Le Sénat pessimiste sur les chances d’adoption du pacte européen sur la migration et l’asile

Le Sénat pessimiste sur les chances d’adoption du pacte européen sur la migration et l’asile

Un rapport sénatorial met en évidence les divisions qui subsistent entre Etats européens, un an après les propositions de la Commission européenne sur la politique migratoire et d’asile. L’hémicycle doit en débattre le 5 octobre.
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Parmi les dossiers qui attendent la France, pour sa présidence du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022, celui-ci sera certainement l’un des plus délicats. Un an après sa présentation, le 23 septembre 2020, l’avenir du nouveau Pacte sur la migration et l’asile de la Commission européenne reste incertain. Un rapport de deux sénateurs, André Reichardt (LR) et Jean-Yves Leconte (PS), est venu dresser l’état des lieux sur cet ensemble de textes contraignants et d’orientations stratégiques, qui doivent être soumis à l’examen du Parlement et du Conseil de l’Union européenne (les chefs de gouvernement). Il ne déborde pas d’optimisme sur les chances de succès du Paquet en un seul morceau.

Ce Pacte vise à refondre la politique migratoire européenne (compétence partagée entre l’Union européenne et les Etats membres), déstabilisée par l’afflux de réfugiés en 2015. Trois nouveaux règlements sont sur la table.

Des procédures à la frontière revues et un mécanisme de solidarité entre Etats

Le Pacte prévoit de toiletter le règlement dit « Dublin III », ce texte qui détermine l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile. L’un des grands principes de la réforme serait d’installer un mécanisme de solidarité entre les États membres. En cas de pression migratoire ou de crise, le nouveau système devrait permettre des réponses solidaires et imposerait de prendre en charge des relocalisations ou des retours de demandeurs d’asile.

Un autre règlement vise à mettre en place une procédure de filtrage (« screening ») aux frontières extérieures de l’Union européenne, c’est-à-dire des vérifications d’identité, de sécurité et de vulnérabilité avant d’orienter une personne.

Une refonte de la base de données Eurodac devrait permettre une information plus complète sur les demandeurs d’asile et les migrants irréguliers, et surtout une interconnexion avec les données de l’espace Schengen. Cette mise à jour permettrait à l’Union européenne de mieux contrôler les mouvements secondaires, c’est-à-dire les demandes d’asile formulées par des migrants qui ont déjà effectué une demande dans un autre Etat, au moment de leur arrivée. Bref, l’ambition du Pacte est « grande », considère la commission des affaires européenne du Sénat.

Plusieurs Etats européens mécontents

Mais après l’échec des discussions sur le « paquet asile » de 2016, les sénateurs craignent une fois de plus l’absence de consensus sur ces nouvelles propositions. « Les divisions persistantes entre acteurs du jeu institutionnel européen menacent l’adoption du Pacte », relèvent les sénateurs. Le rapport souligne que plusieurs Etats membres d’Europe centrale (Hongrie, Pologne, Slovaque, République tchèque) s’opposent à toute forme de solidarité obligatoire dans l’accueil des demandeurs d’asile. Quant aux Etats méditerranéens (Grèce, Italie, Espagne), où ont lieu les premières demandes, ils redoutent que l’essentiel de la prise en charge repose encore sur leurs épaules.

Lors de la présentation du rapport, fin septembre, le corapporteur André Reichardt a fait savoir qu’il n’était « pas optimiste sur les suites de ce dossier ». L’examen au Parlement européen s’annonce aussi délicat. Deux eurodéputées auditionnées par les rapporteurs, Fabienne Keller (groupe Renew) et Sylvie Guillaume (groupe des socialistes et démocrates) se montrent réservées sur les chances d’adoption du Pacte au printemps prochain.

Un dossier qui n’aboutira probablement pas pendant la présidence française

Le ministre en charge des Affaires européennes, Clément Beaune, a lui aussi été sondé par le sénateur PS Didier Marie, dans le cadre d’une réunion le 25 septembre, sur les perspectives possibles du Pacte. « Le ministre n’a pas su répondre clairement à cette interrogation. L’objectif initial du gouvernement était de clore ce dossier durant la présidence française, mais il semble aujourd’hui prendre conscience qu’il n’y parviendra pas », constate le président de la commission des affaires européennes du Sénat, Jean-François Rapin (LR).

Face aux nombreux obstacles, la France entend avancer prudemment, « pas à pas », et construire des majorités avec une « approche technique ». Or, le contexte a changé depuis la présentation des textes en septembre 2020. Après une année pandémique particulière, les flux migratoires irréguliers vers l’Union européenne sont repartis nettement à la hausse : une hausse de 64 % sur les 8 premiers mois de 2021 par rapport à 2020, insiste le rapport. La crise afghane est par ailleurs une nouvelle donnée à prendre en compte, tout comme la répression en Biélorussie, ou encore les tensions entre la France et le Royaume-Uni sur les traversées de la Manche.

« Les mesures pas à pas et les mesures techniques avancées par le ministre ne permettraient sans doute pas de répondre à une situation de pression migratoire plus importante », estime Jean-François Rapin. Ce mardi 5 octobre, le Sénat sera une nouvelle fois en mesure de demander des précisions au ministre sur cette réforme européenne. Le groupe LR a convoqué un débat sur ce thème dans l’hémicycle.

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