Le Sénat vote le budget de la relance en y apportant ses modifications

Le Sénat vote le budget de la relance en y apportant ses modifications

La majorité sénatoriale a adopté le budget 2021 après l’avoir modifié. Si les sénateurs soutiennent l’esprit de nombreuses mesures, comme la baisse des impôts de production, ils ont créé des taxes exceptionnelles sur les assurances et la vente en ligne. Ils ont aussi étalé sur cinq ans la hausse du malus auto sur le CO2 et supprimé le malus au poids.
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Après près de trois semaines d’examen, les sénateurs ont terminé le marathon budgétaire et l’examen des 2.746 amendements, un record, après 145 heures de débats. Le Sénat a adopté ce mardi l’ensemble du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, après l’avoir modifié en de nombreux points, par 307 voix pour, 96 contre et 40 abstentions.

Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire n’a pas mis les pieds une seule fois au Sénat durant les débats

Ce budget est historique à plus d’un titre. La France s’est retrouvée en 2020 dans une crise économique jamais vue depuis 1945. L’année se termine avec une récession de -11 %. Pour 2021, le rebond sera là, mais à un niveau moins élevé qu’espéré par le gouvernement, à +6 %, en raison du second confinement.

Pour le nouveau rapporteur général du budget de la Haute assemblée, Jean-François Husson, c’était une première, comme pour le nouveau président de la commission des finances, le socialiste Claude Raynal. Pour son premier budget, le sénateur LR de Meurthe-et-Moselle n’a en revanche pas eu les honneurs du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, qui n’a pas mis les pieds une seule fois au Sénat durant l’examen. Une attitude dénoncée par l’ensemble des sénateurs (voir vidéo ci-dessous). « D’accord, les gestes barrières sont importants, mais enfin quand même… » a ironisé encore ce mardi, lors des explications de vote, le sénateur PCF Pascal Savoldelli. « J’aurai l’occasion de le rappeler très directement au ministre concerné. Il en va de la qualité de la relation entre l’exécutif et le Parlement. Il faut nous parler ! » a insisté le président du Sénat, Gérard Larcher, après l’adoption du PLF. Durant les débats, c’est surtout le ministre chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, qui a tenu avec constance le banc des ministres.

Budget : coup de gueule des sénateurs contre l'absence de Bruno Le Maire lors des débats
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Les sénateurs dénoncent « l’ambiguïté » du plan de relance

Ce PLF porte le plan de relance de 100 milliards d’euros, qualifié « d’historique » par le gouvernement. En réalité la mission relance ne compte que 36 milliards d’euros. Le reste est réparti dans les budgets des ministères ou dans la Sécurité sociale. C’est pourquoi les sénateurs dénoncent « l’ambiguïté » d’un plan de relance « artificiellement gonflé », qui prend des allures de « plan de rattrapage ».

Lors de cette mission relance, un amendement PS pour la création d’un fonds pour l’Outre-mer a été créé. Problème, son coût de 2,5 milliards d’euros est pris sur d’autres budgets, le Parlement ne pouvant pas créer de nouvelles dépenses. Ce que le sénateur LREM, Julien Bargeton, ne s’est pas fait prier de remarquer, ce mardi. « On ampute la mission écologie et culture » constate le sénateur, qui lance : « Franchement, parfois, j’entends les mots d’amateurisme, les mots de bricolage. Mais ce débat ne restera pas dans les annales des heures les plus glorieuses des débats budgétaires ». Finalement, la commission des finances a décidé de revenir sur ce vote lundi soir, lors d’une seconde délibération, avant de clore l’examen du texte…

« On espère qu’on ne se retrouvera pas dès le premier trimestre pour un PLFR 1... »

Lors du retour du texte à l’Assemblée, des mesures d’urgences seront encore ajoutées par le gouvernement par voie d’amendements. Mais face à l’incertitude sur le déconfinement, la question d’une modification du budget 2021, par un premier PLFR, est déjà évoqué du bout des lèvres, avant même l’adoption définitive du budget… « On espère qu’on ne se retrouvera pas dès le premier trimestre pour un PLFR 1... » lance Claude Raynal, président PS de la commission des finances.

Olivier Dussopt évoque déjà ses retrouvailles avec les sénateurs « dans les prochaines semaines, à l’occasion de textes financiers ou qui intéressent les comptes publics » dit le ministre, assurant qu’il ne faut pas y voir « l’annonce d’une loi de finances rectificative trop précoce ». Mais un autre ministre de Bercy, interrogé par publicsenat.fr sur l’éventualité d’un PLFR rapide, ne l’exclut pas, du moins sur le principe : « A chaque fois qu’il y a eu un besoin pour aider les entreprises, on l’a fait. Si, rationnellement, il faut continuer à le faire, oui, on le fera. On a toujours accompagné dans un délais hyper court ».

Taxe sur le commerce en ligne qui vise Amazon

La crise a marqué, en filigrane, tout l’examen du texte. La majorité sénatoriale LR-UDI n’a pas fondamentalement changé l’équilibre de la première partie du texte, celle sur les recettes. Le groupe LREM l’a d’ailleurs adoptée.

Le Sénat a cependant apporté de nombreux changements. Il a notamment instauré une taxe exceptionnelle qui vise les gagnants du confinement : les assurances et d’autre part les entreprises de vente en ligne. Sans le dire, c’est le géant Amazon qui est visé. Dans l’esprit, le rapporteur souhaite que le produit de cette contribution abonde le fonds de solidarité, et en particulier les petits commerces. A noter aussi que le Sénat a adopté pour la troisième fois, contre l’avis du gouvernement, un amendement porté par le communiste Eric Bocquet pour mieux taxer les géants du numérique.

Les sénateurs LR défendent une écologie « positive » et non « punitive »

Jean-François Husson a voulu marquer de son empreinte le budget sur les questions de fiscalité environnementale. Sur le sujet, le sénateur de Meurthe-et-Moselle bénéficie jouit d’une certaine aura depuis qu’il avait, un an avant la crise des gilets jaunes, alerté le gouvernement sur les conséquences de la hausse de la taxe sur les carburants. Fort de son expérience, le rapporteur a voulu étaler sur cinq ans, contre trois ans à l’Assemblée, la hausse du malus automobile sur les émissions de CO2.

La majorité sénatoriale de droite et du centre n’était pas dans le passé trop sensible aux questions écologiques. Les LR s’y sont mis aujourd’hui. Mais la droite défend une vision de l’écologie qu’elle ne veut pas « punitive », mais « positive », a rappelé ce mardi la sénatrice LR Christine Lavarde. Quant au malus auto selon le poids, le rapporteur l’a carrément supprimé, au grand dam de la gauche et des écologistes (voir ci-dessous).

Budget : les sénateurs suppriment le malus automobile au poids
04:50

La gauche et les écologistes déçus sur la transition énergétique et la solidarité

« Sur l’écologie, c’est la déception. Le plan de relance sort du Sénat avec 30 % de moins sur sa ligne écologie » a pointé la sénatrice Génération. s Sophie Taillé-Polian, membre du groupe écologiste. « Sur la transition énergétique comme sur la solidarité, nous sommes en profond désaccord avec ce PLF », dénonce le sénateur PS Rémi Féraud, dont le groupe a défendu, par une série d’amendements, un contre budget en faveur des « victimes de la crise » et pour la jeunesse, avec la création d’une « dotation autonomie jeunesse ».

Baisse des impôts de production : les compensations pour les collectivités renforcées

Autre mesure phare de ce budget : la baisse des impôts de production en faveur des entreprises, à hauteur de 20 milliards sur deux ans. Sur le fond, difficile pour la droite de critiquer la mesure. Elle en défend le principe dans sa philosophie depuis des années. Mais cette baisse d’impôts à une conséquence : elle touche les recettes des collectivités. Le gouvernement compense. Mais pour le Sénat, qui représente les collectivités, il convient de renforcer ces compensations. Le Sénat a ainsi mis sur la table 2,5 milliards d’euros supplémentaires. De leur côté, les écologistes et la gauche ont défendu en vain la conditionnalité de ces baisses d’impôts, qui s’élèvent au total à 20 milliards d’euros.

TVA à 0 % pour les vaccins anti-Covid-19 et TVA à 5,5 % sur les billets de train

Une série d’amendements sur la TVA a été adoptée. Les sénateurs ont abaissé le 10 à 5,5 % la TVA sur les billets de train. Une proposition de la Convention citoyenne, à laquelle s’oppose le gouvernement. Avec l’accord du gouvernement en revanche, le Sénat a totalement exonéré de TVA les futurs vaccins contre le Covid-19 (voir vidéo ci-dessous). Dans le domaine du e-sport, les sénateurs ont abaissé la TVA sur la billetterie des compétitions.

Covid-19 : le Sénat vote pour un taux de TVA à 0 % sur les vaccins
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Aider Air France à acheter des avions moins polluants

Au chapitre des transports, les sénateurs veulent aider Air France à acheter des avions « moins polluants ». Ils ont ainsi adopté un mécanisme de suramortissement sur l’achat d’avions émettant 15 % de CO2 en moins pour les compagnies aériennes installées en France. Ils ont aussi adopté un amendement afin de relever une niche fiscale en faveur de l’acquisition de flottes de vélos, utilisés dans le cadre des déplacements entre le domicile et le lieu de travail.

Covid-19 : suppression du jour de carence pour les fonctionnaires

Comme tous les ans, la majorité sénatoriale a relevé de 1570 à 1750 euros le plafond du quotient familial pour donner plus de pouvoir d’achat aux familles.

Le Sénat a aussi voté, à l’unanimité et en plein accord avec le gouvernement, la suspension de l’application du jour de carence pour les agents publics arrêtés en raison de l’épidémie de Covid-19. Une mesure d’égalité avec le privé.

Main dans la main, sénateurs de droite et de gauche ont maintenu 1,3 milliard d’euros de crédits d’Action logement que le gouvernement veut supprimer dans le cadre du budget. L’exécutif entend lui « recentrer » Action logement, premier bailleur social du pays, « sur son cœur de mission » et revoir sa gouvernance.

Rejet des budgets de l’agriculture, de l’immigration et du sport

La seconde partie du budget, celle portant les budgets, ministère par ministère, a été en revanche plus compliquée pour le gouvernement. Les sénateurs ont en effet rejeté plusieurs missions, estimant que le compte n’y est pas : le budget de l’agriculture, celui de l’immigration ou encore celui du sport.

Ils ont en revanche soutenu celui de la sécurité, face au renforcement des moyens de la police, ou les budgets en hausse de la justice, de la défense – les ministères régaliens sont renforcés dans ce PLF – ou encore ceux du travail, de la santé, en modifiant l’aide médicale d’Etat, de la recherche, du logement, de l'écologie, de l'Outre-Mer ou des collectivités, mais sans cacher, sur ce dernier point, se sentir un peu « schizophrène » face aux mesures du gouvernement. Ils ont aussi adopté le budget de la culture, en progression.

Aides pour le documentaire, le cinéma et la musique

Côté culture justement, les sénateurs ont voté plusieurs mesures. Ils ont renforcé un crédit d’impôt en faveur de la production de documentaires, secteur touché par la crise. Ils ont aussi prolongé une aide pour le tournage de film étrangers en France. Côté musique, ils ont créé un crédit d’impôt pour le secteur de l’édition musicale, mais ont refusé la création d’un fonds d’aide pour les musiques électroniques.

Le texte va maintenant poursuivre son processus parlementaire. Sept députés et sept sénateurs vont se réunir lors d’une commission mixte paritaire, pour tenter de trouver un texte commun. Celle-ci sera sans nul doute conclue par un échec. Le PLF reviendra alors devant les députés pour une nouvelle, et dernière lecture, avant de faire son retour devant le Sénat dans le cadre de la navette parlementaire. Cette dernière lecture sera beaucoup plus rapide que la première. Le projet de loi repassera enfin une troisième et dernière fois à l’Assemblée nationale, qui aura le dernier mot. Le gouvernement pourra mettre le point final au texte, grâce à sa majorité détenue au Palais Bourbon.

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