Le coût de l’école inclusive et la revalorisation des salaires des enseignants remis en cause par un rapport sénatorial
Publié en marge de l’examen au Sénat du budget 2023, un rapport de Gérard Longuet cible les conséquences budgétaires sur le long terme de la revalorisation des salaires des enseignants et le coût de « l’école inclusive ». 

Le coût de l’école inclusive et la revalorisation des salaires des enseignants remis en cause par un rapport sénatorial

Publié en marge de l’examen au Sénat du budget 2023, un rapport de Gérard Longuet cible les conséquences budgétaires sur le long terme de la revalorisation des salaires des enseignants et le coût de « l’école inclusive ». 
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Rapporteur spécial de la commission des finances sur l’enseignement scolaire, Gérard Longuet vient de publier son rapport, en marge de l’examen par le Sénat du projet de loi de finances (PLF) pour 2023.

Si l’année dernière le rapport avait pointé le manque criant d’attractivité des métiers de l’enseignement, le sénateur LR de la Meuse insiste cette année sur deux thématiques. D’un côté, il souligne que l’augmentation du budget de l’Education nationale (+6,5 %, soit 3,576 milliards d’euros) est en grande partie liée à l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires. Et de l’autre, il alerte sur la soutenabilité budgétaire de la politique de l’école inclusive.

1,2 milliard d’euros pour revaloriser les salaires

Cette année, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » s’élèvent donc à 58,821 milliards d’euros (hors contribution au CAS « Pensions »), contre 55,245 milliards d’euros en 2022. Concrètement, cela représente une augmentation de 6,5 % par rapport à 2022. Faut-il y voir un investissement fort du gouvernement en matière éducative pour autant ? Pas tout à fait, si l’on en croit le rapport : « Compte tenu du poids des dépenses de personnel dans la mission (plus de 90 % des crédits), la hausse de 3,5 % du point d’indice décidée à l’été 2022 a eu un impact budgétaire très important. En 2023, son coût sera d’1,2 milliard d’euros, soit un montant supérieur à celui des mesures catégorielles et qui explique à lui seul près d’un tiers de la hausse globale de la mission. »

Le sénateur met aussi en garde sur la mise en place du traitement de 2 000 euros net par mois pour les enseignants débutants à partir de la rentrée 2023. Si la mesure est à saluer selon lui - car elle répond en partie au manque d’attractivité du métier - des interrogations demeurent, en particulier à propos de son périmètre d’action. La mesure doit en effet s’appliquer durant les vingt premières années de carrière. « Il serait logique que cette hausse ne soit ni linéaire ni identique pour l’ensemble des enseignants concernés, sous peine d’un effet de seuil fort, une fois passés les vingt ans, qui serait très désincitatif pour la seconde partie de carrière », détaille le rapport. Et Gérard Longuet de commenter : « Il faut encourager les enseignants à rester, en particulier dans des disciplines comme les maths, la physique ou l’anglais, des matières où les professeurs peuvent choisir un autre métier que l’enseignement. »

Augmentation des élèves en situation de handicap depuis 10 ans

Autre thématique importante : la politique de l’école inclusive qui garantit le droit à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, à travers notamment une scolarisation de la maternelle au lycée qui prend en compte les singularités et besoins éducatifs particuliers de chacun.

En dix ans, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 126 000 dans le premier degré et 76 000 dans le second degré à respectivement 200 000 et 184 000, soit une hausse de 58,7 % des effectifs dans le primaire et près de 150 % dans le secondaire. En conséquence, les crédits consacrés à cette mission sont en très nette hausse sur l’ensemble des dernières années. « Au cours du dernier quinquennat, ces crédits ont augmenté de 116 % et 11 % entre 2022 et 2023, note le rapport. La hausse de moyen terme ne peut qu’interroger dans la mesure où, au cours des dix dernières années, les moyens consacrés à la scolarisation de handicap ont crû de plus de 300 %. »

A lire aussi » Budget : le gouvernement s’est-il gardé « une poire pour la soif » ?

Au cœur de cette politique d’inclusion, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). D’importants moyens ont été déployés depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron : le nombre d’AESH a augmenté de 55 % depuis 2017. Et depuis 2015, on retrouve même cinq fois plus de ces accompagnants dans les écoles françaises. Et ce, avec des disparités de situation : « Certains sont payés comme salariés, d’autres sont rémunérés sur des frais de fonctionnement d’établissements », rappelle Gérard Longuet.

La réforme du lycée professionnel impactera le budget après 2024

En filigrane est posée ici la question de la pertinence des dispositifs pour les enfants en situation de handicap. « Certaines formes de handicaps traditionnels ont diminué grâce aux progrès de la médecine prénatale, explique le rapporteur spécial. En revanche, il y a des handicaps qui peuvent toucher à des sujets plus comportementaux qui doivent être traités différemment. Or, on note qu’il y a des décisions parfois très ouvertes des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en charge des notifications d’AESH ». Et de résumer : « Il faut trouver les solutions les plus adaptées à chaque fois. » Une situation que plusieurs parents d’élèves en situation de handicap réclament aux pouvoirs publics. Faute de place dans des établissements spécialisés, la seule solution qui leur est proposée est une scolarisation classique suivie par un AESH, quand bien même la solution n’est pas adaptée.

Enfin, le rapport se conclut sur la réforme du lycée professionnel qui vise à augmenter le temps passé en entreprise des lycéens à travers des contrats d’apprentissage ou des stages. Les conséquences sur le budget ne seront visibles qu’après 2024. Pour l’heure, des inquiétudes commencent à se formuler dans les ministères au sujet du financement : « Normalement, c’est le ministère du Travail à travers les CFA qui est chargé de l’apprentissage, et pas de l’Education nationale. » Aujourd’hui, les services de l’Etat se demandent à qui reviendra la charge d’absorber le coût de la mesure, à savoir 263 millions d’euros pour l’enseignement public et de 63 millions d’euros dans l’enseignement privé sous contrat, selon les estimations.

 

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