Financement de la dépendance : « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de solution magique », admet Brigitte Bourguignon

Financement de la dépendance : « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de solution magique », admet Brigitte Bourguignon

Dans le cadre des travaux sur le budget 2021 de la Sécurité sociale, la ministre chargée de l’Autonomie était entendue ce 27 octobre par la commission des affaires sociales du Sénat sur la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. La question du financement de cette nouvelle branche de la Sécurité sociale a dominé l’audition.
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Le rendez-vous est annoncé depuis l’été. Le Sénat attend le gouvernement au tournant sur la nouvelle cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à la prise en charge de la perte d’autonomie (grand âge et handicap). En juillet, en actant la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale (relire notre article), une première depuis 1945, les sénateurs redoutaient une « coquille vide » du point de vue des financements.

C’est en toute logique sur le volet financier que la commission des affaires sociales a ciblé ses questions, en entendant la ministre chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, ce 27 octobre, en prélude à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Créée par la loi relative à la dette sociale et à la prise en charge de la perte d’autonomie, la cinquième branche se matérialise donc dans ce PLFSS, que les députés ont adopté ce mardi et que les sénateurs s’apprêtent à examiner.

« Un projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui fera date », selon la ministre

Présidente de la commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale jusqu’en juillet, Brigitte Bourguignon a insisté sur l’importance de cette « étape historique » que constituait la cinquième branche, après des années de débats sur ce choix. « C’est un PLFSS fondateur et qui fera date sur le champ de l’autonomie », a-t-elle expliqué, soulignant que les conséquences de ce choix se feraient « sentir sur le long terme ».

La branche ne part pas de zéro. Elle s’appuie largement sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et de 28 milliards d’euros d’une partie des revenus tirés de la CSG. Elle percevra une fraction nouvelle de cette dernière (l’affectation a été avancée de 2024 à 2021), pour un montant de 2,5 milliards d’euros, ce qui laisse sceptique nombre de sénateurs. « La branche est très loin d’être une coquille vide, sauf à considérer que 2,5 milliards d’interventions nouvelles au bénéficice de l’autonomie ne sont rien du tout », a défendu la ministre. 2,1 milliards d’euros d’investissements sont aussi prévus sur cinq ans à destination du secteur médico-social, ce qui permettra de rénover jusqu’à un quart de l’offre nationale, selon la ministre.

« On ne peut pas faire l’autruche », insiste la sénatrice centriste Jocelyne Guidez

Le projet de loi de financement prévoit également une enveloppe de 200 millions d’euros pour soutenir les départements dans la revalorisation des salaires des aides à domicile, notamment les plus bas salaires. Cet ajout par voie d’amendements lors de la discussion à l’Assemblée nationale avait été précédé par une intense mobilisation du secteur, qui s’estimait oublié par les accords du Ségur. Lors de l’audition du ministre de la Santé Olivier Véran, le 7 octobre dernier, de nombreux sénateurs s’étaient d’ailleurs indignés de leur sort.

A peine née, la branche préoccupe toujours autant au Sénat. « Elle devrait enregistrer des déficits en 2022 et 2023. Comment le justifier », a interpellé le sénateur LR Philippe Mouiller, devenu rapporteur dans le débat sénatorial de ce chapitre du PLFSS. Pour la sénatrice (Union centriste) Jocelyne Guidez, en pointe sur les questions de dépendance et des proches-aidants, « on ne peut pas faire l’autruche » sur les enjeux financiers. La ministre a indiqué que l’affectation d’une partie du produit de la CSG n’était qu’une « première étape ». « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de solution magique », a reconnu Brigitte Bourguignon.

« Le gouvernement ne veut pas opérer de prélèvements supplémentaires, dont acte », rappelle la ministre

Si le gouvernement peut s’appuyer sur le rapport de Laurent Vachey, (ancien président de la CNSA) pour explorer des pistes de recettes ou d’économies, il sera également fortement limité dans ses marges d’action. Le débat qui s’annonce sera « complexe », a admis la ministre. Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances, répète régulièrement qu’il n’y aura aucune hausse de la fiscalité. « Dont acte », a commenté Brigitte Bourguignon. La ministre s’est même demandée si le moment n’était « peut-être » pas venu de réfléchir à la protection sociale dans son ensemble, en regardant « dans chacune des branches ». L’idée est jetée en l’air dans une audition où les minutes sont comptées. « Je n’irai pas plus loin », s’est-elle arrêtée.

Face à une commission vigilante sur les jeux de vases communicants entre les différentes branches de la Sécurité sociale, les opérations budgétaires sont scrutées à la loupe. « Affecter une fraction de CSG sans augmenter la CSG, c’est autant en moins pour la branche maladie, c’est mathématique », a soulevé la sénateur LR Corinne Imbert, rapporteure de cette branche. L’opération ne s’est pas faite au détriment de l’Assurance maladie, a rassuré la ministre. « Le transfert correspond au financement des établissements et des services médico-sociaux qui étaient jusque là financés par la branche maladie. »

Le débat en séance sera « très animé », prévient la présidente de commission

Dans ses interventions, Brigitte Bourguignon a souligné que le PLFSS actuellement débattu au Parlement ne signait pas la fin des travaux sur cette branche, aussi bien sur son périmètre que sur son financement. « C’est une étape. Nombre de sujets trouveront leur place dans le projet de loi grand âge et autonomie. La branche, ce sont les fondations. Il nous faut construire la maison », a prévenu la ministre, en référence au futur texte attendu en 2021. La socialiste Michelle Meunier a par exemple soulevé la question d’une prestation de solidarité unique. D’après la ministre, la question du financement de la branche devrait « atterrir » en parallèle de celui de cet autre projet de loi.

Brigitte Bourguignon a défendu quatre promesses induites par cette cinquième branche : la qualité et le renforcement de l’offre d’accompagnement, la transversalité des politiques d’autonomie, une promesse de démocratie avec un débat parlementaire à chaque examen de PLFSS, une « universalité » synonyme selon elle d’une « équité territoriale renforcée ». A plusieurs reprises, Brigitte Bourguignon a insisté sur l’importance d’une co-construction avec les départements, parties prenantes dans ces politiques. « La politique sera éminemment territoriale. »

La ministre et les sénateurs se retrouveront lors des débats en séance publique sur ce projet de loi, début novembre. « On en attend beaucoup sur tous les bancs. On compte sur vous pour apporter tous les apaisements nécessaires », a demandé le rapporteur général de la commission, le sénateur MoDem Jean-Marie Vanlerenberghe. Non sans dissimuler un petit rire, la présidente de la commission des Affaires sociales, Catherine Deroche (LR), a prévenu Brigitte Bourguignon que le débat risquerait d’être « très animé ». Avant de conclure l’audition : « sans vouloir vous effrayer ».

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