Gilets jaunes : le Sénat demande au gouvernement de reprendre sa loi  «anticasseurs»

Gilets jaunes : le Sénat demande au gouvernement de reprendre sa loi «anticasseurs»

Après les violences qui ont émaillé l’acte VIII de la mobilisation des gilets jaunes, Édouard Philippe s’apprête « à durcir le dispositif d'ordre public ». Au Sénat, on rappelle qu’une proposition loi visant « à casser les casseurs » a été adoptée le 23 octobre. Le gouvernement n'avait pas donné, ce jour-là, un avis favorable.
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Après un nouveau week-end de violences lors de l’acte VIII de la mobilisation des gilets jaunes, l’exécutif cherche une réponse sécuritaire. Elle sera apportée par Édouard Philippe ce soir au 20H de TF1 où le Premier ministre fera des annonces destinées « à durcir le dispositif d'ordre public ». En fin d'après-midi, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner annonce, lui, une future loi d'orientation et de programmation pour la sécurité. Quelles nouvelles mesures pourraient alors voir le jour ?

Une première proposition est venue, ce lundi, par la voix du patron du parti majoritaire, Stanislas Guerini. « Il faut solliciter tout l'arsenal de solutions, y compris sécuritaires. Nous pouvons avoir un fichier pour repérer les casseurs (...) et les interdire de manifester » lance-t-il sur CNEWS, reprenant ainsi une demande du syndicat de policiers, Alliance.

Un texte déjà adopté du côté du Sénat

Le délégué général de la République en marche reprend surtout, sans la citer, une disposition de la proposition de loi du Sénat, portée par le président du groupe LR, Bruno Retailleau et adoptée le 23 octobre dernier (voir notre article). Le texte, qui avait été déposé le 14 juin 2018 « vise à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs » avait été adopté à main levée, avec les voix LR, centristes, et Indépendants. PS, CRCE (à majorité communiste) et LREM avaient voté contre. Le gouvernement n'avait lui pas donné un avis favorable. « Il faut casser les casseurs » martelait encore Bruno Retailleau, au micro de Public Sénat, le 3 décembre dernier.

Un an de prison et de 15 000 euros d’amende pour les manifestants cagoulés

Parmi les huit articles de la proposition de loi, on trouve la création d’un périmètre à l’entrée des manifestations où les policiers, par arrêté préfectoral, pourront procéder à des fouilles. À l’image de « l’obligation de pointage » dans un commissariat ou une gendarmerie imposée aux hooligans (supporters de football ultra-violents), les sénateurs souhaitent donner au préfet le pouvoir d’interdire à une personne de manifester si elle représente une menace pour l’ordre public. Une sanction qui pourrait être accompagnée de cette « obligation de pointage » auprès d’un représentant de l’autorité publique. Ces personnes seraient recensées dans un fichier national rassemblant l’ensemble des mesures d’interdiction de manifester, qu’elles soient prononcées dans un cadre judiciaire ou administratif. Actuellement, seul le pouvoir judiciaire, après une condamnation peut prononcer des interdictions individuelles de manifester. Le texte durcit également le fait de dissimuler son visage dans une manifestation. Il devient un délit, passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Un manifestant cagoulé ne peut écoper pour le moment que d’une contravention et de 1 500 euros d’amende. Enfin, selon le principe de « qui casse paye », le Sénat veut réformer le régime de la responsabilité civile applicable en cas de dommages causés dans le cadre d’une manifestation. Il prévoit notamment la possibilité pour l’État de se retourner contre les auteurs des dommages.

« Que font les services du ministère de l’Intérieur ? »

Lors de l’examen de la proposition de loi, Laurent Nuñez, qui faisait ses premiers pas au Parlement, avait salué le travail des élus. Toutefois, le secrétaire d’État à l’Intérieur avait considéré qu’il nécessitait « encore un travail d’examen complémentaire et de réécriture pour qu’il soit pleinement opérationnel ». « Que font les services du ministère de l’Intérieur ? » s’interroge la rapporteure LR du texte, Catherine Troendlé. « Laurent Nunez a d’abord expliqué que nos propositions seraient examinées par un groupe de travail à l’Assemblée nationale. Il s’agit en fait d’un groupe de travail interne au ministère. Pourquoi mettent-ils autant de temps à rendre leurs conclusions ? ».  La sénatrice rappelle tout  le travail de la commission des lois destinée à « bien border le texte au regard du droit constitutionnel », en particulier ce qui concerne la liberté de manifester. « Mais pour préserver la liberté de manifester, il faut que d’autres personnes soient privées de leur liberté d’aller et venir lorsqu’elles constituent une menace pour la sécurité d’une mobilisation » juge-t-elle.

« Le gouvernement refuse par principe de reprendre une contribution législative en provenance du Sénat à majorité de droite »

Alors que le Premier ministre Édouard Philippe se prépare à annoncer, ce soir, de nouvelles mesures d’ordre public, Laurent Nunez est lui resté dans le flou, ce week-end, sur la possibilité d’une modification législative indiquant simplement « qu’un certain nombre de réflexions sont en cours ». Selon Le Figaro, le groupe de travail du ministère de l’Intérieur devrait rendre ses conclusions le 15 janvier. Mais pour l’instant, la proposition de loi du Sénat n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. « Le gouvernement refuse par principe de reprendre une contribution législative en provenance du Sénat à majorité de droite. On voit, avec la crise des gilets jaunes, que la démocratie parlementaire est pointée du doigt. Mais par cette attitude, l’exécutif en est en partie responsable » s’agace le sénateur LR, François Grosdidier.

« C’est aussi une façon de botter en touche car la réponse à apporter à la crise des gilets jaunes est politique »

Pour le sénateur socialiste, Jérôme Durain, « c’est sans angélisme que la tentation sécuritaire doit être rejetée ». « Je ne pense pas qu’un fichier national recensant les casseurs soit adapté. C’est un dispositif complexe, extrêmement lourd et qui n’est pas exempt de risques juridiques. C’est aussi une façon de botter en touche car la réponse à apporter à la crise des gilets jaunes est politique. Elle concerne les grands équilibres économiques et sociaux mais aussi un nouveau mode d’exercice du pouvoir ».

Le Premier ministre reprendra-t-il une ou plusieurs dispositions du texte sénatorial ? « Édouard Philippe est un homme intelligent, j’ai la faiblesse de croire qu’il tiendra compte des travaux de notre assemblée » prédit Catherine Troendlé.

 

 

 

 

 

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