La droite et la gauche du Sénat posent leurs conditions avant les consultations à Matignon

La droite et la gauche du Sénat posent leurs conditions avant les consultations à Matignon

Élisabeth Borne a convié les différents groupes parlementaires à Matignon à partir du 3 avril. Bruno Retailleau (LR) exige du « donnant-donnant » dans les relations avec la majorité présidentielle. La gauche ne fait pas mystère de son scepticisme sur le sens de ces nouveaux rendez-vous. « Son temps est précieux mais le nôtre aussi », s’agace Patrick Kanner (PS).
Guillaume Jacquot

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Les invitations ont été réceptionnées ce jeudi. Pour la quatrième fois depuis septembre, les présidents des groupes parlementaires ont rendez-vous dans le bureau de la Première ministre la semaine prochaine, à partir du 3 avril. En annonçant le 26 mars son souhait de recevoir les principales forces politiques du pays, mais aussi les représentants des élus locaux et les partenaires sociaux, Élisabeth Borne espère « apaiser le pays » et surtout « dialoguer avec tous les acteurs sur la méthode » que l’exécutif « veut mettre en place ».

Toutes les oppositions représentées au Sénat n’abordent pas ces consultations de la même manière. Le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, adressera une série de messages, dans ce contexte politique mouvementé depuis le lancement de la réforme des retraites. « Je lui dirai que la priorité aujourd’hui, c’est de rétablir l’ordre en France. On ne peut pas laisser les cagoules noires embraser le pays », martèle le sénateur de la Vendée. Dénonçant « l’immobilisme » qui s’installe comme l’illustre l’absence de textes du gouvernement dans les agendas des assemblées, le chef de file de la majorité sénatoriale entend également rappeler quelques principes sur le positionnement de ses troupes. « On n’a pas changé de ligne au Sénat, on est toujours sur une ligne d’opposition, une opposition d’intérêt général. Nous ne sommes pas dans la majorité présidentielle, nous ne comptons pas en faire partie, ni par l’intermédiaire d’une coalition ou de quelque autre moyen que ce soit. »

« Le gouvernement ne peut pas espérer une coopération du Sénat, si la majorité présidentielle ne coopère pas sur des points importants », prévient Bruno Retailleau

La Première ministre, chargée d’élargir la majorité présidentielle par Emmanuel Macron, est prévenue. Et face à un exécutif affaibli par la situation actuelle, la droite sénatoriale entend négocier et monnayer tout ce qu’elle pourra. Au sujet des futurs textes à venir, Bruno Retailleau met en avant des prérequis : « C’est du donnant-donnant. Le gouvernement ne peut pas espérer une coopération du Sénat, si la majorité présidentielle ne coopère pas sur des points importants, et notamment sur le ZAN. »

Cet objectif de « zéro artificialisation nette » est un objet qui vire au casse-tête dans les collectivités locales, et qui fait l’objet de vives préoccupations au Sénat depuis l’été. « S’il n’y a pas de coopération du gouvernement et de la majorité présidentielle sur ce sujet, il ne faut pas espérer la coopération sur tout autre sujet », insiste Bruno Retailleau.

Les socialistes pourraient se rendre à Matignon après les organisations syndicales

Au sein des groupes de gauche, le carton d’invitation de Matignon ne suscite pas l’emballement des foules. « Je commence à saturer des propositions de rendez-vous de la Première ministre qui ne servent à rien, pour entendre toujours la même rengaine », lâche un parlementaire. Certains ont préféré décliner, comme les deux groupes communistes du Parlement, mais aussi les Insoumis à l’Assemblée nationale. Le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel estime que « tout se décide à l’Élysée ». Dans cette logique, ils annoncent une marche de l’Assemblée nationale vers l’Élysée, pour remettre symboliquement un courrier au chef de l’État, lui demandant de retirer la réforme.

Chez les socialistes, à qui le créneau de 11 heures ce lundi a été proposé, la proposition d’Élisabeth Borne est accueillie avec scepticisme. « Je suis d’accord sur le principe d’y aller, mais s’il y a un intérêt à y aller », résume Patrick Kanner. « Son temps est précieux, mais le nôtre aussi. »

À cette heure, ce vendredi en fin d’après-midi, les socialistes n’avaient pas encore arrêté de position. La réflexion est « en cours », insiste-t-on. Un parlementaire PS précise qu’il serait plus judicieux de « faire les choses dans l’ordre », c’est-à-dire de s’y rendre après les syndicats qui, eux, sont reçus le mercredi 5. « Si l’intersyndicale sort de là en disant qu’il n’y a rien qui bouge, pourquoi voulez-vous qu’on y aille », explique notre interlocuteur.

« L’idée, c’est de ne pas refaire une mise en scène au service de Matignon », insiste un écologiste

Idem chez les écologistes, les arbitrages étaient toujours en cours, au même moment. « Il n’y a pas d’urgence totale à répondre », assure Guillaume Gontard, le patron des écologistes au Sénat. « Il y a quelque chose qui me paraît sûr : on ne peut y aller avant les syndicats. C’est une question de méthode. » Le sénateur de l’Isère, très remonté contre l’inflexibilité du gouvernement et « la violence d’État qui s’est mise en place autour des manifestations », fait également part de sa lassitude : « Les réunions où on ne nous dit rien, ou rien n’est négocié, pour faire de la câlinothérapie, ça va cinq minutes. On n’est plus à ce stade-là. On aura besoin de se rendre à Matignon quand Élisabeth Borne aura des choses à nous dire. Pour l’instant, on ne voit pas trop. »

Un cadre critique d’ailleurs les contours « flous » de l’ordre du jour et l’absence de garanties sur la méthode. « Il y a des prérequis pour la discussion. Savoir de quoi on parle. L’idée, c’est de ne pas refaire une mise en scène au service de Matignon, sans possibilité de discuter le cœur de la réforme des retraites. »

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