Hôpital public : « Olivier Véran ne prend pas la mesure du problème », juge Bernard Jomier
Près d’un lit sur cinq est fermé dans l’hôpital public, selon une étude dirigée par le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy. Un chiffre alarmant qui ne saurait s’expliquer par la seule crise sanitaire, appuie-t-on au Sénat.

Hôpital public : « Olivier Véran ne prend pas la mesure du problème », juge Bernard Jomier

Près d’un lit sur cinq est fermé dans l’hôpital public, selon une étude dirigée par le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy. Un chiffre alarmant qui ne saurait s’expliquer par la seule crise sanitaire, appuie-t-on au Sénat.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Environ un lit sur cinq est fermé faute de personnel dans les grands hôpitaux publics, selon l’enquête flash menée, début octobre, par le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy.

Un constat alarmant mais qui ne surprend pas au Sénat. « La réalité de ce phénomène est connue, on voit depuis longtemps un mouvement de départ des soignants de l’hôpital public », pointe le sénateur socialiste, Bernard Jomier. « Le covid-19 joue un rôle d’accélérateur mais ces problèmes existaient avant le covid-19 », renchérit Philippe Mouiller (LR), vice-président de la commission des Affaires sociales.

Alors que le nombre de cas détectés de covid-19 repart à la hausse, le rapport prévient : « Le système de soins est fragilisé après cette longue période covid-19, où il a été en permanence en première ligne. La capacité à répondre à une éventuelle nouvelle vague, même plus faible, se pose donc dans des conditions différentes des vagues différentes ».

L’épuisement des soignants

Loin des jours heureux promis en plein cœur de la crise, cette enquête insiste sur la dégradation des conditions de travail des soignants. D’après une étude réalisée dans les services de réanimation, la souffrance du personnel se traduit par de nombreux cas d’insomnie, de symptômes d’anxiété, de dépression, de trouble de stress post-traumatique et d’épuisement professionnel.

Dans les colonnes de Libération, Olivier Véran reconnaît « des conditions de travail dégradées » et donne un certain nombre d’explications, telle que la fatigue cumulée après vingt mois de crise sanitaire. Concernant le manque de personnels, le ministre évoque des problèmes de recrutement et la démission d’un peu plus d’un millier d’élèves infirmiers en formation entre 2018 et 2021, avant la fin de leurs études. « Une enquête sera lancée sur la question », assure-t-il. Contrairement à ce qui a pu être redouté, l’obligation vaccinale ne semble pas avoir causé une vague de départ notable, selon les chiffres du ministère.

« Le Ségur de la santé répond à une attente de court terme. Il y a urgence, aujourd’hui ! »

Malgré le Ségur de la santé, qui a conduit à une augmentation de la rémunération des soignants, la crise de l’hôpital public reste bel et bien d’actualité. « Il y a des décisions qui n’ont pas été prises il y a vingt ans, on les paye aujourd’hui. On ne réécrit pas l’histoire en un claquement de doigts », se défend le ministre de la Santé.

Un argumentaire qui ne tient pas, pour le sénateur LR, Philippe Mouiller qui estime que le gouvernement ne peut plus se retrancher derrière les bilans de ses prédécesseurs. « Le Ségur de la santé répond à une attente de court terme. Il y a urgence, aujourd’hui ! On a un problème de formation, d’organisation, de reconnaissance et aussi de financement », développe-t-il.

« L’hôpital est train de s’écrouler »

Une position qui rejoint là encore les conclusions de Bernard Jomier (PS), médecin de formation. « L’augmentation de 183 euros pour les personnels est réelle, c’est une bonne chose, mais ce n’est pas un rattrapage suffisant. Il y a un mal-être beaucoup plus profond. L’hôpital est en train de s’écrouler », s’alarme le sénateur socialiste, pour qui Olivier Véran « ne prend pas la mesure du problème ».

Au-delà de la question de la rémunération, les conditions de travail demeurent centrales dans le mal-être des soignants. « La principale problématique est le ratio patient soignant. Ces derniers ont de plus en plus de patients et de moins en moins de temps à leur accorder », souligne Bernard Jomier. Une revendication qui était d’ailleurs portée par le projet de référendum d’initiative partagée sur « l’accès universel à un service public hospitalier de qualité », rejeté cet été (lire notre article). Pour le sénateur socialiste, une inflexion majeure qui remettrait la logique soignante au cœur de l’hôpital public est aujourd’hui indispensable.

 

Partager cet article

Dans la même thématique

PARIS , LES CANDIDATS REMI FERAUD ET EMMANUEL GREGOIRE
8min

Politique

« Force du dégagisme », « fin de cycle » et « bataille de chiens » à venir : les socialistes font le bilan, après la victoire d’Emmanuel Grégoire face à Rémi Féraud

La victoire d’Emmanuel Grégoire, dès le premier tour, lors de la primaire PS qui l’opposait au sénateur Rémi Féraud s’explique notamment par « la volonté de tourner la page Hidalgo » chez les militants, mais aussi le poids des rapports de force issus du congrès PS ou la « dérive clanique » autour de la maire sortante.

Le

SIPA_01206229_000010
6min

Politique

Programmation de l’énergie : en commission, les sénateurs ne reprennent pas le moratoire sur l’éolien et le photovoltaïque

En commission des affaires économiques, les sénateurs ont adopté la proposition de loi sénatoriale, dite Gremillet, qui avait été passablement dénaturée par des amendements des députés LR et RN, puis finalement rejetée par l’Assemblée nationale. Le moratoire sur l’éolien et le photovoltaïque ou encore la réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim ne figurent plus dans le texte adopté en commission pour une deuxième lecture prévue la semaine prochaine.

Le

Hôpital public : « Olivier Véran ne prend pas la mesure du problème », juge Bernard Jomier
3min

Politique

Loi Duplomb : un texte qui permet « de mettre les agriculteurs français au même niveau que les agriculteurs européens », assure son auteur

Ce mardi, Laurent Duplomb, sénateur LR de Haute-Loire, auteur du texte « visant à lever les contraintes sur le métier d’agriculteur », était invité sur la matinale de Public Sénat. Il a évoqué l’accord trouvé en commission mixte paritaire sur sa proposition de loi, ainsi que les critiques qu’elle suscite, notamment en ce qui concerne la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide interdit en France depuis 2018.

Le

Hôpital public : « Olivier Véran ne prend pas la mesure du problème », juge Bernard Jomier
2min

Politique

Canicule : « La vigilance rouge ne concerne pas que les publics les plus fragiles, elle concerne tout le monde », déclare François Bayrou

Alors que la France fait face à un épisode caniculaire, François Bayrou, accompagné de Catherine Vautrin, Agnès Pannier-Runacher et Bruno Retailleau s’est rendu ce mardi au centre opérationnel de gestion des crises du ministère de l’Intérieur. L’objectif était de faire état de l’ensemble des mesures prises pour faire face à cette vague de chaleur.

Le