L’agenda parlementaire bousculé par le grand débat national

L’agenda parlementaire bousculé par le grand débat national

Plusieurs réformes notables ont été reportées, d’autres textes sont suspendus à la fin de la consultation nationale qui doit s’étendre sur deux mois. Le Sénat est particulièrement concerné avec ces bouleversements, avec des projets de loi relatifs aux collectivités territoriales.
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Deux mois après l’irruption du mouvement des Gilets jaunes, le rythme des réformes se retrouve ébranlé. À quelques jours de la rentrée parlementaire, le flou entoure l’agenda du premier semestre. Officiellement, il n’est pas question de « pause » dans les travaux du gouvernement, a insisté l’exécutif. Pour autant, l’examen de certains textes au Parlement a été décalé, voire reporté, en vue du grand débat national, qui se tiendra du 15 janvier au 15 mars.

« Débattre, c’est aussi tenir compte de ce qui a été dit. Sinon on débattrait pour rien. Nous affirmons clairement notre volonté de tenir compte de tout ce qui aura été dit », a assuré le Premier ministre ce mercredi, à l’issue du séminaire gouvernemental de la rentrée.

Plusieurs textes reportés

Premier texte d’ampleur qui est ajourné : le projet de loi constitutionnelle. Ce premier des trois volets de la réforme des institutions (avec les projets de loi organique et ordinaire) avait été interrompu en juillet en pleine affaire Benalla. Son examen à l’Assemblée nationale aurait dû normalement reprendre en janvier. Mais la présence d’une thématique institutionnelle dans le grand débat national a rendu caduque l’hypothèse d’un retour du texte. « Il n’y aurait pas de sens à discuter au Parlement de cette réforme avant que les Français se soient exprimés », a concédé Édouard Philippe.

Parlement : Édouard Philippe évoque le report de certain textes à cause du grand débat national
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Ce sont surtout deux textes sur lesquels le Sénat devait être saisi en premier qui sont renvoyés à plus tard, justement pour prendre en compte les contributions qui remonteraient du grand débat. L’examen par les sénateurs de la loi d’orientation sur les mobilités, présentée fin novembre avec plusieurs mois de retard, débutera avec un mois de décalage, selon le Premier ministre. Le chef du gouvernement a précisé que la décision avait été prise « en bonne intelligence » avec le président du Sénat, Gérard Larcher. La question des transports avait été à l’origine du mouvement des Gilets jaunes, et devrait naturellement constituer l’un des temps forts du grand débat national, où il sera par exemple question de transition énergétique.

Ce texte, qui aurait dû être l’un des grands temps forts du premier trimestre au Sénat, n’arrivera finalement pas avant la fin mars, selon son rapporteur, Didier Mandelli (LR).

Si un nouveau big bang autour des collectivités locales a toujours été exclu durant le quinquennat, la future loi introduisant de nouvelles règles d’organisation territoriale tarde toujours à se faire connaître. Sa présentation est un peu plus retardée, l’organisation de l’État et des collectivités publiques faisant partie des thèmes abordés lors de la grande consultation. Ce texte, qui aborde notamment le développement des métropoles, fait toujours l’objet d’intenses échanges entre le gouvernement les représentants des élus locaux. On se souvient cet automne que les projets de fusions entre certains départements et certaines métropoles avaient été mal accueillis localement.  

Un autre point n’a pas été abordé à l’issue du séminaire gouvernemental. La réflexion autour de la fiscalité sera aussi l’un des grands enjeux du débat national. Dans ces conditions, le chantier de la refonte des impôts locaux – on pense à l’épineux dossier de la taxe d’habitation – risque lui aussi d’arriver sur la table du Sénat bien plus tard que prévu.

Pour d’autres textes, aucun changement dans la session parlementaire

À l’issue du grand débat national, faut-il s’attendre à une session parlementaire surchargée, comme de nombreux sénateurs le regrettaient il y a un an ? Passé la fin mars, ce qu’il restera de la session ordinaire risque d’être bien rempli. En avril, où interviendra la restitution des deux mois du grand débat national, les travaux en séance seront interrompus deux semaines. Il restera six semaines dans lesquelles placer les textes du gouvernement, avant la fin de la session.

Dans l’intervalle du grand débat national, le rythme devrait néanmoins rester soutenu, a prévenu Édouard Philippe. « Le programme de travail va rester très dense et très intense dans le premier trimestre et le premier semestre de l’année 2019. » Le 29 janvier, le Sénat doit examiner la loi Pacte (pour la croissance et la transformation des entreprises), un texte dense, qui doit notamment développer davantage la participation et l’intéressement des salariés, mais aussi sans doute intégrer le projet de taxation des géants du numérique (Gafa).

Édouard Philippe : « Le programme de travail va rester très dense et très intense »
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Parmi les autres textes « déjà engagés », les sénateurs auront également à travailler en nouvelle lecture sur deux textes qui reviendront de l’Assemblée nationale : le projet de loi de réforme de la justice, ou encore la proposition de loi Retailleau sur les casseurs.

D’autres projets de loi sont aussi annoncés pour le début du premier semestre : le projet de loi pour une « école de la confiance » (envoyé aux députés en décembre), la réforme de la distribution de la presse, ou deux autres projets de loi qui intéresseront particulièrement la chambre des territoires : une réforme du statut de la Polynésie française ou encore un projet de loi sur la future collectivité unique d’Alsace, actuellement en discussion. Des dispositions relatives à l’énergie ont aussi été évoquées par le Premier ministre.

Le chef du gouvernement a aussi annoncé que le projet de loi santé, très attendu notamment pour l’avenir de l’hôpital, sera lui aussi examiné au cours du premier semestre.

Des reports sans doute plus longs pour deux autres réformes sensibles

Annoncée sans autre précision que l’année 2019, la réforme des retraites risque pour sa part d’être retardée. Les concertations, menées depuis mai 2018 autour de Jean-Paul Delevoye, « vont durer car le sujet est très technique, très complexe et très politique aussi à certains égards », a concédé Édouard Philippe. Le haut-commissaire à la réforme devait initialement remettre ses recommandations au mois de janvier ou de février. Il a finalement demandé un délai supplémentaire pour les dévoiler en mars ou en avril, envisageant une présentation du projet de loi aux parlementaires en juin, voire septembre.

Hautement sensible, le calendrier des consultations autour de cette réforme percute celui des élections européennes du 26 mai, à risque pour le parti présidentiel. « Tout ne s’arrête pas pour l’échéance européenne », a néanmoins tenu à préciser le ministre chargé des Relations avec le Parlement Marc Fesneau, sur notre antenne ce mercredi.

De même, l’exécutif temporise aussi sur la réforme de l'assurance chômage, pas moins délicate. Le calendrier a été un peu allongé par rapport à l'horizon initial de la fin janvier. Cette semaine, les négociations entre syndicats et patronat ont une nouvelle fois achoppé sur le dossier des contrats courts et des réponses à apporter pour lutter contre leur prolifération.

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