Grand âge : « la crise sanitaire a montré l’urgence d’une réforme » juge Brigitte Bourguignon

Grand âge : « la crise sanitaire a montré l’urgence d’une réforme » juge Brigitte Bourguignon

La ministre déléguée chargée de l’Autonomie était entendue en audition ce mercredi 12 mai par la commission sénatoriale des Affaires sociales. L’occasion pour les sénateurs de revenir sur la création et le financement de la cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l’autonomie.
Public Sénat

Par Jules Fresard

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Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Lors des six dernières années, 900 réclamations ont été déposées devant le Défenseur des droits. Et parmi ces dernières, plus de 80 % concernaient des résidents en Ehpad. Ce constat édifiant a été dressé dans un rapport publié le 4 mai dernier par la nouvelle Défenseure des droits, Claire Hédon, qui conclut que « le droit à la vie privée et familiale a été grandement entravé au cours de la crise sanitaire, et de façon bien plus importante pour les personnes résidant en Ehpad que pour le reste de la population ».

Des réformes rendues nécessaires par le vieillissement de la population

En audition au Sénat, la ministre déléguée chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, a tenu à se montrer pleinement consciente du problème, qui s’est selon elle aggravé lors de la crise sanitaire. Cette dernière a « exacerbé les failles d’un secteur et montré l’urgence d’une réforme » a-t-elle analysé. Mais de quelle réforme parle-t-on ici ? Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, voté l’année dernière, a acté la création d’une cinquième branche au sein de la Sécu, vouée entièrement à l’autonomie des personnes âgées mais aussi handicapées. Cette dernière branche est donc depuis cette année venue s’ajouter à la maladie, la famille, les accidents du travail et la retraite.

Grand âge : la crise sanitaire a "exacerbé les failles d'un secteur" juge Brigitte Bourguignon
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De même, un projet de loi dédié au grand âge et à l’autonomie, promis depuis 2019, repoussé du fait de la crise sanitaire, est en cours de rédaction, et vise à réformer le modèle des Ehpad, revaloriser les salaires des personnels aidants ou encore uniformiser les différentes aides. Le gouvernement assure aujourd’hui qu’il interviendra avant la fin du quinquennat, alors que le vieillissement de la population française ne fait qu’accélérer, avec aujourd’hui 20 % des Français ayant plus de 65 ans, contre 13 % en 1985.

Mais comme l’a rappelé Catherine Deroche, sénatrice LR du Maine-et-Loire et présidente de la commission des Affaires sociales, la création de la cinquième branche de la sécurité sociale a été actée « sans que son financement ne soit précisé ». Cette audition a donc été l’occasion pour les sénateurs d’interroger la ministre sur les objectifs réels du gouvernement en la matière.

Rénover les établissements

Premier constat, il est urgent de rénover les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. « 25 % des places disponibles n’ont pas fait l’objet de rénovation depuis 20 ans, cela veut dire qu’on laisse nos concitoyens vieillir dans des établissements vétustes » a ainsi regretté Brigitte Bourguignon, affirmant que le plan gouvernemental sur le sujet doit « changer radicalement la façon dont nous imaginons les lieux de vie des personnes âgées ». Avec quels financements ? « Grâce au plan de relance, 2 milliards d’euros sur cinq ans vont être dédiés à la transformation des établissements médico-sociaux » a précisé la ministre.

Des rénovations d’autant plus nécessaires que, comme l’a détaillé la sénatrice de la Mayenne Élisabeth Doineau, « les établissements doivent être plus à taille humaine, contrairement à certains établissements actuels qui s’apparentent à des défilés de couloirs et qui lors de la crise covid, se sont presque apparentés à des prisons ». Mais, comme l’a également rappelé la sénatrice, actuellement « quand les départements veulent se lancer dans une rénovation, on leur répond qu’elle n’est jouable que s’il y a 100 places dans l’établissement », appelant donc à un changement de paradigme.

Le virage de la domiciliation

Néanmoins, cette rénovation annoncée des établissements ne doit pas cacher un autre objectif affiché par Brigitte Bourguignon, qui est celui de la « domiciliation ». C’est-à-dire la volonté que les personnes âgées souhaitant rester le plus longtemps chez elles puissent le faire, au travers d’aides spécifiques, mais aussi d’accompagnements par des travailleurs médico-sociaux.

« La vision que nous devons suivre, c’est celle du virage domiciliaire, et du rôle des personnes âgées dans la société. Il faut investir dans l’adaptation des logements, et il n’est pas normal qu’en France seulement 6 % des logements soient adaptés, contre 16 % aux Pays-Bas ». Avant de continuer, « il faut un virage domiciliaire qui change complètement la donne ».

Interrogée là aussi par la sénatrice Élisabeth Doineau sur le financement de ce « virage », Brigitte Bourguignon défend, plutôt que de créer de nouveaux dispositifs de financement, la revalorisation de l’APA notamment, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie, destinée aux personnes de plus de 60 ans en perte d’autonomie.

Revaloriser les salaires pour rendre les métiers du soin plus attractifs

Mais pour acter efficacement de ce « virage domiciliaire », encore faut-il que les départements, en charge notamment de l’autonomie, aient à leur disposition la quantité suffisante de personnels médico-sociaux pour accompagner au mieux les personnes âgées dépendantes.

Brigitte Bourguignon avait déjà annoncé, d’ici le 1er octobre 2021, l’augmentation de 13 % à 15 % des personnels travaillant auprès des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. L’augmentation ne s’adresse cependant qu’au personnel du secteur associatif, soient près de 154 000 postes, et non du privé. « Sur cette revalorisation, l’État s’engage à 50 %, et laisse aux départements jusqu’au 1er octobre, qui sera le moment de la revalorisation réelle » a détaillé la ministre. Une disposition actée lors du Ségur de la santé.

Ces revalorisations salariales témoignent, en plus de la prise de conscience amenée par la crise sanitaire, de l’importance de ce secteur, de la volonté du gouvernement de rendre ces métiers plus attractifs. Brigitte Bourguignon a d’ailleurs annoncé la mise en place de 10 000 « services civiques séniors », pour « créer de l’appétence pour ces métiers ». Une démarche qui s’apparente comme une nécessité, pour faire face au défi générationnel qui attend le pays.

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