Gérard Larcher et une délégation de sénateurs en Ukraine : « Une visite qui va au-delà du symbole »

Gérard Larcher et une délégation de sénateurs en Ukraine : « Une visite qui va au-delà du symbole »

Accompagné de quelques sénateurs, Gérard Larcher s’est rendu en Ukraine pour une visite de trois jours. Premier président d’un Parlement national de l’Union européen à s’exprimer à la Rada, le parlement ukrainien, le président du Sénat a plaidé pour la poursuite des livraisons d’armes occidentales, pour que l’Ukraine puisse « combattre à armes égales avec son agresseur. »
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Par Louis Dubar

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Début juin, le président de la Rada, Rouslan Stefantchouk, était reçu au Sénat français par son homologue français. A cette occasion, le président Gérard Larcher s’était engagé à effectuer un déplacement en Ukraine. Visite qui a eu lieu en fin de semaine dernière, Gérard Larcher était accompagné d’une délégation sénatoriale resserrée.

« C’est une visite qui va au-delà du symbole », raconte le sénateur Patrick Kanner, membre de la délégation. « Le soutien sur place d’autorités politiques d’Etats étrangers, c’est la reconnaissance de la juste cause des Ukrainiens », souligne le parlementaire. La délégation s’est rendue dans les villes martyres d’Irpin, de Borodyanka et de Boutcha, situées à proximité de la capitale, Kiev. Dans ces régions ravagées par l’occupation russe, la vie reprend doucement son cours. Pour Patrick Kanner, « cette visite a été l’occasion d’observer la mobilisation mise en place à la suite de ces drames, la résilience des habitants et de connaître les attentes de ces villes dévastées », en termes d’infrastructures, de logements et d’équipements.

Allocution à la Rada, « c’est un discours qui restera marqué dans ma mémoire », selon Gérard Larcher

Reçu à la Rada, le parlement national, c’est devant un parterre de parlementaires ukrainiens, dont certains arboraient des drapeaux français et des drapeaux ukrainiens que le président du Sénat, Gérard Larcher a prononcé, le 9 juillet, un discours placé en grande partie sous le signe de l’intégration européenne, « un discours puissant » selon le président du groupe socialiste au Sénat. L’Ukraine est reconnue officiellement candidate à l’adhésion à l’Union européenne depuis le 24 juin. Le président du Sénat a salué une décision qu’il juge « historique », arrimant selon lui l’Ukraine à la famille européenne. « Ce drapeau, que nous partageons aujourd’hui, nous unit de Paris à Kiev et de Kiev à Bruxelles », a indiqué le président de la Haute assemblée, faisant ainsi directement référence à la bannière européenne déployée dans l’hémicycle. Longuement applaudi à la fin de son allocution, Gérard Larcher reconnaît que « c’est un discours qui restera marqué dans ma mémoire, d’abord parce que j’ai été le premier président d’un parlement national de l’Union européenne à m’exprimer devant la Rada. »

Cet élargissement de l’UE vers l’Est ne sera pas pour tout de suite, a reconnu Gérard Larcher. « On vous a dit que le chemin vers l’intégration […] sera long. Je sais que vous êtes pleinement conscients des difficultés qui vont surgir, mais cela ne change rien à l’ampleur de la décision », prévient-il. Cette visite de la délégation est l’occasion pour le Sénat français d’acter une coopération parlementaire avec la Rada, « pour faire vivre ce statut de candidat. » Une déclaration de partenariat a été signée par le président Larcher, avec son homologue ukrainien, Rouslan Stefantchouk. « Les équipes du Sénat travailleront avec nos amis de la Rada pour faire en sorte que cette déclaration prenne vie », affirme Gérard Larcher. En 2015, le Sénat avait travaillé avec les parlementaires ukrainiens, à l’élaboration d’une réforme constitutionnelle permettant la mise en place d’un système décentralisé. « On a vu que ce texte s’est révélé majeur », affirme le président du Sénat. « Le ministre des collectivités territoriales nous a dit : ‘c’est sans doute notre plus belle réussite depuis dix ans.’ »

Rencontre avec Volodymyr Zelensky

Alors que la bataille du Donbass fait rage à l’Est, le président Zelensky a réitéré les besoins en armement de son armée, auprès de la délégation sénatoriale au cours d’un entretien organisé au palais présidentiel. « Volodymyr Zelensky nous a adressé le message suivant : ‘Aidez-nous à bouter les Russes hors de notre territoire national.’ », a indiqué le sénateur, Patrick Kanner. « Les Ukrainiens estiment qu’ils sont capables de battre les Russes, s’ils en ont les moyens », précise-t-il. Pour opérer ce rééquilibrage des forces, il faut fournir des armes, des équipements et du matériel à Kiev, « nous avons été, et continuerons d’être, avec vous et nous continuerons de vous aider aussi longtemps qu’il le faudra à long terme à tous les niveaux, y compris sur le plan militaire », avait précisé le président du Sénat, Gérard Larcher au cours de son allocution. « J’ai beaucoup insisté sur ce concept de combattre à armes égales. Kiev doit être en mesure de se défendre sur un pied d’égalité dans sa confrontation avec l’agresseur. » Le président du Sénat a pris note de ces sollicitations et s’engage « à transmettre ces demandes au Président de la République. »

Préparer l’après-guerre

« Deuxième message adressé à la délégation », celui de la future reconstruction du pays, ce sujet a été abordé au cours des échanges entre la délégation sénatoriale et le président Zelensky. « Les premières étapes d’un plan pour redresser économiquement l’Ukraine ont été délimitées », prévient Patrick Kanner. Les pays occidentaux et européens seraient en charge des différentes initiatives organisées à l’échelon local. « Chaque Etat parrainerait une région » au cours de ce processus économique et financier. La France concentrerait ses efforts sur le Tchernihiv, une région située au Nord-Est de la capitale, près de la frontière Bélarusse. Ce territoire deviendrait l’équivalent d’un « ‘sous-protectorat économique’. » Pour le sénateur socialiste, l’idée est intéressante : « ce mécanisme de partage entre pays alliés est une bonne idée, un moyen de coordonner les efforts entre les différents secteurs en impliquant les entreprises et les Etats. » La guerre a, depuis le 24 février, ébranlé l’économie nationale, « les infrastructures routières et aéroportuaires. » Le Président Zelensky a estimé « le coût de cette reconstruction à plus de 700 milliards d’euros. »

Autre sujet « remis entre les mains des sénateurs » celui de la crise alimentaire, le blocage des céréales est, selon les Ukrainiens, un outil de déstabilisation utilisé par les Russes. Le président du groupe socialiste évoque le terme de guerre hybride, « les Ukrainiens sont en première ligne mais derrière, il y a une volonté de la part de Moscou de créer une crise alimentaire qui deviendra, à terme, une crise migratoire à l’échelle internationale. » « L’Ukraine veut exporter ses céréales. Elle connaît ses responsabilités vis-à-vis du monde et des pays d’Afrique et du Moyen-Orient. C’est un sujet sur lequel nous devons progresser pour éviter une très grave crise alimentaire », souligne le président de la Haute Assemblée.

Le dernier message, « beaucoup plus diplomatique », concerne un projet toujours à l’état d’ébauche. L’Ukraine souhaiterait se doter d’alliés « au sens juridique. » « Pour le moment, Kiev est en dehors des réseaux d’alliances comme l’Otan ou l’UE », précise Patrick Kanner. Kiev souhaiterait bâtir « un accord de réciprocité, « protégeant l’intégrité territoriale de l’Ukraine, en attendant une intégration prochaine à l’Union européenne », explique le sénateur du Patrick Kanner.

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