Impact écologique de la 5G : friture sur la ligne entre le Haut conseil pour le climat et le Sénat

Impact écologique de la 5G : friture sur la ligne entre le Haut conseil pour le climat et le Sénat

Débordée, cette institution indépendante n’aura pas le temps de boucler son rapport sur l’impact environnemental de la 5G avant fin 2020. Ses conclusions seront donc connues après la phase d’enchères pour les attributions de fréquences, qui démarre en septembre. Le président du Sénat, qui avait sollicité le Haut conseil pour le climat en mars, a affiché son impatience.
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Annoncée comme une technologie de rupture, la 5G se distinguera par moins de latence, un nombre plus élevé de connexions simultanées et des débits de transmission dix fois plus importants. En face des espérances, la nouvelle génération de réseau mobile suscite parallèlement des craintes, sanitaires avec l’exposition aux ondes, et environnementales avec l’impact énergétique et carbone. Et sur ce point, l’évaluation ne progresse pas à la vitesse de la 5G. Dans un tweet publié dans la matinée du 23 septembre, le président du Sénat « regrette qu'on déploie la 5G sans étude d'impact sanitaire et environnemental ». Passablement contrarié, Gérard Larcher s’étonne que sa saisine du Haut conseil pour le climat pour « connaître l’impact environnemental de la 5G », le 10 mars 2020, soit restée lettre morte. « Aucune réponse à ce jour », ajoute sans autre commentaire le deuxième personnage de l’Etat.

Depuis, les choses ont évolué. Le Haut conseil pour le climat (HCC) – cette autorité administrative indépendante crée en 2018 et entérinée par la loi énergie-climat de fin 2019 pour évaluer les politiques environnementales – informe le président du Sénat de l’état d’avancement de ses travaux. Joint par Public Sénat, le HCC précise que sa présidente a adressé un courrier à Gérard Larcher le 22 septembre et que les travaux ont été lancés au mois d’août « avec sa rigueur habituelle ».

La présidence du Sénat réceptionne bien la réponse. Dans l’entourage du président du Sénat, le timing interroge. « La présidence est étonnée que ce soit un tweet en date du 23 septembre qui fasse réagir le Haut conseil pour le climat », nous répond-on. D’autant que Gérard Larcher a relancé l’instance au mois de juillet, dans la foulée de la tenue d’une table ronde au Sénat, sur les impacts sanitaires et environnementaux de la 5G.

« Un courrier en date du 2 juillet, que nous avons reçu le… 17 septembre »

Ce fameux courrier est bien parvenu au Haut-Conseil pour le climat. Mais avec un sérieux temps de retard. « La présidence du Sénat nous a interrogé sur l’avancement des travaux dans un courrier en date du 2 juillet, que nous avons reçu le… 17 septembre », explique à Public Sénat l’un des responsables du Haut conseil.

L’incident est fâcheux, à double titre. Premièrement, le sujet est pris au sérieux au Sénat. « Le principe de précaution est inscrit dans la Constitution. On est sur un sujet plutôt grave », explique un proche de Gérard Larcher. Il s’agissait d’ailleurs en mars de la première saisine du Haut conseil pour le climat, depuis l’installation de ce dernier, par un président d’assemblée. La commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable avait invité Gérard Larcher à agir dans ce sens. Le 24 juin, après des mois de travaux, une mission d’information « sur l’empreinte environnementale du numérique » avait regretté, tout comme le président de l’Ademe en février, l’absence d’étude impact « sérieuse » sur le sujet, qu’elle demande depuis des mois. Selon les sénateurs, une étude complète devrait intégrer les effets de la 5G « sur les consommations énergétiques des opérateurs », mais aussi « sur la fabrication et sur le renouvellement des terminaux, ainsi que les impacts sur les consommations des data centers ».

« Le gouvernement a décidé le lancement des enchères 5G sans aucune évaluation préalable », regrette une sénatrice

Deuxième problème : le gouvernement a maintenu le calendrier du déploiement de la 5G, refusant tout moratoire sur le sujet. La mise aux enchères des premières fréquences débutera fin septembre. Bien avant la remise du rapport du HCC au Sénat, qui devrait intervenir « vers la fin de l’année ». Impossible pour le Sénat, sans données, de répondre à la maxime citée par Gérard Larcher : « Savoir pour prévoir, afin de pouvoir ». La sénatrice (LR) Marta de Cidrac, membre du groupe d’études sur le numérique au Sénat, se désole de la tournure qu’ont pris les choses. « Le gouvernement a décidé le lancement des enchères 5G prévu à la fin de ce mois sans aucune évaluation préalable… C’est regrettable. L’appel de la mission d’information empreinte numérique n’a pas été entendu », tance la parlementaire des Yvelines.

L’épisode est en tout cas symptomatique du manque de moyens dont se plaint régulièrement le Haut conseil pour le climat, pour réaliser ses travaux. L’instance ne dispose que de six postes équivalent temps plein, contre 24 chez son homologue au Royaume-Uni. « Est-ce que nous avons suffisamment de moyens ? Clairement non », s’agaçait devant l’Assemblée nationale, le 10 juin, sa présidente Corinne Le Quéré. A l’époque, le HCC est sous l’eau. La saisine sénatoriale se rajoute à trois saisines du gouvernement. « Comme il avait été indiqué aux services du Sénat avant que la saisine soit formulée, notre calendrier de travail rapporté à nos effectifs ne nous permettait pas de traiter cette question avant. Cette contrainte a été rappelé au président du Sénat », se défend le Haut Conseil pour le climat à Public Sénat. Il était humainement impossible d’intégrer une évaluation digne de ce nom pour le rapport d’information sénatorial paru en juin.

« Presque tous nos travaux sont en retard », déplorait la présidente du Haut conseil pour le climat

En plus de sa publication annuelle, longue de 160 pages, le Haut conseil doit également plancher sur l’empreinte carbone, sur la rénovation énergétique, mais également préparer un rapport spécial Covid-19. La sortie du rapport annuel est déjà décalée de trois semaines. Et le rapport « empreinte carbone » a été reporté de juin à septembre. La période des 55 jours de confinement au printemps, a fortement ralenti les travaux, déjà très nombreux. « On n’y arrive pas. Presque tous nos travaux sont en retard », expliquait la présidente Corinne Le Quéré devant les députés, le 10 juin.

Seule publication récente pour éclairer les parlementaires, à l’heure où la représentation nationale cherche des données sur lesquelles s’appuyer sur un sujet controversé : un rapport remis au gouvernement le 1er septembre (Déploiement de la 5G en France et dans le monde : aspects techniques et sanitaires). Rédigé par quatre services d’inspections qui dépendent de trois ministères. Tout sauf l’indépendance que recherche le Sénat. Et le document ne pourra « qu’accompagner » un processus déjà sur les rails, déplorait la commission de l’aménagement du territoire, en juillet dernier. Son président, le centriste Hervé Maurey résumait ainsi les choses : « Il s’agit en quelque sorte d’un quatrième joker brandi par l’exécutif aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qui avait demandé un moratoire sur la 5G en attendant qu’une évaluation environnementale et sanitaire soit menée ! »

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