Le Sénat encadre l’autorisation pour les orthoptistes de prescrire des lunettes et des lentilles

Le Sénat encadre l’autorisation pour les orthoptistes de prescrire des lunettes et des lentilles

L’article suscite le courroux des ophtalmologues. Dans le cadre du PLFSS, le gouvernement dote les orthoptistes de nouvelles compétences, telles que la prescription de lentilles de contact et de lunettes, ou la réalisation d’un bilan visuel. Très critique, le Sénat a choisi d’encadrer les nouvelles compétences des orthoptistes plutôt que de supprimer l’article.
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Par Héléna Berkaoui

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« Ubérisation de la médecine. » L’accusation est tombée après que le gouvernement a choisi de doter les orthoptistes de nouvelles compétences, telles que la prescription de lentilles de contact et de lunettes, ou la réalisation d’un bilan visuel. Le but est de faciliter l’accès aux soins en ophtalmologie dans les déserts médicaux où les délais d’obtention d’un rendez-vous sont particulièrement longs.

Le Sénat a examiné, samedi 13 novembre, l’article de la loi de financement de la sécurité sociale introduisant cet article. Une partie de l’hémicycle était tout simplement pour sa suppression, mais c’est une démarche plus pragmatique qui a été préférée par la Haute assemblée avec un encadrement renforcé des nouvelles compétences des orthoptistes.

Les syndicats du secteur, vent debout contre cette réforme réalisée « sans concertation préalable entre les parties prenantes » et « sans évaluation », ont interpellé les parlementaires leur faisant part de leurs craintes. Ces inquiétudes se sont fait entendre dans l’hémicycle. Par ailleurs, la filière visuelle n’est pas la seule concernée par ces mesures d’accès aux soins. En effet, d’autres articles du PLFSS viennent faciliter l’accès aux soins, à titre expérimental cette fois, notamment pour les orthophonistes ou les masseurs-kinésithérapeutes. Des expérimentations encadrées par des amendements de la commission des Affaires sociales ici et .

« Faciliter l’accès aux soins mais pas à n’importe quel prix »

Déserts médicaux : « Faciliter l’accès aux soins mais pas à n’importe quel prix »
01:48

Si la problématique des déserts médicaux tient une place importante au Sénat, cette proposition ne contente pas pour autant les sénateurs. « Faciliter l’accès aux soins, d’accord mais pas à n’importe quel prix. La qualité et la pertinence des soins doivent rester cardinales dans l’organisation des parcours », a insisté la rapporteure du texte, Corinne Imbert (voir la vidéo ci-dessus).

Comme elle, plusieurs sénateurs s’inquiètent de la qualité des soins délivrés par les orthoptistes. La présidente de la commission des Affaires sociales pointe à ce titre le risque que « des pathologies oculaires ne soient pas détectées par l’orthoptiste ».

Le sénateur LR, Jean Sol, estime à cet égard que les orthoptistes, qui effectuent « 3 années d’études (contre 12 pour les ophtalmologistes) ne semblent pas s’être correctement préparés à ces nouveaux actes médicaux ». En conséquence, des erreurs de diagnostic, ou bien l’absence de repérages de pathologies oculaires graves pourraient advenir selon lui.

Sur la forme, cet article pose un certain nombre de questions aux sénateurs. Pour eux, le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas adapté à un article portant sur les conditions d’exercice des professionnels de santé. Aussi, toutes et tous auraient préféré en débattre dans une vraie loi de santé et non « en moins de trente minutes », comme l’a noté le sénateur, Bruno Belin.

Autre problème : l’absence de concertation avec les professionnels du secteur. Le sénateur socialiste, Bernard Jomier, a jugé cette méthode « contre productive », dénonçant un « autoritarisme mal placé » qui aura pour conséquence de « semer de la discorde » entre les orthoptistes et les ophtalmologues.

Déserts médicaux : « On ne peut pas s’opposer à une mesure qui permet d’y répondre »

Alors que le ministre de la Santé est en Isère - une absence qui a irrité René-Paul Savary, d’autant que ce n’est pas la première - c’est le secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles qui faisait face aux sénateurs. Adrien Taquet s’est empressé de réfuter l’absence d’évaluation et de concertation avec les professionnels mettant en avant un rapport de l’Igas sur la filière visuelle. Il assure par ailleurs qu’une « concertation avec l’ensemble de la filière » a bien eu lieu et assure que « le décret d’application sera concerté avec l’ensemble de la filière » (voir la vidéo en tête d’article).

« On ne peut pas tous regarder les déserts médicaux et s’opposer à une mesure qui permet d’y répondre », a également rétorqué le secrétaire d’Etat. Selon lui, un certain nombre de garanties sont en place pour apaiser les inquiétudes exprimées. « Seuls les adultes âgés de 16 à 42 ans et ayant une faible correction sont concernés », indique-t-il aussi. Les enfants et les personnes âgées représentent effectivement les publics les plus sensibles dans ce secteur.

Le Sénat a toutefois voulu encadrer de façon plus rigoureuse la relation entre les orthoptistes et les ophtalmologues. Adopté en séance, l’amendement de la commission des Affaires sociales, portée par Corinne Imbert, prévoit ainsi de « garantir des critères exigeants pour la réalisation, par les orthoptistes, de bilans visuels ou de dépistages, notamment chez l’enfant ». L’amendement exige également un avis du conseil national professionnel d’ophtalmologie avant que les textes d’application soient pris.

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