Le Sénat rétablit le passe sanitaire aux frontières en cas d’apparition de nouveaux variants

Le Sénat rétablit le passe sanitaire aux frontières en cas d’apparition de nouveaux variants

Supprimée à l’Assemblée nationale, le Sénat a rétabli la possibilité pour le gouvernement d’exiger un « certificat sanitaire » aux voyageurs de plus de 12 ans provenant d’un pays où un nouveau variant menaçant serait apparu, ou bien aux voyageurs se rendant dans des territoires d’outre-mer aux systèmes de santé saturés.
Louis Mollier-Sabet

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À l’Assemblée nationale, l’article 2 du 13ème projet de loi sanitaire du gouvernement depuis le début de la pandémie, « avait connu un destin mouvementé », euphémise le nouveau ministre de la Santé, François Braun, à l’occasion de ses premiers pas dans l’hémicycle du Sénat. Alors que le gouvernement voulait se réserver la possibilité d’exiger un « certificat sanitaire de voyage » pour les déplacements « extra-hexagonaux », en demandant le justificatif d’un schéma vaccinal complet, d’un test négatif ou bien un certificat de rétablissement, le dispositif avait en effet purement et simplement été supprimé par les oppositions de l’Assemblée nationale, agrégeant des voix de la Nupes, du RN et de LR.

» Pour en savoir plus : Passe aux frontières, soignants non-vaccinés : comment le projet de loi sanitaire a évolué en commission au Sénat

La commission des Lois du Sénat avait réintroduit le dispositif, mais avec quelques changements notables : pour les voyageurs en provenance de l’étranger, seule l’apparition d’un nouveau variant « susceptible de constituer une menace sanitaire grave » pourrait justifier l’activation de ce dispositif, tandis que les voyageurs à destination des Outre-mer ne pourront se voir demander un test négatif que si les systèmes de santé locaux sont saturés. En séance, la possibilité d’exiger un test pour les voyageurs ultramarins qui se rendent vers la métropole a aussi été ajoutée, après un vote assez serré, malgré les avis favorables de la commission et du gouvernement. Un « esprit de responsabilité » salué par le ministre de la Santé qui s’est d’emblée dit prêt « au compromis sans compromission. »

« Certificat sanitaire de voyage » en cas d’apparition d’un nouveau variant

En séance, Philippe Bas, rapporteur du projet de loi a donc défendu la nouvelle rédaction proposée par la commission des Lois, en arguant qu’un tel dispositif était en fait une alternative plus « souple » que d’interdire les vols en provenance de tel ou tel pays : « Nul ne peut prévoir ce qu’il va se passer. Si on ne fait rien et que nous ne votons pas cet article, la seule alternative c’est la suppression des vols ou la mise en quarantaine de tous les voyageurs. Nous ne voulons pas que nos compatriotes soient retenus dans le pays de provenance du variant, donc si un test négatif a été fait ils pourront embarquer. C’est une mesure de souplesse par rapport aux moyens brutaux que l’Etat pourrait mettre en œuvre. »

Certains membres du groupe LR, qui avaient déjà signé une tribune « pour la levée immédiate du passe sanitaire », s’inquiètent du retour de ce qu’ils estiment être un « passe sanitaire », comme Laurence Muller-Bronn : « Soumettre la population à un passe pour la protéger, c’est lui mentir. C’est inutile et politiquement cela revient à entretenir un discours délétère sur des citoyens irresponsables qui ne sont pas vraiment des citoyens, que l’on a bien envie d’emmerder jusqu’au bout. » Face aux protestations jusque sur les bancs de son groupe, Philippe Bas en appelle ainsi « à la raison » : « Si ce cas très marginal et exceptionnel se produit, on préférera un tri ciblé à un dispositif d’interdiction du vol de ces avions vers la France. »

« Ce soir vous avez pratiqué l’enfumage vis-à-vis de nombreux groupes de cette assemblée »

Si sur le principe, le « certificat sanitaire de voyage » dans le cas d’apparition de nouveaux variants ou de saturation hospitalière dans les Outre-mer, semblait avoir conquis une majorité de sénateurs, Philippe Bas a été mis bien plus en difficulté pour ce qui est du choix du test négatif comme unique recours. Pour justifier l’exclusion d’un justificatif de vaccination ou d’un certificat de rétablissement du dispositif, le rapporteur explique qu’avec les nouveaux variants « la vaccination ne protège des contaminations que dans une minorité de cas », et que par conséquent, « pour protéger nos frontières de l’apparition d’un nouveau virus, il vaut mieux produire un test négatif, même si c’est plus contraignant. » Un raisonnement qui a du mal à passer sur un certain nombre de bancs de l’hémicycle, notamment à gauche. « Le message vis-à-vis de l’efficacité du vaccin ne nous semble pas très opportun », proteste Jean-Yves Leconte, sénateur PS des Français établis hors de France, qui rappelle que dans certains pays, les tests PCR coûtent cher et pourraient décourager certains de rentrer en France s’ils étaient obligatoires pour prendre l’avion, même vaccinés. Bernard Jomier estime lui aussi que le raisonnement du rapporteur n’est « ni scientifiquement, ni politiquement » justifié.

Patrick Kanner va même jusqu’à mettre en doute la sincérité de la position de Philippe Bas sur le sujet : « Il y a beaucoup d’incendies de forêt dans ce pays en ce moment, et ce soir vous avez pratiqué l’enfumage vis-à-vis de nombreux groupes de cette assemblée. Une situation politique vous lie à un autre groupe à l’Assemblée nationale. » Le président du groupe socialiste insinue ainsi que la position du rapporteur serait un compromis avec le groupe LR de l’Assemblée, qui avait voté contre l’article 2 en séance. Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste, embraye : « Il y a 48h vous étiez tout à fait favorable à ce qu’il y ait les trois modalités dans ce certificat sanitaire [test, vaccination et certificat de rétablissement, ndlr]. Il est difficile de ne pas penser que la situation complexe à l’Assemblée peut conduire certains à imaginer qu’il faudrait que nos débats ici soient guidés pour favoriser tel ou tel groupe de l’Assemblée nationale. Mais ça ne doit pas déteindre sur ce que nous faisons ici en toute indépendance. »

« Si on veut avoir une garantie certaine qu’aucun passager n’embarque en ayant la covid, on teste tout l’avion »

Finalement, la gauche s’est rabattu sur l’amendement de Philippe Bonnecarrère, du groupe centriste membre de la majorité sénatoriale, que le ministre François Braun estimait le mieux rédigé, et qui permettait aux voyageurs éventuellement concernés de simplement présenter un justificatif de vaccination ou un certificat de rétablissement. Sans succès. La majorité sénatoriale a finalement dû recourir à un scrutin public pour rejeter l’amendement, à 151 voix contre 187. Un résultat que n’ont pas manqué de saluer les sénateurs de la majorité sénatoriale les plus réticents aux différents dispositifs sanitaires mis en place par le gouvernement depuis le début de la crise.

« Je suis très heureux que le rapporteur Bas dise implicitement que le meilleur passe sanitaire, c’est par le contrôle des tests. Ne nous obstinons pas sur quelque chose qui a marché au départ et qui marche de moins en moins », s’est par exemple félicité Alain Houpert (LR), rejoint par son collègue centriste, Loïc Hervé : « Si on veut avoir une garantie certaine, indépendamment du statut vaccinal, qu’aucun passager n’embarque en ayant la covid, on teste tout l’avion et on exclut les autres dispositifs, comme le certificat de rétablissement ou de vaccination. Je suis très attaché à la rédaction de Philippe Bas. » Finalement, c’est bien l’article 2 tel qu’imaginé par le rapporteur en commission qui semble s’imposer, avec quelques modifications à la marge. Reste à savoir ce qu’il restera de cette rédaction après la commission mixte paritaire qui se tiendra ce jeudi à 14h, au sein de laquelle la droite aura largement de quoi faire valoir sa position, surtout si les groupes LR de l’Assemblée et du Sénat se sont effectivement coordonnés

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