusions ont été adoptées à l’unanimité des membres.

Évaluation des risques sanitaires : « Il faut que l’opinion bénéficie d’une information mûrie et réfléchie » (Longuet)
02:00

Évaluation des risques sanitaires : « Il faut que l’opinion bénéficie d’une information mûrie et réfléchie », résume Gérard Longuet (propos recueillis par Quentin Calmet)

Un besoin de transparence

Pour perfectionner la situation des agences d’évaluations, et faire en sorte que leurs conclusions ne souffrent d’aucune remise en cause, l’OPECST dresse une série de recommandations, et pousse notamment pour une plus grande transparence de leurs travaux. « Il y a une dépendance des agences vis-à-vis des données des firmes », insiste par exemple le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, qui plaide pour « un plus grand accès aux données ». L’office parlementaire propose ainsi de mettre à la disposition du grand public « l’intégralité des données » qui sont soumises aux agences d’évaluation, afin de permettre des « contre-expertises ». Le tout, dans des documents « plus accessibles » et « plus compréhensibles », insiste le député Philippe Bolo (Modem). Autre piste mise en avant dans cette quête de la transparence : renforcer le contrôle des liens d’intérêt, afin d’éviter tout conflit.

Les rapporteurs recommandent également de muscler les capacités des agences d’évaluation. Celles-ci devraient avoir, selon eux, le pouvoir de déclencher elles-mêmes des études pour améliorer la connaissance des dangers et des expositions aux risques. Le quatuor de parlementaires suggère de renforcer la coopération, prélude à une plus grande harmonisation des pratiques. L’idée d’un système de base de données commune est mise sur la table, de même que la création d’un fonds de recherche interagences.

Les conclusions des députés et des sénateurs ciblent aussi les effets des perturbateurs endocriniens. Ces derniers doivent, à l’avenir, être « mieux identifiés », et « quantifiés précisément ». L’effet « cocktail » des substances, auxquels l’homme est en contact, doit aussi être pris en compte, insiste les rapporteurs.

Pour que les experts rejoignent les agences d’évaluation, les places doivent gagner en attractivité, insiste encore le rapport. « Dans le parcours des scientifiques, l’expertise est peu valorisée », alerte le sénateur Pierre Médevielle.

Les parlementaires n’excluent pas de porter à l’avenir ces propositions à travers une proposition de loi, ou à défaut, d’interpeller le gouvernement sur leurs 13 recommandations.

 

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