Le Sénat veut revenir sur le non-cumul des mandats

Le Sénat veut revenir sur le non-cumul des mandats

Une proposition de loi du président du groupe centriste, Hervé Marseille, propose de revenir sur l’interdiction du cumul des mandats de parlementaire et de maire d’une commune de moins de 10 000 habitants. Pour Stéphane Le Rudulier, rapporteur LR du texte, il faut rouvrir le débat sur le cumul des mandats et la loi de 2014, qui a « coupé le lien entre le local et le national. »
Louis Mollier-Sabet

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Revenir sur le cumul des mandats, cela pourrait paraître « déconnecté » ou « hors-sol » de la part de parlementaires de la Chambre haute qui ont souvent une double expérience d’élus locaux et de parlementaires. Pourtant, c’est précisément pour remédier à la déconnexion des élus nationaux et pour « favoriser l’implantation locale des parlementaires » qu’Hervé Marseille a déposé sa proposition de loi qui autorise le cumul d’un mandat exécutif local dans une ville de moins de 10 000 habitants et d’un mandat de parlementaire.

Promesses de 2014 non tenues

Le président du groupe centriste du Sénat nous expliquait cet été vouloir tirer des enseignements de l’abstention aux élections départementales et régionales. Le but de cette proposition de loi est donc de remédier « à l’éloignement de la parole publique et des centres de décision vis-à-vis de l’électeur. » Le texte permettrait ainsi aux parlementaires d’exercer un mandat exécutif municipal (maire, maire d’arrondissement ou adjoint au maire) en plus de leur mandat parlementaire, si la population de la commune en question reste inférieure à 10 000 habitants.

Ces arguments, déjà sujets à caution lors de l’adoption de la réforme en 2014, ne se sont pas vérifiés depuis

La loi de 2014 interdit en effet aux parlementaires de cumuler leur mandat national avec un mandat « exécutif local », soit les fonctions de maires, de présidents et de vice-présidents de conseils départementaux ou régionaux. Cette réforme entendait ainsi mettre fin « à une spécificité française » d’un mélange des genres entre fonctions nationales et locales tout en « renouvelant le personnel politique. » Or, d’après le rapport du sénateur LR Stéphane Le Rudulier, « ces arguments, déjà sujets à caution lors de l’adoption de la réforme, ne se sont pas vérifiés depuis. »

Non-cumul des mandats : « La démagogie de vouloir laver plus blanc que blanc »

Les sénateurs font le diagnostic d’un manque d’ancrage local des parlementaires, et notamment de leurs collègues députés élus en 2017. « C’est vrai que certains élus nationaux sont ‘hors-sol’ou ‘déconnectés’. Depuis 2017, vous avez une majorité présidentielle à l’Assemblée nationale où certains n’ont jamais exercé de mandat local », rappelle Stéphane Le Rudulier, rapporteur LR du texte. L’Assemblée nationale de 2017 était en effet la première assemblée élue sous le régime de non-cumul des mandats instauré en 2014 et a surtout été marquée par l’arrivée tonitruante du macronisme et de tous ses primo députés de la « société civile. »

La solution pour la majorité sénatoriale est donc de permettre à des élus locaux, exerçant un mandat leur permettant de « mener de front » le travail de parlementaire et d’élu local – dans une ville de moins de 10 000 habitants – de conserver leur double ancrage local et national. « C’est un problème de curseur » explique Stéphane Le Rudulier, pour qui « on est allé trop loin et on a coupé le lien entre le local et le national. » Le rapporteur du texte ne mâche pas ses mots et dénonce la « démagogie » qui avait poussé le gouvernement de François Hollande à « vouloir laver plus blanc que blanc. »

« Le danger est que l’on revienne au suffrage censitaire »

Dans la proposition de loi initiale, un parlementaire pouvait cumuler les fonctions, mais ne pouvait plus percevoir les deux indemnités en ne recevant ainsi « aucune indemnité pour l’exercice des fonctions de maire. » Mais la commission des lois est revenue sur cette disposition qui risquait d’être inconstitutionnelle à cause d’une « rupture d’égalité avec des parlementaires par ailleurs conseilleurs communautaires qui sont, eux, indemnisés. » Sur le fond, Stéphane Le Rudulier assume : « Le grand danger est que l’on revienne au suffrage censitaire. On dit qu’il faut réduire les indemnités des élus, on durcit ces règles-là pour éviter qu’on devienne riche en faisant de la politique et résultat des courses, il n’y aura que les personnes qui ont des moyens financiers importants qui pourront exercer un mandat et qui pourront se présenter. »

Le rapporteur du texte l’affirme, les sénateurs « ne veulent pas aller à rebours de l’histoire » mais simplement « mettre de la pondération pour éviter les écueils » et « relancer le débat. » La proposition de loi sera à cet égard discutée au Sénat le 12 octobre prochain et devrait être adoptée par la majorité sénatoriale. On devrait alors connaître la position du gouvernement sur la question, qui sera déterminante pour que le texte passe à l’Assemblée nationale et rentre en application.

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