Budget de la Sécu : le débat se crispe au Sénat sur une rallonge budgétaire de dernière minute pour les hôpitaux

Budget de la Sécu : le débat se crispe au Sénat sur une rallonge budgétaire de dernière minute pour les hôpitaux

« Mis devant le fait accompli », les sénateurs ont voté ce 7 novembre un complément de 600 millions d’euros en faveur des établissements de santé, dans le cadre du budget 2023 de la Sécurité sociale. L’amendement a été adopté au terme d’une explication musclée avec le ministre, des sénateurs dénonçant la méthode, d’autres un jeu comptable sur le dos des hôpitaux.
Guillaume Jacquot

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Ces dernières semaines, le ministre de la Santé a multiplié les annonces en faveur des établissements de santé. D’abord une enveloppe de 150 millions d’euros le 23 octobre. Le surplus est ensuite monté à 400 millions d’euros le 2 novembre, en pleine crise des services de pédiatrie, débordés par l’épidémie précoce de bronchiolite. Ce soir, le 7 novembre, le gouvernement a pris de court le Sénat en annonçant à la fin de la discussion générale introduisant les débats sur le budget de la Sécurité sociale, une rallonge qui se chiffre désormais à 600 millions d’euros, pour financer l’ensemble de ses annonces depuis l’été.

« Il s’agit de financer les engagements pris pour assurer le bon fonctionnement des établissements de santé dans cette période de crise, d’épidémies hivernales, de financer une partie des engagements que j’ai pu faire, concernant les établissements en tension et particulièrement les services de pédiatrie », a expliqué François Braun.

Le Sénat, qui a rétabli la deuxième partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), supprimée par les députés avant l’usage du 49.3, a accepté cette modification de dernière minute, non sans exprimer une exaspération à l’égard du gouvernement. Ces 600 millions d’euros ont été ajoutés à l’objectif national de dépenses de l’Assurance maladie (Ondam) 2022.

« La méthode employée pour procéder à ces rectifications me semble un peu critiquable, pour rester dans la mesure qui caractérise le Sénat […] Vous nous demandez de constater une dépense supplémentaire de 600 millions d’euros, comme si de rien n’était », a réagi diplomatiquement la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau (Union centriste). « Trouvez-vous de bonne méthode que de présenter aux parlementaires quelques heures seulement avant la discussion de l’article le coût de ces mesures ? » s’est également étonnée la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche (LR).

« Ces dépenses sont prises sur de largent non dépensé […] Cest lhôpital qui paye lhôpital »

Le nez dans les tableaux récapitulatifs du projet de loi, certains parlementaires aguerris à l’examen des PLFSS ont suspecté un artifice comptable. Rapporteure des dépenses de santé, la sénatrice Corinne Imbert (LR) a déploré des réaffectations en « vase clos ». « L’hôpital finance-t-il lui-même sa rallonge ? », s’est-elle étonnée. Même appréciation de la part de René-Paul Savary (LR). « Ces dépenses sont prises sur de l’argent non dépensé, et notamment les fonds prudentiels. C’est l’hôpital qui paye l’hôpital pour vos annonces »

La tension est brutalement montée face au ministre. « Ce sont les pratiques de l’ancien monde ! On est mis devant le fait accompli », s’est exclamé le sénateur. Alors que les relations s’étaient apaisées ces dernières semaines entre le gouvernement et la Haute assemblée, certains dans l’hémicycle ont eu la désagréable sensation de revivre les incidents de séance du précédent quinquennat. « Vous bénéficiez d’une clémence particulière du Sénat », a rappelé le sénateur Bernard Jomier (apparenté PS). « Il n’y a pas si longtemps, de telles modifications du budget de la Sécurité sociale aussi proche de la séance avaient entraîné la suspension de nos travaux » (voir la vidéo de tête).

Ici, le sénateur a fait référence à l’épisode du 14 novembre 2019. Ce jour-là, les sénateurs avaient rejeté le PLFSS 2020, mécontents de l’annonce d’un plan d’Emmanuel Macron remettant en cause les grands équilibres de leur discussion.

« Merci pour la clémence du Sénat »

« Merci pour la clémence du Sénat », a répondu le ministre, qui a cru bon de rappeler que le complément dédié à la pédiatrie avait été décidé « il y a quatre jours ». Avant d’ajouter : « Si des mesures n’avaient pas été prises, si le gouvernement n’avait pas accepté de financer ces mesures, vous m’auriez fait les mêmes reproches et j’aurais eu du mal à regarder mes confrères dans les yeux. »

Outre le soutien aux services en tension, la rallonge budgétaire va également servir à financer au-delà du 15 septembre les mesures estivales sur les heures supplémentaires et le temps de travail additionnel des soignants. Sur ce dernier point, la défense du gouvernement « n’est pas crédible », a pointé la sénatrice Corinne Imbert, sachant que le projet de loi a été présenté par le gouvernement le 26 septembre.

Aux écologistes, qui s’étonnaient que l’hôpital ne soit compensé qu’à hauteur des deux tiers de son surcoût en dépenses énergétiques, le ministre a par ailleurs indiqué que les établissements bénéficieraient au 1er janvier des « mêmes avantages que les PME ».

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