Le Sénat refuse d’inscrire dans la loi la fin de la vente des voitures essence et diesel en 2040

Le Sénat refuse d’inscrire dans la loi la fin de la vente des voitures essence et diesel en 2040

Lors de l’examen du projet d’orientation des mobilités, les sénateurs ont refusé tous les amendements déposés par la gauche ou le groupe LREM demandant d’inclure dans la loi l’objectif de 2040 pour la fin de la vente aux particuliers des voitures aux moteurs thermiques.
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C’était le 6 juillet 2017. Par la voix de l’ancien ministre Nicolas Hulot, le gouvernement dévoilait son ambitieux plan climat. Dans la lignée de l’accord de Paris signé durant la COP21 en 2015, la France se fixait comme but la neutralité carbone en 2050, mais aussi la fin de la commercialisation des voitures essence et diesel pour les particuliers à l’horizon 2040.

Ces deux objectifs sont rappelés dans l’exposé des motifs du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), débattu au Sénat depuis le 19 mars. Insuffisant pour plusieurs groupes du Sénat, notamment à gauche, qui préférait les voir inscrits dans le marbre de la loi. En séance, ce mardi soir, le Sénat a refusé tous ces amendements. Un scrutin public a même été organisé sur l’amendement défendu par le groupe La République marche (LREM). Ce dernier a été refusé par 206 voix contre 119 (17 abstentions).

« Un cap clair » pour les constructeurs

Le sénateur LREM Frédéric Marchand avait encouragé l’hémicycle à donner un « signal fort », en suivant l’avis du Conseil national de la transition écologique rendu le 13 novembre 2018. « Il permettra non seulement d’assurer sur le long terme une visibilité pour les acteurs de la filière, d’accompagner les évolutions liées à cette transformation inéluctable et ses impacts sur l’emploi, mais également de répondre aux problématiques de pollution de l’air », a expliqué le sénateur du Nord.

Les sénateurs LREM veulent inscrire dans la loi la fin de la vente des voitures essence et diesel en 2040
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Avec une pensée pour les récentes mobilisations lycéennes lors des marches pour le climat, la présidente du groupe CRCE (communiste, républicain, citoyen et écologiste), la sénatrice Élianne Assassi a repris le même argument stratégique. « C’est rendre service à nos constructeurs que de leur donner un cap clair ».

Idem, au groupe socialiste, où Angèle Préville a souligné le retard pris par la France. « Le nombre d'immatriculations de véhicules électriques reste dérisoire. Si l’on se réfère à la part des ventes véhicules électriques ou hybrides dans le total des ventes 2018, les 2,1% de la France font pâle figure, loin derrière nos partenaires européens, comme la Norvège, la Suède, les Pays-Bas, et même le Portugal », a-t-elle regretté.

La ministre Élisabeth Borne reconnaît qu’il s’agirait d’un « signe fort » donné aux acteurs

Fin du moteur thermique en 2040 : Borne reconnaît qu’il s’agirait d’un « signe fort »
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Pour le sénateur du groupe RDSE, l’écologiste Ronan Dantec, si l’on n’interdit pas les véhicules thermiques en 2040, « nous n’avons strictement aucune chance de tenir nos engagements ». Le sénateur de Loire-Atlantique redoute que le Parlement « refasse le débat du glyphosate ». L’an dernier, il avait renoncé à inscrire dans loi agriculture et alimentation (Egalim) la date butoir de 2021 pour l’interdiction de la vente de cet herbicide.

Rappelant qu’il était important de « se donner des objectifs ambitieux », la ministre des Transports, Élisabeth Borne, a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat, non sans reconnaître la portée d’une telle modification. « Est-ce qu’il faut les mettre dans la loi ? Je pense que ça donnerait un signe fort aux acteurs », a-t-elle considéré.

La majorité sénatoriale de droite et du centre s’est relayée pour faire part de son scepticisme et appeler les bancs de la gauche à une forme de réalisme. « Nous préférons évidemment inciter, encourager et accompagner plutôt qu’interdire », a rétorqué le rapporteur Didier Mandelli (LR). « Les Français aujourd’hui, tous acteurs confondus, ont bien en tête ces objectifs, ils ont été annoncés […] Laissons l’ensemble des acteurs s’approprier ce qui est défini. »

Gérard Longuet craint une dépendance vis-à-vis de la Chine

Fin des voitures thermiques en 2040 : Gérard Longuet craint une dépendance vis-à-vis de la Chine
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Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le sénateur (LR) Gérard Longuet a lui alerté sur les dangers d’un amendement qui risquerait de « désarmer nos constructeurs » et « rendre les clés de la maison ». Le sénateur de la Meuse a notamment expliqué qu’il y avait un risque de dépendance à l’égard de la Chine, principal producteur de batteries, qui représentent « 45 à 50 % du coût du véhicule électrique ». « Nous risquons d’être dans une situation où nous allons affaiblir notre industrie automobile, peut-être même la dégrader d’une façon inéluctable », a-t-il alerté.

Ronan Dantec a immédiatement répondu à son contradicteur en soulevant un autre risque susceptible de « déstabiliser » les constructeurs automobiles. « Si nous ne voulons pas que ces forces, que je vais qualifier d’un peu conservatrices, ralentissent la mutation, il faut justement que dans la loi les signaux soient extrêmement clairs ! »

Quant à la centriste Nadia Sollogoub, elle a donné une autre raison de pas inclure l’objectif de 2040 dans la loi. « Ce n’est pas la loi qui fait évoluer les process industriels, c’est la demande, c’est le marché », a-t-elle argumenté.

Le précédent de la réduction de la part du nucléaire

Lassé lui aussi d’un débat « assez théorique », le président (UDI) de la commission de l’Aménagement du territoire, a lui considéré qu’il était inutile d’adopter ces amendements. « L’expérience nous a prouvé qu’il ne suffit pas de fixer un objectif dans la loi pour qu’il soit tenu », a-t-il rappelé à ses collègues. Le sénateur a nommément cité l’exemple de la loi sur la transition énergétique, qui prévoyait la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% en 2025. En novembre 2017, le gouvernement avait reconnu, comme le Sénat avant lui, que la trajectoire était intenable, et qu’il fallait plutôt travailler sur les échéances 2030 ou 2035 (revoir notre interview de Nicolas Hulot).

Fin des voitures thermiques en 2040 : « Il ne suffit pas de fixer un objectif dans la loi pour qu’il soit tenu » (Maurey)
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« Il ne suffit pas de fixer un objectif dans la loi pour qu’il soit tenu » (Hervé Maurey)

Pour Hervé Maurey, ce précédent justifiait à lui seul de ne pas adopter les amendements présentés par la gauche et la République en marche. « Je veux bien qu’on passe un temps fou à se battre sur la question de savoir s’il faut inscrire dans la loi l’objectif de 2040, mais si c’est pour au final, en 2035 ou en 2038, dire que ça n’est pas tenable, je crois finalement que tout ça est un peu inutile. »

Même si le petit groupe du parti présidentiel au Sénat a défendu la nécessité d’inscrire l’objectif de 2040 dans le projet de loi, les choses semblent être différentes chez leurs homologues de l’Assemblée nationale, insatisfaits de cette rédaction. Ce mercredi matin, le député LREM Jean-Marc Zulesi indiquait que « l’interdiction des véhicules thermiques n’était pas pertinente » car « elle tuerait les filières gaz renouvelable et hydrogène ». Ce responsable national mobilité pour La République En Marche annonce que des réflexions sont en cours pour ne pas pénaliser les « carburants renouvelables ».

Le Sénat refuse d’inscrire dans la loi la fin de la vente des voitures essence et diesel en 2040
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Le Sénat refuse d’inscrire dans la loi la fin de la vente des voitures essence et diesel en 2040 : l'intégralité des débats le 26 mars 2019

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