« La présidence française de l’Union européenne n’est pas une opération communication avant la présidentielle » dénonce Jean-François Rapin (LR)

« La présidence française de l’Union européenne n’est pas une opération communication avant la présidentielle » dénonce Jean-François Rapin (LR)

Alors que la présidence française de l’Union européenne s’ouvre dans moins d’un mois, le président de la commission sénatoriale aux Affaires européennes dresse panorama des enjeux de ce premier semestre 2022, où la France sera le leader temporaire de l’UE. Enfin plutôt du trimestre, puisque – de fait – cette présidence sera écourtée par la campagne présidentielle.
Louis Mollier-Sabet

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« Quand on a planifié ce rendez-vous, on pensait avoir les grandes lignes » s’excuse presque Jean-François Rapin au moment de rencontrer la presse au Sénat ce mardi matin. Pour le président de la commission des Affaires européennes, le but était au départ de faire un point sur les priorités fixées par le Président de la République pour la présidence française de l’Union européenne (PFUE), mais malheureusement, le calendrier laisse Jean-François Rapin « sur sa faim. » La date du 1er décembre avait été évoquée un temps par le gouvernement pour fixer l’agenda politique de cette PFUE, mais l’échéance a été reportée au 9 décembre. Le chef de l’Etat s’exprimera en effet jeudi à ce propos dans une conférence de presse. Les raisons de ce retard restent floues, mais Jean-François Rapin laisse entendre que certains dossiers bloqueraient encore dans les négociations avec Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Charles Michel, président du Conseil européen autour de l’agenda du prochain semestre. En cause – « peut-être » – le futur pacte migratoire européen, et notamment la répartition de l’immigration légale ou bien les relations post-Brexit avec la Grande-Bretagne.

« Le Président de la République mise sur la logique du chef »

Ce petit retard à l’allumage est d’autant plus problématique que la présidence effective de l’Union européenne par la France sera – de fait – écourtée par la campagne présidentielle. Il sera effectivement plus difficile pour le Président de la République et son gouvernement de faire des annonces en tant que leader de l’Union européenne pendant la campagne présidentielle officielle : « Théoriquement, le travail pourra continuer, mais les ministres seront en campagne aussi, ils ne pourront pas en faire la publicité » concède Jean-François Rapin. Mais ce télescopage des calendriers a par exemple des conséquences très concrètes sur les travaux parlementaires menés dans le cadre de la présidence française. L’État-membre qui exerce la présidence tournante – la France en l’occurrence – a en effet la charge d'organiser ce que l’on appelle les « COSAC » (Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires) qui rassemblent des représentants du Parlement européen et des Parlements des État-membres. Ces réunions, qui se tiennent habituellement en mai lors du premier semestre, auront lieu les 13 et 14 janvier au Sénat et des 3 à 5 mars à l’Assemblée nationale sous la présidence française.

Mais alors, n’aurait-on pas pu décaler cette présidence française de l’Union européenne à un moment plus opportun ? « Je vais faire un peu de politique, reconnaît Jean-François Rapin, mais il y a un effet de communication évident. Le Président de la République mise sur une sorte de logique du chef et veut montrer que s’il peut être le chef de l’Europe, il peut être le chef de la France. Une présidence de l’Union européenne est une bonne occasion de faire des coups politiques. » Force est de constater que la ficelle est un peu grosse, mais comment expliquer que les autres État-membres aient accepté ce calendrier ? « Les pressions sur le sujet sont arrivées trop tard, explique Jean-François Rapin. Les État-membres s’expriment maintenant et râlent, mais agissent peu. » D’après le président de la commission sénatoriale aux Affaires européennes, cela aurait pourtant pu être un vrai problème de vacance du pouvoir au niveau européen : « Imaginez que la coalition ne se passe pas bien en Allemagne, on aurait eu une vraie difficulté à gérer l’Europe. Les négociations ont l’air d’aboutir, je suis plutôt rassuré, mais on aurait pu avoir un vrai sujet à partir de mars, avec un couple franco-allemand inexistant alors que l’Europe doit traiter des sujets lourds. »

« Une présidence française de l’Union se prépare bien avant, et laisse des traces bien après »

Et des « sujets lourds », ce n’est pas ce qu’il manque à l’Union européenne en ce moment. Des échanges avec Jean-François Rapin, se dégagent deux types de dossiers, avec d’abord les crises sanitaires et migratoires, ainsi que les relations post-Brexit avec le Royaume-Uni, qui seront les dossiers chauds de la PFUE. Ensuite, il faudra aussi avancer sur des sujets plus structurels, mais aux enjeux tout aussi cruciaux, comme la transition écologique – avec le Green Deal, le plan de relance et la taxonomie verte – et numérique, avec le Digital Service Act. Sur le futur pacte migratoire européen, Jean-François Rapin se montre très clair, il ne faut pas se faire d’illusions, « vu l’état des négociations, il est impossible qu’elles aboutissent pendant la PFUE. » Reste à savoir comment la France peut faire avancer le dossier. Au niveau de la taxonomie verte européenne, le président de la commission des Affaires économiques se montre plus optimiste, et le Sénat a d’ailleurs voté une proposition de résolution européenne « insistant pour que le nucléaire soit intégré » à cette taxonomie. Après avoir rencontré Ursula von der Leyen avec le président Gérard Larcher, Jean-François Rapin a « compris que la commission voulait que cela aboutisse avant Noël. » Un compromis intégrant le nucléaire dans les énergies pouvant être financées par des fonds européens devrait être trouvé en en faisant une « énergie de transition », mais en incluant aussi le gaz en échange, pourtant 40 fois plus émetteur en gaz à effet de serre que le nucléaire et l’éolien.

>> Lire aussi : Gwendoline Delbos-Corfield : « On a laissé internet se développer sans règles »

Les enjeux sont de taille, et Jean-François Rapin regrette la méthode employée par le chef de l’Etat. Le calendrier reste en travers de la gorge du président de la commission des Affaires européennes : « La présidence française de l’Union européenne ce n’est pas une opportunité de communication de 3 mois avant l’élection présidentielle. Une présidence française de l’Union se prépare bien avant et doit laisser des traces politiques bien après. » Au-delà de l’aspect politique d’une présidence française de l’Union européenne en pleine campagne présidentielle, à la fois pour le chef de l’Etat et l’opposition, ce calendrier dénote la faible prise en compte des enjeux européens par le monde politique français. Jean-François Rapin va même jusqu’à y déceler une perte de poids de la France dans les instances européennes : « Les Anglais arrivaient à peser dans les négociations européennes pour en sortir vainqueurs, tout comme les Allemands aujourd’hui. Or mon travail de président de la commission des Affaires européennes jusqu’ici m’a convaincu que la France a perdu sa capacité à être très présente dans les instances européennes. » À Emmanuel Macron de fixer un cap suffisamment fort ce jeudi 9 décembre pour faire mentir le diagnostic.

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