JO de Paris 2024 : le Sénat adopte un texte sécuritaire

JO de Paris 2024 : le Sénat adopte un texte sécuritaire

Les sénateurs ont largement adopté le projet de loi sur les JO de Paris 2024 ce mardi 31 janvier. Un texte fourre-tout qui prévoit notamment l’expérimentation de la vidéosurveillance automatisée par intelligence artificielle, un sujet polémique, des sanctions renforcées contre les intrusions sur les terrains ou des mesures pour renforcer la lutte contre le dopage.
François Vignal

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En deux petites journées, les 24 et 25 janvier, les sénateurs sont allés au bout du projet de loi sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. L’ensemble du texte a été adopté ce mardi 31 janvier par 245 voix contre 25, et 65 abstentions, lors d’un vote solennel.

Les groupes LR, Union centriste, RDPI, RDSE et le groupe des Indépendants – République et Territoires ont voté pour. Le groupe PS s’est abstenu. Les groupes écologistes, CRCE (communiste) ont voté contre, tout comme le sénateur RN Stéphane Ravier. Le point sur les principales mesures du projet de loi.

  • La vidéosurveillance « augmentée » par l’intelligence artificielle expérimentée jusqu’en 2025

C’est le point le plus sensible du projet de loi. Le plus polémique aussi. Pour assurer la sécurité des JO, le gouvernement souhaite se doter d’un nouvel outil, par la vidéoprotection avec algorithmes, qui analysent en temps réel les images pour détecter certains événements prédéterminés considérés comme « anormaux ». Après le scandale du Stade de France, l’exécutif pense aux mouvements de foule, mais aussi aux attroupements suspects, un colis abandonné, ou pourquoi pas une personne qui court dans le sens inverse du déplacement de la foule. L’objectif est aussi de lutter contre le risque d’attentat terroriste. En cas de situation potentiellement suspecte, les forces de l’ordre sont alertées, avant de prendre une éventuelle décision.

Le recours à la reconnaissance faciale a été écarté par le gouvernement. Le système repérera des « situations », a souligné le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et pas les individus en tant que tels. Le dispositif est expérimenté jusqu’au 25 juin 2025, soit bien après la fin des JO, pour les « manifestations sportives, récréatives ou culturelles ». Les Jeux olympiques ne sont donc pas les seuls concernés.

La majorité sénatoriale LR/Union centriste a soutenu cette innovation majeure, que la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a qualifiée de « tournant ». La rapporteure Agnès Canayer (voir vidéo ci-dessus), membre du groupe LR, l’a assorti d’un renforcement du contrôle de la Cnil dans la phase d’apprentissage par l’intelligence artificielle. Les sénateurs ont aussi insisté sur la nécessité d’un contrôle humain permanent et la formation des personnes habilitées.

Face à cette décision, les défenseurs de libertés publiques et individuelles alertent. La gauche et les écologistes dénoncent un changement profond et dangereux. Ils accusent le gouvernement de profiter des Jeux olympiques, qui ne seraient qu’un « prétexte », pour avancer vers une « société de surveillance », a dénoncé le sénateur EELV Thomas Dossus (voir vidéo ci-dessous). Leur crainte : que le dispositif passe de l’expérimentation à la généralisation. Et qu’en faisant un premier pas vers ce type de technologie, dont les opposants dénoncent l’inefficacité, la France aille un jour encore plus loin, au détriment de nos libertés. Pour la gauche, c’est « big brother is watching you ».

  • Sécurité : Gérard Darmanin n’exclut pas totalement de recourir à l’armée, en dernier ressort

L’enjeu de la sécurisation passe aussi, de manière plus classique, par le nombre de forces de l’ordre sur le terrain. Et il en faut beaucoup pour les JO. Devant le Sénat, Gérard Darmanin n’a pas exclu de recourir, seulement si nécessaire, à l’armée, si le dispositif prévu peine à se mettre en place, notamment s’il n’est pas possible de trouver assez d’agents de sécurité privée et si la mairie de Paris n’arrive pas à embaucher les agents prévus pour la police municipale.

  • Sanctions contre les militants écologistes qui interrompent un match ou les personnes sans billet

Autre mesure sécuritaire : le texte prévoit la création de nouveaux délits, notamment concernant l’introduction dans les enceintes sportives de manière illégale, c’est-à-dire sans billet. C’est la suite des événements du Stade de France. Le texte vise aussi les personnes qui rentrent sur le terrain pour exprimer une opinion politique, comme les militants écologistes. Un amendement du sénateur centriste Claude Kern porte de 1.500 à 3750 euros l’amende.

Le texte prévoit également de rendre obligatoire les interdictions de stade pour certains délits les plus graves. Elles étaient jusqu’ici facultatives.

Déjà utilisés dans les aéroports, les scanners corporels pourront être mis en place pour les JO, prévoit le projet de loi, afin de contrôler l’entrée des installations sportives de plus de 300 personnes.

  • Lutte contre le dopage : les tests génétiques autorisés

Pour mettre en conformité le droit national avec le code antidopage mondial, les sénateurs ont intégré de manière pérenne, dans le Code du sport, les mesures permettant de réaliser des tests génétiques dans la lutte antidopage. On parle ici de comparaison d’empreintes génétiques ou d’examen de caractéristiques génétiques.

  • Médecins étrangers, travail le dimanche, dérogations pour la publicité

Parmi les nombreuses mesures du projet de loi, il y a la création d’un centre de santé « polyclinique » au cœur du village olympique. Il autorise aussi les médecins étrangers des délégations d’exercer au sein du village.

Le projet de loi comporte certaines dérogations au droit du travail, le temps des Jeux. C’est le cas pour le travail le dimanche, pour les communes où les sites olympiques sont implantés, ainsi que les communes limitrophes.

Pendant les JO, le gouvernement a aussi prévu l’autorisation de la publicité à proximité de monuments historiques, notamment sur le parcours de la flamme olympique.

Lire aussi » JO : le Sénat vote en faveur du retour des CRS/maîtres-nageurs-sauveteurs sur les plages, dès la fin des Jeux

  • Levée de boucliers des sénateurs contre l’amendement spécial Catherine Pégard

A noter que François Patriat, président du groupe des sénateurs macronistes, a déposé un amendement permettant à Catherine Pégard de rester à la tête du domaine du Château de Versailles, où seront organisées les épreuves d’équitation. La présidente de l’établissement public a atteint la limite d’âge. Un amendement soutenu par la ministre des Sport, Amélie Oudéa-Castéra, avec « un grand oui, en lettres capitales », s’est-elle enjouée, soulignant que Catherine Pégard connaissait « les moindres recoins » du Château.

Mais l’idée est très mal passée chez les sénateurs présents en séance. « C’est le fait du prince », a dénoncé la socialiste Sylvie Robert. « C’est incompréhensible qu’il n’y ait pas eu quelqu’un de formé pour préparer la suite », s’étonne le sénateur LR Michel Savin. « Encore une fois, un cavalier (législatif, c’est-à-dire un sujet sans lien avec le texte). Ce n’est plus un projet de loi, c’est une épreuve équestre », a raillé le communiste Pierre Ouzoulias, qui rappelle « qu’il s’agit d’une présidente d’établissement public dont la limite d’âge a été dépassée depuis 2021… Je pense que les candidats ne manquent pas ». Au regard de l’importance des sénateurs à la préparation des JO, « pour l’Ile-de-France, il faudrait que le gouvernement reporte les élections sénatoriales », a ironisé le sénateur de Paris, Philippe Dominati. « La sagesse serait de retirer l’amendement », a proposé Laurent Lafon, président centriste de la commission de la Culture.

Devant la réprobation des sénateurs, François Patriat, qui aurait sûrement été mis en minorité, a préféré retirer son amendement. Il devrait, à n’en pas douter, faire son retour lors du passage du texte à l’Assemblée.

  • La question des festivals

Le sujet a été porté par plusieurs sénateurs. Du fait des JO et du nombre très important de forces de l’ordre nécessaires, comme on l’a vu, le gouvernement a demandé à certains festivals de l’été de se décaler, comme le Festival d’Avignon. Alerté sur cette question durant les débats, le ministre de l’Intérieur a souligné qu’aucun festival n’a été annulé.

 

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