Le Sénat vote un renforcement du plafonnement des frais bancaires
Les sénateurs ont adopté ce 28 mai une proposition de loi du groupe socialiste, visant à rendre effectif le plafonnement des frais d’incident bancaires pour les ménages les plus fragiles. Amendé en séance, le texte se révèle moins ambitieux qu’à l’origine, mais il constitue bien « une avancée », selon ses auteurs.

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Les sénateurs ont adopté ce 28 mai une proposition de loi du groupe socialiste, visant à rendre effectif le plafonnement des frais d’incident bancaires pour les ménages les plus fragiles. Amendé en séance, le texte se révèle moins ambitieux qu’à l’origine, mais il constitue bien « une avancée », selon ses auteurs.
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Coïncidence du calendrier : c’est moins de trois semaines après l’abandon à l’Assemblée nationale d’un amendement adopté au Sénat pour exonérer de frais bancaires les plus vulnérables dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, que la question est revenue dans l’hémicycle ce 28 mai. En réalité, la proposition de loi du groupe socialiste du Sénat, « visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires », avait été déposée dès le 19 février. Le texte a été adopté en séance ce 28 mai, dans une version remaniée. Un plafonnement bien plus ciblé a été introduit sous l’impulsion du rapporteur Michel Canevet (Union centriste). Il s’agit d’introduire directement dans la loi les engagements du secteur bancaire pris en décembre 2018, de plafonner les frais d’incidents pour les personnes en fragilité financière (maximum 25 euros par mois), mais aussi « d’assurer la transparence » sur les critères des potentiels bénéficiaires.

Dans sa rédaction d’origine, la proposition prévoyait pour les particuliers un plafonnement pour les frais d’irrégularité et les commissions d’opérations bancaires. Les personnes disposant de faibles revenus auraient bénéficié d’un plafonnement des commissions et des frais à un tiers du plafond en question.

« Il ne faut pas s’étonner que les banques réduisent le nombre de leurs agences »

Une mesure trop générale, pour la commission des Finances du Sénat. La majorité sénatoriale de droite et du centre a donc cherché à limiter la rédaction aux seuls frais d’incidents de paiement et de commission d’intervention. Un « progrès », pour le sénateur PS Rémi Féraud, mais qui aurait mérité d’être « plus ambitieux ».

Le débat sénatorial a montré que la nécessité d’en finir avec les « cascades de frais » faisait globalement consensus. Tout était une question de curseur. « L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions », a mis en garde le premier vice-président du Sénat, Philippe Dallier (LR), redoutant la fermeture d’un « paquet d’agences » dans les territoires les plus fragiles « pour ne plus subir des réglementations de cette nature ». La crainte d’effets collatéraux d’un plafonnement s’appliquant à toute la population est régulièrement revenue dans les arguments.  « Si on veut réduire les moyens des banques, il ne faut pas s’étonner que les banques réduisent le nombre de leurs agences ou de leurs personnels », a déclaré Michel Canevet. D’autres ont évoqué le renchérissement de certains services bancaires.

3,6 millions de personnes reconnues en situation de fragilité bancaire

Pour entrer en vigueur, la proposition de loi devra à présent être inscrite à l’agenda de l’Assemblée nationale, puis être adoptée. Les membres du groupe PS ont interpellé le gouvernement sur la nécessité d’anticiper les effets de la « bombe à fragmentation sociale » qui s’annonce, selon les mots de leur président Patrick Kanner. Citant l’augmentation brutale du nombre de demandeurs d’emploi, communiquée ce jeudi, le sénateur a indiqué que ce n’était « plus la pression des ronds-points mais la lutte contre la catastrophe sociale » qui devait pousser l’exécutif « à agir ».

Le phénomène, qui pourrait s’aggraver avec les pertes de revenus des Français, ne date pas d’hier. Actuellement, ce sont 3,6 millions de personnes qui sont reconnues en situation de fragilité bancaire (incidents de paiement répétés ou surendettement). Selon le socialiste Rémi Féraud, les frais bancaires « maintiennent la tête sous l’eau de ceux qui sont déjà en difficulté », puisqu’un foyer en difficulté sur cinq est prélevé à hauteur de 500 euros par an au total. Avec ses collègues, il estime que les engagements du gouvernement, après concertation avec le secteur bancaire, n’ont « pas toujours été suivis d’effets ». « La bonne volonté du gouvernement est moins grande que la mauvaise volonté des banques », a comparé le sénateur de Paris.

« Il n’y a pas besoin de passer par la contrainte législative », répond la ministre

Pour la sénatrice PS de l’Oise Laurence Rossignol, l’essentiel du texte était donc avant tout de « rendre effectifs » les engagements pris par les ministres successifs de l’Économie, et à les graver dans le marbre de la loi. « Tous ces débats ne visent qu’à une chose : ne pas légiférer ».

S’appuyant sur une enquête de la DGCCRF, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, Agnès Pannier-Runacher a affirmé, au contraire, que les engagements avaient été « bien respectés ». Le plafonnement des frais à 25 euros par mois (décidé en 2018) s’applique à 3,3 millions de clients, dont un million qui a bénéficié d’une baisse. « Il n’y a pas besoin de passer par la contrainte législative pour parvenir à des résultats concrets et puissants », a-t-elle insisté. Or, pour Laurence Rossignol, il ne s’agit que de chiffres « déclaratifs », communiqués par les établissements bancaires.

Le groupe LR a rejoint la gauche en estimant qu’il est nécessaire de casser « une spirale sans fin » et que ce texte était une « bonne occasion » pour « traduire dans la loi » les engagements obtenus depuis 18 mois, selon Jean-François Husson. « La loi étant moins perméable aux aléas », a-t-il souligné. Le texte a également été jugé « très pertinent » et « de bon sens », par le communiste Éric Bocquet, regrettant toutefois qu’un décret laisse une « marge de manœuvre » entre le secteur bancaire et le gouvernement.

« On va boucher trois trous, et en laisser cinq ou six », regrette Jean-Marc Gabouty

Au groupe RDSE, le sénateur Jean-Marc Gabouty a également soutenu la version corrigée de la proposition de loi, appelant dans le même temps à poursuivre la réflexion pour les très petites entreprises et les artisans, victimes eux aussi de frais pour incidents relativement importants. « On va boucher trois trous, et en laisser cinq ou six. Le système bancaire mériterait un examen plus approfondi », s’est-il exclamé. Agnès Pannier-Runacher a précisé qu’une mission spéciale se penchait sur le sujet des TPE et qu’un rapport serait remis dans les prochains mois.

Dans sa version finale, la proposition de loi a également intégré un amendement pour « renforcer l’information des clients sur le détail et le montant des tarifs d’irrégularités de fonctionnement et d’incidents de paiement ». Un élément qui vient se rajouter à l’autre grand volet de la proposition de loi remaniée, à savoir : la transparence, voulue sur tous les bancs, des éléments servant à identifier une personne en fragilité financière. Ces critères devront être rendus publics et feront l’objet d’une transmission annuelle à l’Observatoire de l'inclusion bancaire.

Moratoire sur les agios : le Sénat vote contre un amendement qu’il avait adopté le 4 mai

Plus encore que la réduction de la portée de leur proposition de loi, c’est le rejet d’un amendement qui a laissé une note amère au groupe PS. Rémi Féraud et Laurence Rossignol ont redéposé leur idée d’exonération, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, des agios pour les personnes en situation de fragilité financière, ainsi que pour les moins de 25 ans et les allocataires des minima sociaux (RSA, AAH). Retiré par l’Assemblée nationale dans le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire début mai, l’amendement avait pourtant été adopté à une large majorité au Sénat.

Ce n’était pas le cas ce 28 mai. Pour le rapporteur centriste Michel Canevet, cet amendement n’aurait pas pu être « opérable », en raison de contraintes techniques pesant sur les fichiers et du délai. « Il ne sera pas adopté avant le 10 juillet prochain », a-t-il expliqué, préférant qu’un dialogue soit noué entre le gouvernement et les banques. « Qui peut dire que l’état d’urgence sera levé le 10 juillet ? Nous préférons prévenir que guérir », a répliqué le socialiste Patrick Kanner.

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