Interdiction des listes communautaristes : que contient la proposition de loi de Bruno Retailleau ?

Interdiction des listes communautaristes : que contient la proposition de loi de Bruno Retailleau ?

Annoncée il y a trois semaines, Bruno Retailleau dépose ce vendredi sa proposition de loi visant à interdire les listes communautaristes aux élections. Un texte visant à contrer « l’essor de l’islam radical » tel qu’il l’expose dans les motifs.
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Annoncée le 20 octobre dernier, Bruno Retailleau, le président du groupe LR du Sénat, a terminé la rédaction de sa proposition de loi visant à interdire les listes communautaristes. Il a déposé son texte ce vendredi à la Haute assemblée, après l’avoir présenté en exclusivité dans le journal le Figaro.

Après la proposition de loi sur la neutralité religieuse adoptée la semaine dernière en séance publique, la droite sénatoriale continue d’occuper le terrain de la laïcité. Néanmoins la notion de liste communautariste semble, à première vue, difficile à définir juridiquement. Bruno Retailleau en est conscient. « Le sénateur de la Vendée (s’est) entouré de constitutionnalistes » précise le quotidien.

« J’ai puisé la définition de ce communautarisme aux sources de la Constitution et des grands principes constitutionnels » assure le sénateur LR. « Ce ne sont pas les termes de « musulmans », « chrétiens », « bouddhistes » ou « juifs » qui permettent de caractériser le communautarisme. Ce qui est communautariste, ce sont les programmes et les propos qui visent à soutenir et à défendre les revendications d’une « section du peuple », fondée sur l’origine éthique et l’appartenance religieuse » souligne-t-il.

« L’islam radical » visé

Toutefois, dans les motifs de la proposition de loi composée de 4 articles, Bruno Retailleau cible spécifiquement « l’essor de l’islam radical » qui selon lui, « vise à isoler les musulmans du reste de la communauté nationale ». « Si la religion musulmane a naturellement toute sa place dans notre pays, le fondamentalisme islamique ne saurait en aucun cas trouver la sienne dans notre vie politique » poursuit-il

L’article 1er exclut un candidat à une élection législative « qui a ouvertement mené une campagne communautariste » en tenant des propos contraires à la souveraineté nationale, la démocratie, la laïcité. Dans le sens où le candidat aurait soutenu des revendications d’une section du peuple fondée sur l’origine ethnique ou religieuse.

L’article 2 va dans le même sens mais concerne les scrutins de liste.

L’article 3 interdit tout comportement communautariste tel que défini plus haut dans le cadre d’une campagne électorale et ce, pour toutes les élections.

L’article 4 inscrit dans la charte de l’élu local, l’obligation de respecter les valeurs de la République, tel que la laïcité.

« Il vaut mieux prévenir que guérir car lorsque nous aurons des listes communautaristes élues, il sera trop tard. La révocation d’un maire est hautement plus délicate que l’interdiction d’un candidat » fait valoir Bruno Retailleau.

Quid des partis régionalistes et fédéralistes ?

La proposition de loi, que l’on peut qualifier de symbolique, car elle a peu de chance d’être adoptée à l’Assemblée nationale, pourrait en plus se heurter à plusieurs difficultés d’ordre constitutionnelle et conventionnelle (Convention européenne des droits de l’Homme).

« Le Conseil Constitutionnel pourrait considérer que le texte est conforme à l’article 4 de la Constitution. Mais dans ce cas, se poserait la question de l’interdiction des partis régionalistes et fédéralistes. Existe-il une origine ethnique corse ? bretonne ? Une origine ethnique ce n’est pas une donnée scientifique, c’est une identité construite. Pour ce qui est des propos contraires à la laïcité. Le terme est polysémique dans la société, mais en droit, il englobe simplement la neutralité de l’État et le non-financement des cultes » note Benjamin Morel, maître de conférences en Droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas, avant de relever qu’une telle loi entraînerait « une saga jurisprudentielle ».

« Un parti interdit car considéré comme communautariste pourrait également faire l’objet d’une question préjudicielle devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Dans son arrêt REFAH contre Turquie de 2003, la Cour a considéré qu’« un parti politique qui s’inspire des valeurs morales imposées par une religion ne saurait être considéré d’emblée comme une formation enfreignant les principes fondamentaux de la démocratie » rappelle-t-il.

Les listes régionalistes ne sont pas visées par la proposition de loi précise l’entourage de Bruno Retailleau

Du côté du groupe LR, on conteste fermement cette analyse. « Une liste corse ou une liste basque n’est pas du tout visée par cette proposition de loi. Nous avons prévu des conditions cumulatives à la définition du communautarisme. Une liste corse, par exemple, qui respecterait les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie et de la laïcité, pourrait parfaitement se présenter » précise l’entourage de Bruno Retailleau.

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