Jacqueline Gourault interroge « la gouvernance des relations entre l’Etat et les collectivités »

Jacqueline Gourault interroge « la gouvernance des relations entre l’Etat et les collectivités »

Auditionnée sur le budget 2021, la ministre des Collectivités territoriales assure que « les territoires vont jouer un rôle majeur dans le plan de relance ». Les sénateurs sont inquiets de l’évolution de la fiscalité locale, avec des dotations de l’Etat qui prennent le dessus, ce qui « réduit la part d’autonomie des collectivités ».
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Ce n’est pas l’aspect le plus grand public du projet de loi de finances 2021, mais il n’en reste pas moins important. La ministre de la Cohésion des territoires et des Collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, a été auditionnée ce mardi par la commission des lois du Sénat, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2021. Elle connaît bien la maison pour avoir été sénatrice Modem – elle le redeviendra même, si elle quitte le gouvernement – et ne se prive pas de tutoyer certains membres de la Haute assemblée.

Il faut dire que tout le monde parle le même langage : celui très technique, et pour le coup incompréhensible pour le commun des mortels, de la fiscalité locale. Ça donne par exemple « DMTO », « CVAE » ou autre « FPIC ». Allez, on vous donne la réponse : il s’agit, dans l’ordre, des droits de mutation à titre onéreux (plus connus sous le nom de frais de notaires, qui alimentent les départements et communes), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (impôt de production supprimé par le gouvernement dans ce PLF, et dont la part qui revenait aux régions a été compensée par une fraction de TVA) et du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (la péréquation est un mécanisme de redistribution qui permet de réduire les écarts de richesse entre collectivités).

Gourault veut assurer une « compensation intégrale et dynamique » des ressources des collectivités

Jacqueline Gourault n’arrive pas devant les sénateurs les mains vides, mais avec dans sa besace environ « 16 milliards d’euros », sur les 100 du plan de relance, destinés aux collectivités. « Les territoires vont jouer un rôle majeur dans le plan de relance » assure la ministre. Et promis, « ce n’est pas la fin de l’histoire ». Autrement dit, si besoin, l’Etat remettra au pot. Pour l’heure, les aides prévues par l’Etat ne sont pas toutes nécessaires. « La crise est moins grave qu’on aurait pu imaginer » explique Jacques Gourault. Par exemple, « sur les avances des DMTO aux départements, 2,7 milliards d’euros ont été annoncés, et on va décaisser à peu près 400 millions car la baisse des DMTO est beaucoup moins importante qu’on ne l’imaginait ». Quant au fonds de péréquation de DMTO (facile à comprendre maintenant) entre départements, 60 millions d’euros sont prévus pour le moment, mais si besoin, « l’Etat compensera ».

Reste que les sénateurs s’inquiètent du niveau et de la pérennité de ces compensations pour les collectivités, pour remplacer la baisse de 20 milliards d’euros des impôts de production, décidée dans le budget en cours d’examen. Sur ce point, la ministre « réitère l’engagement très clair pris par le gouvernement » d’assurer une « compensation intégrale et dynamique ». Elle souligne par ailleurs la « stabilité des dotations de l’Etat aux collectivités depuis quatre ans ». Et « sur les impôts de production », la ministre souligne que « pour le bloc communal, on parle de 3,2 milliards d’euros sur 43 milliards » de transferts au total.

Les sénateurs répondent que cela s’ajoute aux décisions passées… L’ancien président LR de la commission des lois, Philippe Bas, fait aussi remarquer que ces compensations ne suivent pas l’inflation, ce qui revient à une baisse « de pouvoir d’achat des collectivités ».

« Philosophiquement, ça pose un problème »

Globalement, les sénateurs s’inquiètent unanimement de l’évolution, touche après touche, de la fiscalité locale. Variation sur le même thème : « On passe de dotations libres d’emploi à des dotations conditionnées aux choix de l’Etat. […] Et ça, philosophiquement, ça pose un problème du point de vue de la sincérité d’une politique de respect des libertés locales » pointe Philippe Bas. « On a un mouvement général qui tend à nationaliser un certain nombre d’impôts locaux » ajoute la communiste Cécile Cukierman, qui craint que demain un gouvernement puisse décider de « réduire, de compenser un peu moins que prévu ». La centriste Françoise Gatel embraye :

Il y a une nouvelle conception qui se dessine sur la libre administration des collectivités, qui devient de moins en moins réelle, en raison de la nationalisation des impôts de production.

Jean-Pierre Sueur : « Vous vous inscrivez dans une longue tradition, qui consiste à toujours réduire la part d’autonomie des collectivités, […] ce qui pose problème pour notre tradition républicaine d’autonomie fiscale ».

« Ça pose effectivement le problème de l’autonomie fiscale et de l’autonomie financière »

Face à ces analyses, Jacques Gourault n’a pu que partager le constat. « Ça pose effectivement le problème à la fois de l’autonomie fiscale et de l’autonomie financière. Ça pose la question bien sûr des relations entre l’Etat et les collectivités territoriales. Et je crois qu’on est sûrement à un moment, où après un certain nombre de décisions, qui ont renforcé la part de l’impôt national – pour les régions, c’est très net, et aussi en partie pour les départements – Il est évident, qu’on est arrivé à un moment où on peut se poser la question de savoir si on ne doit pas repenser la gouvernance de ces relations entre l’Etat et les collectivités territoriales » affirme la ministre. Des propos qui devraient faire débat. Ils vont néanmoins dans le sens du sénateur LR Charles Guené, qui appelle à « redéfinir les rapports entre les collectivités, le Parlement et l’Etat pour faire fonctionner ce nouveau système où il y aura une grande part d’impôts nationaux, sinon il ne faudra plus parler de libre administration des collectivités et du rôle du Parlement ».

Jacqueline Gourault continue sa réflexion. Elle évoque l’idée « qu’on ne peut pas considérer de la même manière les régions et les départements, et le bloc communal, où l’attachement au levier fiscal est très important ». Et de regarder du côté de l’Allemagne. « Le modèle allemand n’a pas d’autonomie fiscale, car il y a un versement fait par l’Etat, mais un débat est fait chaque année sur les relations entre Etat et collectivités. Et c’est un pays extrêmement décentralisé » souligne la ministre des Collectivités territoriales. Idée, souvent évoquée au Sénat, que Jacqueline Gourault reprend à son compte : « Je pense qu’il faut arriver véritablement à mettre sur le chantier un débat consacré aux collectivités territoriales dans les assemblées ». Précision : « Je dis bien un débat, et pas un budget ». Il ne faut pas tout changer tout de suite.

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