La loi Santé va-t-elle calmer la crise aux urgences ?
Alors qu’est voté aujourd’hui le projet de loi Santé au Sénat, 95 services d’urgences sont en grève. Leur mobilisation avait déjà fait irruption dans les débats du Sénat, et les mesures annoncées par Agnès Buzyn pour répondre à la crise ne convainquent pas les sénateurs.

La loi Santé va-t-elle calmer la crise aux urgences ?

Alors qu’est voté aujourd’hui le projet de loi Santé au Sénat, 95 services d’urgences sont en grève. Leur mobilisation avait déjà fait irruption dans les débats du Sénat, et les mesures annoncées par Agnès Buzyn pour répondre à la crise ne convainquent pas les sénateurs.
Public Sénat

Par Ariel Guez

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Urgence aux urgences. Alors qu’ils étaient 62 services d’urgences en grève le 20 mai, ils sont désormais 95 aujourd’hui, sur les 680 que compte le réseau hospitalier français. Une mobilisation qui gagne en ampleur alors qu’aujourd’hui est voté le projet de loi Santé, amendé sur plusieurs points par le Sénat (voir notre article).

Les raisons de la colère

La grève a commencé lundi 18 mars, à l’Hôpital Saint-Antoine dans le 12e arrondissement de Paris, après une énième agression d’un patient contre le personnel. Des agressions dont sont victimes les urgentistes partout en France, puisqu’hier, ce sont quatre d’entre eux qui auraient été agressés par une patiente dans un hôpital rennais, selon la presse locale. Depuis mars, la contestation a monté, et plus d’un service d’urgence sur dix est désormais en grève. Le collectif Inter-Urgences dénonce une augmentation constante de patients, qui en 2018 ont été 21 millions à franchir les portes des services d’urgences, un chiffre qui a doublé en 20 ans. Selon de nombreux médecins, certains patients se rendent aux urgences alors « qu’ils n’ont rien à y faire ».

En parallèle de cette forte hausse, le collectif Inter-Urgences s’alarme sur les baisses des effectifs de personnels hospitaliers ces dernières années. Moins de personnels, des conditions de travail qui se dégradent et une insécurité grandissante. En clair, les urgentistes réclament une augmentation des moyens, humains et financiers, alloués à leurs services.

Les sénateurs jugent insuffisantes les réactions d’Agnès Buzyn

Pour répondre à la crise, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a pris plusieurs mesures la semaine dernière. La mise en place d’une prime de dangerosité élevée à cent euros a été avancée. Agnès Buzyn a demandé que les agences régionales de santé dégagent des crédits supplémentaires pour les services d’urgences. La ministre a également annoncé le lancement d’une mission « pour penser les urgences de demain ».

Au Sénat, les élus sont unanimes pour comprendre le malaise du personnel hospitalier, mais les mesures annoncées par Agnès Buzyn sont jugées insuffisantes.

À gauche, Laurence Cohen (PCF) rappelle son soutien aux personnels grévistes et affirme que le déblocage d’une prime « n’est pas à la hauteur des besoins en santé et du manque de personnels. Il y a un manque criant de personnel, il faut embaucher ! » Son collègue socialiste Yves Daudigny la rejoint également. « On a l’impression que le gouvernement ne veut pas comprendre. […]. Il ne fallait pas faire porter la responsabilité sur le personnel hospitalier ni sur les patients », affirme-t-il

Elisabeth Doineau « Les annonces faites par Agnès Buzyn répondent partiellement à la crise des urgences »
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La centriste Élisabeth Doineau juge, elle, que la prime de cent euros annoncée par Agnès Buzyn « répond partiellement » aux demandes des grévistes. La sénatrice plaide pour une augmentation du salaire des infirmiers et des aides-soignantes « qui sont en première ligne et dont le salaire est trop peu élevé par rapport à leurs responsabilités et leur engagement significatif ».

À droite, René-Paul Savary (LR) alerte quant à lui sur l’efficacité du projet de loi Santé, voté cet après-midi. « Toutes les mesures n’ont pas forcément été prises par rapport à ces difficultés, et je ne suis pas sûr que cette loi santé réglera les problèmes des urgences, si les mesures que nous avons proposées ne sont pas prises en compte », explique-t-il.

Il faudra attendre l’automne et le PLFSS

Dans le texte du projet de loi Santé, tel qu’il est actuellement rédigé, les services d’urgences ne sont pratiquement pas évoqués. Pour désengorger ces services, le texte prévoit néanmoins une plus grande complémentarité entre les hôpitaux de proximité et les médecins libéraux dans les villes. Les hôpitaux de proximité ne seront d’ailleurs pas obligés d’avoir un service d’urgences (voir notre article).

Si Élisabeth Doineau pense que le projet de loi Santé va répondre à la problématique des urgences « en amont », d’un point de vue organisationnel, il faudra attendre l’automne et l’étude du projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS), pour que les crédits destinés aux urgences soient potentiellement augmentés. « Le système de santé n’est pas suffisamment financé […] et on n’a pas formé suffisamment de médecins. Il arrive à un moment où l’équation n’est plus résolvable. », dénonce René-Paul Savary

« On ne peut pas imaginer que notre système de santé soit réformé sans moyens nouveaux », s’alarme Yves Daudigny
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Car le projet de loi de Santé n’aborde pas non plus le financement du système de santé. « C’est une loi d’organisation qui ne porte aucune mesure financière. Mais on ne peut pas imaginer que notre système de santé soit réformé sans moyens nouveaux », s’alarme Yves Daudigny. Le sénateur socialiste sait néanmoins qu’il sera difficile pour la gauche de faire avancer ses pions en automne. « Le rendez-vous s’annonce très mal, puisque contrairement à ce qui se disait il y a quelques mois, les comptes de la sécurité sociale vont à nouveau être en déséquilibre ».

Élisabeth Doineau (UC) voit quant à elle l’étude du PLFSS comme un moyen de répondre à cette problématique des urgences, « qui n’est pas nouvelle. Depuis dix ans, le nombre d’urgences a été multiplié par deux. […] Donc il faut réorganiser nos territoires, tout en apportant des financements pour des lits d’aval dans les hôpitaux », explique-t-elle.

Les communistes ont eux aussi annoncé vouloir jouer sur le budget (voir notre article). Il y a quelques jours, Laurence Cohen voulait que l’État déclare « l’état d’urgence pour les hôpitaux ». Une mesure réaffirmée ce matin. « Il faut que le gouvernement entende le cri des urgentistes, ce n’est pas quelque chose qui explose dans un ciel serein, ça fait des mois et des mois que le personnel est en grève et interpelle la ministre, et elle ne répond pas. Ce ne sont pas les petites mesures qu’elle prend qui vont arranger les choses », s’alarme la sénatrice communiste.

"Il faut déclarer l'état d'urgence pour les hopitaux" s'alarme Laurence Cohen
00:34

 

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