L’enseignement français à l’étranger : un réseau résilient face à la crise sanitaire et sécuritaire

L’enseignement français à l’étranger : un réseau résilient face à la crise sanitaire et sécuritaire

Dans le cadre des auditions budgétaires pour le projet de loi de finances 2021, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a entendu Olivier Brochet, directeur de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
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Par Elise Le Berre

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Les sénateurs de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées ont salué le travail de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et de son directeur, Olivier Brochet, qui s’est félicité de garder des crédits stables pour ce qui représente le « fleuron de la diplomatie culturelle et d’influence ». Avec un bémol toutefois : le budget n’échappera pas aux effets de la pandémie.

Du côté des sénateurs, la majorité des questions se sont concentrées sur la situation critique de certains établissements français de l’étranger, tant au plan sécuritaire, que financier. Ils ont également demandé des comptes concernant le plan d’urgence de 150 millions d’euros annoncé le 30 avril dernier par le gouvernement.

Des établissements confrontés à une crise sanitaire et sécuritaire

Olivier Brochet a souhaité mettre en avant la résilience du réseau de l’AEFE, qui a su se mobiliser pour gérer non seulement l’impact de la crise, mais également les attaques terroristes, alors que l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine a remis en exergue la nécessité d’instaurer non seulement une sécurisation physique des établissements, mais également une culture du risque.

Toujours concernant la question sécuritaire, le sénateur Ronan Le Gleut s’est inquiété de la situation de l’établissement français de Ouagadougou, dont les embuscades de groupes armés terroristes viennent encore accroître la difficulté de recrutement dans ces établissements situés dans des zones risquées et donc peu attractives : sur les six postes vacants ouverts au sein de la capitale du Burkina Faso, aucun candidat ne s’est présenté.

 

Pour ces pays présentant un « manque d’attractivité », certains postes vont être transformés en postes d’expatriés formateurs : les primes de l’expatriation devraient alors permettre de recruter des personnels plus facilement, a estimé Olivier Brochet.

Christian Cambon, le président de la commission des Affaires étrangère, a ajouté qu’il fallait effectivement rester vigilant sur la sécurité des établissements, et que des réels moyens devaient être donnés afin de ne pas voir les écoles frappées par le terrorisme. À cet effet, il a été rappelé que 9 millions d’euros supplémentaires avaient été alloués pour la sécurité.



Des effectifs à préserver dans un contexte financier difficile

Olivier Brochet a mis en avant une certaine préservation des effectifs au sein du réseau, qui présente une baisse globale de 1 % seulement ; il n’a pas manqué de préciser que ce chiffre restait toutefois à nuancer, puisque si 40 % des établissements ont bien des effectifs stabilisés ou en hausse, 60 % perdent néanmoins des élèves. Cette « fragilisation du réseau » est en partie due aux départs des Français expatriés, alors que les effectifs des nationaux, eux, augmentent.

Le Maghreb, qui présente des résultats très positifs avec une hausse de 6 % de ses effectifs, et une croissance particulièrement observée au Maroc et en Tunisie, fait à cet égard figure d’exception. Car si la situation reste stable en Europe, qui enregistre une baisse des effectifs de 1 %, l’Asie est quant à elle extrêmement touchée et pâtit d’une baisse de 5 %.

Olivier Cadic a émis des doutes quant à l'atteinte de l’objectif du Président de la République de doubler les effectifs d’ici à 2030 : depuis 2017, la hausse ne se porte qu’à 2 % par an. Comment, dès lors, respecter cet objectif, alors que le chiffre de 10 000 élèves supplémentaires cette année est bien loin des 45 000 souhaités ? Olivier Brochet n’a pu que concéder que l’objectif était dorénavant de limiter les chiffres de la soustraction, tout en maintenant les entrées.

 

Des moyens supplémentaires accordés par le plan d’urgence

 

En juillet dernier, des moyens supplémentaires ont pu être accordés grâce au plan d’urgence de 50 millions d’euros, qui a joué un rôle extrêmement important : une partie a été octroyée sous forme d’attributions de bourses spécifiques pour les familles françaises en difficulté, et des crédits spécifiques ont également été accordés aux établissements en difficulté.

Enfin, une aide a été distribuée à tous les établissements du réseau afin qu’ils puissent faire face aux dépenses dans le cadre de la crise de Covid-19, et ainsi couvrir les besoins de matériel informatique, mais aussi de formation. Plus de 350 dossiers demandant des subventions ont été reçus, et 25 millions d’euros y seront consacrés.

Enfin, des avances de trésorerie ont été mobilisées :

  • 38 avances de trésorerie qui se portent à hauteur de 4,7 millions d’euros envers les établissements partenaires ;
  • et des échéances de paiement, accordées aux établissements conventionnés rencontrant des difficultés de trésorerie, à hauteur de 19,7 millions d’euros.

La situation du Liban, premier pays du réseau avec 62 000 élèves, suscite également beaucoup d’inquiétudes : Christian Cambon a déploré l’état d’implosion du pays : sept millions d’euros sont consacrés à l’aide à la trentaine d’établissements libanais touchés par l’explosion du 4 août à Beyrouth.

 

La délicate question des critères d’attribution des bourses en période de crise

 

La question du budget des bourses a longuement occupé les débats : Le sénateur LR Bruno Sido a pointé du doigt l’augmentation des frais de scolarité, qui rend très sensible la question des bourses scolaires, et s’est enquis d’une possible révision des critères d’attribution, allant dans le sens d’un assouplissement. Guillaume Gontard, son collègue écologiste, a rebondi sur les critères d’exclusion des bourses - fondés sur les revenus, le patrimoine immobilier, et le patrimoine mobilier-, qui présentent des défauts.

S’agissant de l’augmentation des frais de scolarité et de la question des bourses, le directeur de l’AEFE a assuré que le report de crédits restants et non utilisés cette année dans le cadre des bourses devrait raisonnablement permettre de couvrir les besoins en 2021 : une marge permet de faire face soit aux besoins des familles, soit à l’augmentation des effectifs.

En cette période de crise, Olivier Brochet a admis porter une grande attention à la question des bourses – et ce d’autant plus qu’il s’agit d’argent public. Le calendrier de l’examen des bourses a ainsi été décalé : choix a été fait de prendre en compte une année glissante, et non pas l’année N-1. Aussi, le calendrier s’étale-t-il de juillet 2019 à juillet 2020, afin de mieux mesurer l’impact sur les revenus des familles.

Le directeur de l’AEFE a fait valoir qu’un groupe de travail devait être tenu pour revoir les critères d’attribution, mais que la crise ne lui permettait pas d’avoir lieu.

 

La situation financière économique de certains établissements

Enfin, le sénateur Ronan Le Gleut s’est inquiété de la situation financière du lycée français de Lomé, qui constate une baisse de 20 % des effectifs, avec seulement 812 élèves actuellement. L’établissement, qui a contracté un emprunt le mettant dans une situation financière délicate, souhaiterait pouvoir échelonner la dette.

Le directeur de l’AEFE a reconnu le déséquilibre économique auquel était confronté le lycée de Lomé, qui reste accompagné, notamment par le placement, à la rentrée prochaine, de six enseignants formateurs, dont la prise en charge par l’Agence devrait aider à alléger les finances.

Concernant le remboursement de l’emprunt, une discussion est engagée à Bercy afin d’apporter rapidement une réponse à ce besoin, qui se pose par ailleurs dans plusieurs autres établissements.

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