Le Sénat se divise sur l’avenir du marché européen de l’électricité
Le refus de la droite de soutenir la proposition de résolution invitant le gouvernement à sortir l’électricité des « mécanismes concurrentiels » a entraîné le rejet du texte. Les centristes, alliés de LR, ont soutenu les orientations défendues par la gauche.

Le Sénat se divise sur l’avenir du marché européen de l’électricité

Le refus de la droite de soutenir la proposition de résolution invitant le gouvernement à sortir l’électricité des « mécanismes concurrentiels » a entraîné le rejet du texte. Les centristes, alliés de LR, ont soutenu les orientations défendues par la gauche.
Guillaume Jacquot

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Face à une crise énergétique qui n’en finit plus, le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) rêvait de faire de ce vote un électrochoc. Il a manqué quelques voix à sa proposition de résolution, « proposant au gouvernement de sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels », pour envoyer un signal politique au gouvernement et aux Européens.

L’appui de la quasi-totalité du groupe Union centriste, aux groupes de gauche, n’a pas été suffisant. Ce texte, avant tout symbolique puisque non contraignant, a été rejeté par 180 voix contre 153.

« Sortir de ce mécanisme européen des traders et de l’énergie libérale »

Retour à des tarifs réglementés « pour tout le monde », sortie de l’électricité du « secteur marchand », ou encore fin de la revente de l’électricité d’origine nucléaire d’EDF à ses concurrents à prix bradés : le sénateur communiste Fabien Gay appelait à prendre un « autre chemin » sur le continent. « Nous devons prendre la tête en Europe, sortir de ce mécanisme européen des traders et de l’énergie libérale », en s’inspirant de la dérogation accordée au Portugal et à l’Espagne dans cette crise. Selon lui, la concurrence et la libéralisation, « qui devaient faire baisser les prix, n’ont pas passé l’épreuve de la réalité ».

En pointe sur les sujets d’énergie à la Haute Assemblée, le sénateur de Seine-Saint-Denis pensait trouver des alliés à droite, dans son réquisitoire sur la construction du prix de l’électricité en Europe, liée aux cours du gaz. Stéphane Piednoir (LR) a lui aussi dénoncé un « mécanisme infernal, dans lequel la France s’est fourvoyée ». « À quel moment avons-nous accepté de fixer le coût de production sur ceux, nettement moins avantageux, de pays – certes partenaires – mais qui doivent pouvoir assumer seuls leurs propres stratégies ? » s’est demandé le sénateur.

Malgré quelques constats partagés, le groupe LR n’a pas voulu cautionner le « biais idéologique très fort » de la proposition de résolution, et notamment les critiques contre le caractère concurrentiel du marché.

« Le marché européen nous asphyxie », acquiesce l’Union centriste

De son côté, l’Union centriste (UC) a estimé qu’une sortie « dérogatoire » et « temporaire » du marché européen de l’électricité pouvait être « opportune ». « Le marché européen nous asphyxie. C’est avec courage qu’il faut s’y attaquer, les Français nous le demandent », a insisté François Bonneau, sénateur apparenté UC. Tout en reprochant au groupe communiste certains des propos tenus. « N’accusons pas le libéralisme de tous les maux. » Il n’empêche, comme sur la question des superprofits au cours des dernières lois de finances, centristes et communistes se sont retrouvés une fois de plus à soutenir les mêmes remèdes.

Les autres groupes de gauche ont naturellement apporté leur appui. Guillaume Gontard, au nom des écologistes, a apporté un « soutien plein et entier ». « Suspendre ou sortir du marché commun de l’électricité n’est certainement pas mettre un terme à la solidarité ou au commerce d’électricité. » Idem chez les socialistes. Leur orateur, Franck Montaugé, s’étonne que la réforme « profonde » du marché de l’électricité promise par la Commission européenne tarde à se concrétiser. « Prenez vos responsabilités pour défendre l’intérêt général des Français à Bruxelles, passez des déclarations d’intention aux négociations », a-t-il plaidé.

« Les conséquences directes et indirectes d’un Frexit énergétique seraient extrêmement graves », selon André Gattolin

De son côté, le gouvernement a réaffirmé sa volonté de défendre auprès de ses partenaires européens la nécessité d’une « refonte équilibrée du marché européen de l’électricité ». La ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a peu apprécié les critiques en bloc du marché européen, après un hiver durant lequel la France a pu compter sur les exportations en électricité de ses voisins. « Je rappelle que la sécurisation de nos importations est également liée au bon fonctionnement du marché européen de l’électricité et lorsqu’on se prévaut de vouloir en sortir, nécessairement on pose la question de ce bon fonctionnement », a-t-elle mis au clair.

Des arguments mis en avant par les soutiens du gouvernement au Sénat, comme André Gattolin (Renaissance). « Mieux réguler le marché de l’énergie, oui, mais non pas sortir l’électricité des mécanismes concurrentiels et du système européen. Les conséquences directes et indirectes d’un Frexit énergétique seraient extrêmement graves pour notre pays », a alerté le sénateur des Hauts-de-Seine.

Face à l’impatience de certains groupes, Agnès Pannier-Runacher a indiqué qu’une proposition législative serait connue au niveau européen au cours du premier semestre. Elle a également affirmé qu’il fallait rééquilibrer les relations entre EDF et les autres fournisseurs d’énergie, qui ne se sont pas engagés dans la construction de nouveaux moyens de production. « La question n’est pas tant concurrence ou pas concurrence mais comment créer le cadre de marché dans lequel le jeu de la concurrence permet d’atteindre nos objectifs communs de politique publique de long terme au meilleur coût pour la collectivité et les citoyens. »

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